Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Check Point : les prix ont-ils augmenté depuis l’euro ?
Par Thomas Mignon
Publié le
Le 1er janvier 2002, la monnaie unique faisait son apparition dans nos porte-monnaie. Malgré les avantages que cet euro apportait en termes notamment de mobilité au sein de l'Union européenne, il a rapidement dû faire face à ses détracteurs en venant au monde.
Au-delà des problèmes rencontrés par monsieur et madame Tout-le-Monde dans la conversion de leurs francs, pesetas et autres lires, une idée circule, insistante au fil des années : l'euro aurait entraîné une hausse des prix.
"C'est à cause de l'euro que les prix ont augmenté", dirait l'un. "La vie était moins chère avant l'euro, vous savez…", pourrait-on encore caricaturer.
Et les politiques s'en mêlent. Les eurosceptiques, au sens ici de "sceptiques de l'euro", existent eux aussi. L'extrême droite en fait d'ailleurs régulièrement l'un de ses combats en Europe.
Mais, même si cette analyse est répandue, les prix ont-ils véritablement augmenté depuis la mise en circulation de l'euro ?
Plus cher notre pain ?
Les prix de tous les produits n'ont pas varié de la même manière depuis 2002. Mais, pour mieux comprendre, prenons un exemple que tout le monde connait : celui de pain.
En Belgique, avant d'être libéralisé en 2004, le prix du "pain de ménage", le pain de 800g, ne pouvait pas dépasser 1,59 euro. Une fois cette limitation supprimée, le prix s'est progressivement envolé pour atteindre quelque 2,20 euros aujourd'hui.
Situation très similaire chez nos voisins français : deux ans avant l'euro, une baguette de 250g coûtait en moyenne l'équivalent de 63 centimes d'euros, selon les chiffres de l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques. En janvier 2002, c'est déjà 4 centimes de plus, alors que l'euro est à peine entré en vigueur.
Près de 15 ans plus tard, la baguette affiche un prix moyen de 86 centimes d'euros. Depuis l'euro, cela représente dès lors une augmentation moyenne du prix du pain de 2% chaque année.
Et les exemples ne manquent pas : en Espagne, la baguette est passée de l'équivalent de 0,30 euro en 2001 à 0,70 euro en 2015, selon les chiffres cités par La Vanguardia. L'augmentation moyenne annuelle du prix du pain est ici nettement plus impressionnante puisqu'elle aurait ainsi approché les 9%.
Conclusion évidente : le pain nous coûte, dans l'absolu, plus cher qu'avant l'euro. Mais ce qui est vrai pour le pain peut-il pour autant être élargi à l'ensemble des produits en Europe ?
L'IPCH et le panier de la ménagère européenne
Pour mesurer l'évolution du panier de la ménagère, l'Union européenne utilise "l'IPCH", l'Indice des Prix à la Consommation Harmonisé. Une manière d'évaluer, de façon comparable, le coût de la vie dans les différents États membres de l'Union.
Comme on peut le voir sur les données fournies par la Banque centrale européenne, l'évolution des prix est majoritairement restée positive au cours de ces dernières années. Autrement dit, les prix ont, la plupart du temps, augmenté d'une année à l'autre.
Dire que les prix ont augmenté est exact. C'est un fait.
Mais il y a un "mais" !
Relative stabilité des prix
Les prix ont connu ce qui est considéré comme une certaine stabilité d'un point de vue économique ces dernières années. Depuis janvier 2002 et l'arrivée de l'euro, l'augmentation moyenne annuelle est d'à peine d'1,7%.
Et il faut dire que nous n'avons pas non plus été aidé par la crise de 2008, année où l'augmentation avait atteint plus de 4% en juillet.
S'il l'on prend une période similaire, juste avant l'entrée de l'euro, la hausse des prix est en moyenne de 2,7%, soit 1% de plus pour le fameux panier de la ménagère.
Avant cela, on dépassait régulièrement les 4%, jusqu'à atteindre des pics gigantesques comme celui de novembre 1974 : 14,7% d'augmentation des prix par rapport à l'année précédente.
Plus concrètement, un panier de courses acheté 100 euros en 2002, coûtait 123 euros 10 ans plus tard. Alors que, si on fait le même exercice 20 ans plus tôt, un panier acheté l'équivalent de 100 euros en 1982 serait revenu à 156 euros en 1992.
Donc les prix n'augmentent pas plus depuis que l'euro est arrivé dans nos portes-feuilles. Au contraire, l'augmentation est plus timide qu'auparavant.
Et hors zone euro ?
Et, s'il devait subsister un doute, il est bon de jeter un œil aux pays hors zone euro. Les chiffres d'Eurostat nous montrent que, depuis 2002, la Pologne, la République tchèque, la Bulgarie, la Croatie, la Hongrie, la Roumanie et même le Royaume-Uni connaissent une hausse moyenne annuelle des prix plus importante que les pays qui utilisent l'euro.
Le Danemark fait jeu égal avec la zone euro, tandis que la Suède est le seul État membre de l'Union européenne à faire mieux avec 1,4% d'augmentation moyenne.
Néanmoins, l'euro aurait-il sa part de responsabilité dans l'augmentation des prix, aussi légère soit-elle ?
Oui. Mais, là aussi, c'est léger. Au passage à l'euro, l'inflation – soit, pour faire simple, le taux d'augmentation des prix – était de 2,3%. La Commission européenne a calculé en 2005 que, sur ces 2,3%, l'euro ne pouvait être responsable que de 0,1 à 0,3%.
Le travail de la Banque centrale européenne permet en outre de maîtriser cette inflation pour l'ensemble de la zone.
Pouvoir d'achat en hausse
Et le pouvoir d'achat dans tout ça ? Se pourrait-il que la croissance des salaires n'ait pas suivi celle des prix ?
En Belgique, en 2002, un employé à temps plein gagnait en moyenne un salaire brut mensuel de 2441 euros. En 2014, ce salaire moyen est passé à 3414 euros brut, ce qui correspond à une augmentation moyenne annuelle de 3,06%.
Toutes choses égales par ailleurs, quand on sait que les prix n'ont entre-temps augmenté que d'1,93% pour la même période, on peut dire que le pouvoir d'achat de l'employé belge se porte mieux.
Même chose en France : le revenu disponible brut – autrement dit, l'ensemble de ce dont le ménage dispose pour la consommation ou l'épargne (salaires nets, allocations, revenus immobiliers…) – a connu une hausse moyenne annuelle de 2,5% entre 2002 et 2015.
Sur cette même période, les prix ne prenaient eux qu'1,8 point.
Et cela est également vrai si l'on se concentre sur les petits revenus uniquement : le SMIC horaire – le salaire minimum français – était de 6,67 euros en 2001. Quinze ans plus tard, le SMIC a atteint 9,61 euros de l'heure. Cela représente une augmentation moyenne de 3,1% par an.
Globalement, le pouvoir d'achat d'un Français a, selon l'INSEE, crû en moyenne de 0,6% sur la période couverte par la monnaie unique. À l'échelle du ménage, l'augmentation moyenne annuelle est de 0,2%.
Alors, l'euro responsable d'une hausse des prix ou d'une baisse du pouvoir d'achat ? C'est faux.