Les trois ministres de Bercy – Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt – étaient auditionnés ce 1er octobre par la commission des Finances du Sénat sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2020. Après trois quarts d’heure de présentation des grandes lignes du budget, la première question fuse. Et le ton monte. Le président de la commission, le socialiste Vincent Éblé, demande pourquoi ses courriers, adressés au ministre, restent sans réponse depuis des mois. Des réponses pressantes, sur lesquelles le sénateur compte, pour nourrir un rapport sénatorial attendu pour le 9 octobre. Ce dernier doit évaluer les effets de la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière, et de l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital.
« Nous avons adressé un questionnaire, à vous monsieur le ministre Le Maire, le 23 avril dernier. Puis une relance en juillet sur 29 réponses manquantes sur 54, plus de la moitié, excusez du peu. Malgré cette relance, et de très nombreux contacts, y compris des appels personnels avec vos équipes […] nous n’avons toujours pas eu de réponse de votre part sur des données, dont certaines sont pourtant purement factuelles », commence Vincent Éblé. Les articles dans la presse ce mardi, qui se sont fait écho de la sortie d’un premier rapport sur les conséquences de la suppression de l’ISF, n’ont fait qu’accentuer sa colère. « Ce midi, nous avons découvert avec stupéfaction que le comité d’évaluation, placé sous l’égide de France Stratégie, et qui travaille sur le même sujet, a pu bénéficier de certaines informations que nous vous demandons depuis près de 6 mois », enchaîne-t-il.
ISF : Le sénateur Vincent Éblé reproche à Bruno Le Maire de ne pas lui avoir transmis des réponses
Pour le sénateur de Seine-et-Marne, il ne s’agit, ni plus ni moins, qu’un obstacle au pouvoir de contrôle des parlementaires. « Le gouvernement entend-il réellement fournir aux parlementaires les informations dont ils ont besoin pour travailler également ? Ou sommes-nous là comme une chambre d’enregistrement […] Vous semble-t-il normal que la représentation nationale soit moins bien traitée que les experts de tel ou tel comité d’évaluation ? »
« Ça vous autorise à ne pas nous transmettre les éléments ? »
Afin de dissiper tout « malentendu », Bruno Le Maire répond dans la foulée en indiquant qu’il regrette que le Sénat n’ait pas pu être associé aux travaux du comité d’évaluation, placé sous le contrôle de France Stratégie (donc de Matignon). Vincent Éblé l’interrompt aussitôt, rétorquant qu’il s’agit d’une raison « politique », et non juridique. Comme nous le précisions en avril dernier, le président de la commission des Finances du Sénat a refusé que le Sénat soit associé à des « experts », qui plus est, avec un seul siège, qui n’aurait pas permis de refléter le pluralisme de la Haute assemblée.
Bruno Le Maire reprend : « Je regrette votre position. Vous critiquez la position du gouvernement, je me permets de regretter que le Sénat n’ait pas accepté de participer à un comité d’évaluation. » Mais le ministre est coupé une nouvelle fois par Vincent Éblé, bouillonnant. « Ça vous autorise à ne pas nous transmettre les éléments que nous vous adressons par questionnaire ? » Le ministre de l’Économie répète qu’il aurait préféré voir un sénateur dans ce comité. « Ce n’est pas la peine de hausser le ton […] Je pense qu’il aurait été bon que le Sénat soit représenté dans ce comité d’évaluation, qui a fait avec l’Assemblée nationale un très bon travail et qu’il n’est jamais bon de se mettre à côté d’un travail sérieux. »
Essayant de témoigner de la bonne foi de son ministère, Bruno Le Maire n’a, cependant, pas été en mesure d’indiquer une date pour l’envoi des réponses tant attendues par la commission sénatoriale. « Nous allons vous fournir toutes les informations nécessaires. Il va de soi que le gouvernement fournit à l’Assemble nationale et au Sénat, et à la représentation nationale dans son ensemble, toutes les informations dont elles ont besoin. Nous vous apporterons les réponses en temps utile, le plus rapidement sera évidemment le mieux. Ne mésestimez pas non plus la charge de travail qui est celle du ministère au moment où il prépare le budget. »