Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Catherine Hill, épidémiologiste : « Un verre de vin par jour augmente le risque de cancer »
Par Public Sénat
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Le vin, cette passion et tradition très française. Qui trouve chaque année dans le Salon de l’agriculture une parfaite exposition. C’est aussi un enjeu politique. Il y a un an, c’est avant le salon qu’Emmanuel Macron avait affirmé « boire du vin le midi et le soir ». Ce qui hérisse particulièrement les médecins, qui rappellent les enjeux de santé publique (voir notre article). Dans la même lignée, en janvier dernier, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, clamait haut et fort que « le vin n’est pas un alcool comme un autre ».
Jeudi, au Salon de l’agriculture, le sujet a encore fait débat sur le plateau de Public Sénat. Il est monté dans le rouge entre les défenseurs du vin et une épidémiologiste, Catherine Hill.
« Chaque viticulteur est un artiste », « il y a un vrai plaisir à boire du vin »
Bernard Artigue, président de la chambre d'agriculture de Gironde et viticulteur, commence en défendant sa boisson préférée : « Le vin, c’est de l’histoire, des territoires, des paysages, c’est notre environnement, c’est notre culture. Je ne considère pas qu’une personne qui boit du vin régulièrement est une personne addict » (voir vidéo ci-dessous). Des propos cependant tempérés par Ariane Lesné, vigneronne en vin nature dans le Loir-et-Cher : « Le vin n’est pas un alcool comme les autres, mais comme tout alcool, si on en boit trop, on le sait tous, c’est quand même une drogue. Après, il y a un vrai plaisir à boire du vin ».
Henri Cabanel, sénateur PS de l'Hérault, et lui aussi viticulteur, défend à son tour cette culture viticole. « Chaque viticulteur est un artiste car son vin est unique. Derrière, il y a des paysages, une économie » lance le sénateur.
« Le vin n’est pratiquement pas taxé »
Après avoir entendu ces déclarations pro-vin, Catherine Hill entend remettre les choses en perspectives. Et n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat. « Il faut mettre la consommation de vin à sa juste place. C’est presque 60% de la consommation d’alcool pur. C’est une cause très importante de maladie. Si on pense que l’alcool tue aujourd’hui à peu près 41.000 personnes par an, le vin c’est 58 % de cette mortalité. Donc c’est vraiment énorme. Et si on prend tout ce qui est bu dans le pays, (…) on trouve 2,6 verres par jour, ce qui est beaucoup plus que les 10 verres par semaine qu’il est recommandé de ne pas dépasser ». Et « la population qui boit régulièrement en France boit 5 verres par jour. C’est 35 verres par semaine, c’est beaucoup trop pour leur santé ». Regardez :
Autre rappel salutaire : « Le vin n’est pratiquement pas taxé. (…) Quand vous achetez une bouteille de vin, vous payez 20 % de TVA et vous payez moins de 3 centimes de taxe par bouteille. (…) C’est là où on peut changer les choses : avoir de l’argent pour faire de la prévention » (voir notre article sur le sujet).
Bernard Artigue, le viticulteur, réagit aussitôt. « Il faut arrêter de dire que nous ne sommes pas taxés ». Il ajoute (à voir dans la première vidéo) :
« Oui je pense que le vin reste la meilleure des boissons. Ce n’est pas quand on boit un verre ou deux par jour qu’on devient alcoolique. (…) Et est-ce que boire de l’eau, c’est bon pour la santé ? »
« Discours complètement bidon de modération » de la filière viticole
« C’est l’art de noyer le poisson… » lui rétorque l’épidémiologiste, qui corrige : « Même un verre de vin par jour augmente le risque de cancer. Le vin est la première cause de cancer du sein chez les femmes en France. Dans les causes évitables, c’est quand même très important. Les bénéfices, à très faible dose, sont réels mais sont annulés par les risques ». Catherine Hill explique que « la modération, c’est de ne pas dépasser 10 verres par semaine ».
Elle enrage contre « le discours complètement bidon de modération (défendu selon le point de vue de la filière viticole) ». Et de dénoncer le poids des « lobbys » et « un gouvernement qui n’a pas de santé publique. (…) La preuve, c’est qu’il confie la prévention aux vignerons. (…) On marche sur la tête. Ça doit être traité par des professionnels de santé publique ».
Bernard Artigue tente de couper la poire en deux : « Ce débat est passionnant mais il est passionnel. Au-delà de notre produit, nous défendons notre environnement, notre société. Et cette société, on a envie de la conserver. Oui, il y a des excès, il y en aura toujours. Il faut les uns et les autres trouver un équilibre ». Sans trop de vin non plus. Ça n’aide pas à le garder.