Calendrier du déconfinement : une « liberté surveillée » accueillie avec prudence au Sénat

Calendrier du déconfinement : une « liberté surveillée » accueillie avec prudence au Sénat

On connaît désormais les arbitrages de l’Elysée pour le calendrier des mois de mai et de juin. La levée des restrictions et le calendrier des réouvertures vont s’effectuer de manière très progressive. Au Sénat, la perspective de jours meilleurs a de quoi soulager. Mais de nombreux détails interrogent.
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Des heures de suspense et de spéculation auront été abrégées. Plusieurs titres de la presse quotidienne régionale, qui doivent publier ce 30 avril une interview d’Emmanuel Macron, révèlent cet après-midi le contenu du calendrier de réouverture des activités et de levée progressive des restrictions sanitaires pour les semaines à venir. Le plan arbitré par l’Elysée comprend quatre étapes. L’interdiction des déplacements interrégionaux et la limite des 10 kilomètres seront levées le 3 mai. Le 19 mai sera une étape plus importante avec la réouverture attendue des terrasses, des commerces, des établissements culturels, y compris la possibilité les salles de spectacles avec un public assis. La reprise des activités sportives en plein air est également prévue.

Un pas supplémentaire sera franchi le 9 juin avec la réouverture de l’intérieur des cafés et restaurants (avec un maximum de 6 personnes, comme à l’extérieur) et des salles de sport, fermées depuis l’automne. Il sera également possible d’assister à des grands évènements réunissant jusqu’à 5 000 personnes (lieux culturels, stades, foires expos). Ce seuil serait abaissé à 1 000 à compter du 30 juin, date à laquelle les limites de jauge dans les établissements recevant du public seront levées.

Au Sénat, la stratégie semble être accueillie avec une certaine satisfaction rapidement douchée par la prudence et plusieurs points d’achoppements. « N’étant pas sur une baisse du nombre de cas très franche, que le déconfinement se fasse de façon progressive, ça me semble normal », estime la présidente (LR) de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche. « Cela donne une bouffée d’oxygène, en espérant que tout cela se passe bien », se met à imaginer son collègue René-Paul Savary (LR), l’ancien vice-président de la commission d’enquête sur la crise sanitaire. Mais le verre est aussi à moitié vide. « Ce n’est pas de la liberté totale mais de la liberté surveillée », résume-t-il.

« S’il n’y a pas plus d’état d’urgence sanitaire, il n’y a plus de couvre-feu », s’insurge Olivier Henno

La persistance d’un couvre-feu jusqu’au 30 juin fait notamment réagir, malgré l’assouplissement à venir (21 heures à partir du 19 mai, 23 heures à partir du 9 juin). « S’il n’y a pas plus d’état d’urgence sanitaire, il n’y a plus de couvre-feu », s’insurge le centriste Olivier Henno. « C’est quand même une privation de liberté, ce n’est pas une question anecdotique. » La fin du régime exceptionnel qu’est l’état d’urgence sanitaire doit prendre fin le 1er juin, et un régime transitoire, dont débattra le Parlement en mai, doit prendre le relais. Tout dépendra de l’écriture et d’éventuels amendements. « C’est là où le débat est faussé », s’agace René-Paul Savary. « Il l’annonce avant le débat au Parlement. Si le gouvernement était dans une stratégie partagée de la gestion de cette crise sanitaire, il ferait les propositions au Parlement, qui les amenderait éventuellement. »

Un élément a également attiré l’attention de René-Paul Savary dans la stratégie exposée : l’apparition du passe sanitaire, dès le 9 juin, justifiant d’une vaccination contre le covid-19, ou d’un test négatif. Il permettra d’assister aux évènements regroupant plus de 5 000 personnes (puis 1 000 à partir du 30 juin). Le sénateur de la Marne ne l’imaginait pas pour d’autres finalités que les voyages internationaux et juge sa présentation « prématurée ». « Cela pose un certain nombre de problèmes dont on débattra au Sénat. Il faut qu’on se trouve dans la recherche d’équilibre et les bénéfices et les risques d’une telle mesure. C’est quand même une contrainte, il ne faut pas stigmatiser les gens. »

Même appel de la part d'Olivier Henno. « L’heure du passe sanitaire n’est possible seulement si on ouvre la vaccination à tous. Elle doit être ouverte à tous, ça me paraît être une urgence. » La socialiste Michelle Meunier, qui considère le calendrier « très optimiste au vu des dates », demande elle aussi, que les gens puissent avoir « accès au vaccin, sans barrière d’âge ». Avis partagé par son collègue Rémi Féraud, qui considère qu’au rythme actuel de la campagne, le calendrier de réouverture « va un peu vite ». « J’espère que ce pari ne sera pas perdu comme le pari de celui de janvier », égratigne le sénateur de Paris. Pour le moment, le chef de l’Etat ferme la porte à une ouverture de la vaccination à l’ensemble des adultes.

« C’est la territorialisation astérisque »

Le relâchement des mesures laisse une fois de plus apparaître un cadre national, « sauf situation sanitaire départementale dégradée ». L’Elysée se donne la possibilité d’actionner des « freins d’urgence » dans la réouverture, là où le taux d’incidence serait supérieur à 400 cas pour 100 000 habitants. A l’heure actuelle, huit départements sont dans cette situation : la plupart des départements d’Île de France, ainsi que l’Oise et les Bouches-du-Rhône, sont au-dessus de cette barre. C’est l’une des déceptions d'Olivier Henno. « C’est toujours pareil. La verticalité fait que la territorialisation fonctionne quand il s’agit de mesures privatives de libertés, mais ne fonctionne pas dans l’autre sens : ça me paraît nécessaire d’avoir aussi ce genre de discours, et pas seulement une punition », demande le sénateur du Nord. « La territorialisation est absente, ou plus exactement, c’est la territorialisation astérisque. Comme un contrat d’assurance : on renvoie vers les conditions », résume Rémi Féraud, lassé des fausses « professions de foi décentralisatrices » du président de la République.

« Décision du prince »

A part ces données chiffrées concernant des hypothèses où la situation se dégraderait localement, l’assouplissement au niveau national ne semble plus lié à aucune courbe épidémique. Le mois d’octobre où le déconfinement était conditionné à 5 000 cas par jour semble révolu, grâce à la vaccination. « Ce qui pose question, et je l’avais déjà dit, c’est que les critères varient », s’interroge Catherine Deroche. « Que le président de la République veuille donner des perspectives, c’est bien. Mais il a décidé tout seul, comme d’habitude, sans que l’on ait connaissance des critères », se lasse Rémi Féraud. « Les critères changent brutalement de façon unilatérale par décision du prince. Le peuple doit être docile, ce n’est pas la conception de la démocratie », sermonne un peu plus René-Paul Savary.

Le calendrier aura au moins eu le mérite de donner quelques perspectives. Reste à le confirmer dans les prochaines semaines. Pour Catherine Deroche, l’après juin ne signera pas forcément un retour à la normale. « Cela reste un calendrier indicatif. Je souhaite qu’il puisse être respecté, mais c’est l’avenir qui le dira. Je crois assez peu à un retour à la normale avant l’automne, sous condition qu’il n’y ait pas de nouveaux variants. » « Peut-être aurons-nous à vivre avec le virus pendant des années et à nous refaire vacciner chaque année », reconnaît Emmanuel Macron dans l’interview.

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