« Il y a 10 ans , il manquait 40 médicaments en France , aujourd’hui c’est plus de 400 ». Les pénuries de médicaments, c’est un thème que la sénatrice centriste du Pas-de-Calais, Catherine Fournier, connaît bien. Pour elle, la crise du coronavirus a aggravé ce manque, elle réfléchit depuis un mois à la manière de relocaliser la production en France. Il faut que « notre pays soit indépendant » en matière de production de médicaments. «Cette crise sanitaire montre que nous manquons pratiquement de tout, on est tributaire d’une chaîne de production qui est à 80% en dehors de l’Europe ». Un marché phagocyté par la Chine, les États-Unis et l’Inde qui fabriquent 80% des principes actifs commercialisés en Europe, « quand la Chine a arrêté sa production à cause de la crise, ça a eu un effet boule de neige, on avait beau leur réclamer, il n’en avait plus pour nous ».
L’État doit reprendre la main
Si la France est dépendante , c’est parce qu’elle a progressivement perdu son industrie pharmaceutique estime la sénatrice, « on a tout perdu pas seulement en France, mais aussi en Europe ». Dans son département, deux sites ont fermé, « ça a pris 10 ans et le dernier a arrêté sa production il y a 6 ans ». Désormais il resterait une soixantaine de lieux de production sur le territoire, presque rien comparé au reste du monde. Les normes environnementales européennes, trop contraignantes, y sont pour beaucoup d’après la sénatrice, « les usines ont été délocalisées parce qu’elles sont polluantes, elles sont souvent classées Seveso ». Mais ce n’est pas tout, la rentabilité économique est plus intéressante à l’étranger où les normes sociales et fiscales sont moins exigeantes. « Nous ne sommes pas dans un monde de bisounours, nous sommes dans un monde virulent, celui de la finance ». La sénatrice reconnaît la puissance des lobbys pharmaceutiques, et des états qui dominent le marché. « Comment voulez-vous négocier avec la Chine, si vous n’avez plus de produit, si vous n’avez rien dans la balance, plus aucun pouvoir ». Mais il faut, selon elle, que l’État reprenne la main sur ce secteur et revoit sa politique industrielle, « on est sur un sujet vital, si les états n’arrivent pas à les défendre, c’est dramatique ».
L’outil de production « toujours là »
La sénatrice propose notamment de relocaliser la production en France. « L’industrie de la santé n’est pas un secteur économique comme un autre, c’est un secteur essentiel comme peut l’être l’énergie ». Elle appelle l’État à négocier avec les industries pharmaceutiques pour qu’elles relocalisent, soit en les « incitant » mais aussi en les « forçant » . Elle propose par exemple de conditionner la mise sur le marché d’un médicament à sa production sur le sol français ou européen. « Quand on donne l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament, c’est l’État qui paye, c’est la sécurité sociale, ça peut être un levier de négociation». Elle estime par ailleurs que la France pourrait rapidement relancer la production. « Dans ma région, l’outil de production a été abandonné mais il est toujours là ». L’usine qui a fermé il y a 6 ans pourrait après rénovation repartir, « on a des potentialités, les friches existent, il faut juste se les réapproprier ».