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Cabinets de conseil : 264 reconversions d’agents publics ont été contrôlées depuis 2020, indique Didier Migaud
Par Public Sénat
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Plusieurs missions de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) intéressent la commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil. « Le contrôle des mobilités des anciens ministres et fonctionnaires dans le secteur privé aussi appelé pantouflage, la prévention des conflits d’intérêts dans l’administration de l’Etat, et la gestion des registres des représentants d’intérêts dans lesquels les cabinets de conseil peuvent être inscrits », liste Arnaud Bazin (LR), président de la commission.
Ancien premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud rappelle d’abord un chiffre. Entre 2011 et 2013, « La Cour des comptes avait estimé les dépenses au titre du recours au conseil extérieur à 150 millions d’euros en moyenne par an ».
Des pratiques qui ne sont pas interdites, parfois même utiles, mais nécessitent d’être « encadrées » car « ces cabinets de conseil recrutent d’anciens hauts responsables administratifs ou politiques qui peuvent intervenir ensuite directement ou indirectement dans des missions qui profitent à leurs anciennes administrations », rappelle-t-il.
Depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, tout projet de nomination d’un conseiller ministériel, d’un collaborateur du président de la République, d’un directeur général des services ou d’un directeur général d’administration centrale ayant exercé une activité lucrative lors des trois dernières années doit être soumis à la HATVP.
116 cabinets de conseils sont inscrits dans le registre des représentants d’intérêt ; « Ils représentent 5 % des inscrits mais déclarent 16 % des fiches d’activités et les dépenses les plus importantes, la fourchette moyenne est entre 100 000 et 200 000 euros en hausse par rapport à 2020 où la fourchette moyenne était comprise entre 50 000 et 75 000 euros ».
Si un risque de conflit d’intérêts est avéré, la Haute autorité fait alors des recommandations de mise en conformité (mesure de déport, publicité de l’intérêt, présence d’un tiers lors de rencontres), elle dispose aussi d’un pouvoir d’injonction, à ce jour, jamais utilisé.
Didier Migaud précise alors que « ces situations ne concernaient pas les principaux cabinets en stratégie qui sont évoqués lors de vos auditions », comme notamment l’américain McKinsey.
264 dossiers de reconversion, 573 de prénomination
Depuis le 1er février 2020, la Haute autorité a examiné 264 dossiers de reconversion, pour moitié des collaborateurs du président de la République et ces conseillers ministériels. « 65 % ont fait l’objet d’un avis de compatibilité avec ou sans réserve […] 27 agents n’ont pas pu réaliser leur projet pour des risques réels de prise illégal d’intérêts », annonce-t-il. De même, la Haute autorité a rendu 573 avis de prénomination, c’est-à-dire un contrôle de personnes venant du privé vers le public. « Sept dossiers de reconversion et 8 dossiers de prénomination concernaient des mobilités vers ou depuis des grands cabinets susceptibles de délivrer des prestations de conseil à l’Etat. Il s’agissait des cabinets Deloitte, Boston Consulting group, Capgemini et Accenture », cite Didier Migaud.
En ce qui concerne le cas d’anciens membres du gouvernement, depuis le 1er janvier 2018, seuls une ancienne ministre et un ancien membre d’autorité administrative indépendante ont rejoint un cabinet de conseil. Deux cas qui ont donné lieu a des avis de comptabilité avec réserve. La Haute autorité a aussi relevé trois départs vers des cabinets d’avocats susceptibles de délivrer des prestations de conseil à l’Etat, un ancien ministre et deux anciens membres d’une autorité administrative indépendante.
Les cas les plus courants concernent la création d’entreprises individuelles ayant une activité de conseil. 19 situations en quatre ans qui ont toutes été contrôlées et qui ont donné lieu à des avis de comptabilité avec réserve. Si une incompatibilité peut aussi être prononcée en raison d’un risque déontologique majeur de nature à remettre en cause le fonctionnement normal d’une administration, « elle est extrêmement difficile à prendre car on ne peut pas empêcher quelqu’un de travailler. En revanche, on peut exprimer un certain nombre de réserves pour encadrer », explique-t-il.
« Quand je vois que des moyens publics sont mal utilisés, ça me révolte »
Mais il est difficile pour la Haute autorité composée de d’une soixantaine d’agents, d’assurer le suivi de ces réserves. « Un défi […] Régulièrement nous interrogeons les personnes et nous essayons de recouper les informations que ces personnes nous donnent avec des ressources ouvertes que nous pouvons consulter […] Je ne vous dirai pas que nous avons de moyens abondants », reconnait-il. Ses anciennes fonctions remontent à la surface, lorsque Didier Migaud relève des « chevauchements dans ce qui concerne les atteintes à la probité des acteurs des comptes ; Cour des comptes, chambre régionale des comptes, agence française anticorruption. Ces doublons correspondent à un gâchis des moyens publics. Quand je vois que des moyens publics sont mal utilisés, ça me révolte », lâche-t-il.
La rapporteure communiste de la commission d’enquête, Éliane Assassi a demandé si la Haute autorité avait été associée à la charte de déontologie annoncée par la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, la semaine dernière et à la circulaire du Premier ministre destiné à encadrer le recours à ces cabinets. « Non. Et compte tenu du rôle de la Haute autorité, on peut penser qu’un avis serait utile », répond sobrement Didier Migaud.