Loin du retour à l'équilibre annoncé il y a un an, le déficit de la sécurité sociale s'est aggravé cette année, obligeant le gouvernement, qui présentera lundi son budget pour 2020, à repousser le redressement des comptes après la fin du quinquennat.
La rechute est sévère: au lieu du léger excédent annoncé il y a tout juste un an, le déficit de la Sécu atteindra 5,4 milliards d'euros cette année et 5,1 milliards l'an prochain, selon les chiffres quasi définitifs du gouvernement, dont l'AFP a eu connaissance.
Le retour à l'équilibre des comptes du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), attendu depuis 2001, est désormais renvoyé à 2023.
Cette lourde dégradation résulte des choix de l'exécutif, dont les prévisions économiques se sont avérées trop optimistes, et qui fait en outre payer à la Sécu la facture des "gilets jaunes".
En réalité, le budget 2019 était à peine voté qu'il était déjà caduc. Les "mesures d'urgence" adoptées en décembre pour répondre à cette fronde (CSG réduite pour certains retraités, exonération des heures supplémentaires) ont aussitôt fait peser une épée de Damoclès sur l'objectif affiché.
Des dépenses imprévues, alors que les ressources se sont taries: croissance, inflation et masse salariale n'ont pas augmenté autant qu'espéré, réduisant en proportion les recettes attendues.
Pour compléter le tableau, les prestations vieillesse ont été "plus dynamiques qu'anticipé", selon les ministères des Comptes publics et de la Santé, qui font le lien avec la fin du relèvement de l'âge légal décidé sous la présidence de Nicolas Sarkozy: les effets sur l'âge réel de départ s'amenuisent, générant moins d'économies.
L'assurance retraite, qui supportera au final l'essentiel des coûteuses concessions aux "gilets jaunes", affichera ainsi le plus lourd déficit (FSV inclus) des quatre branches de la Sécu (avec la maladie, la famille et les accidents du travail).
Un résultat de mauvais augure, alors que l'exécutif a lancé une nouvelle phase de concertation sur la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, en fixant pour objectif un retour à l'équilibre du système de retraite d'ici 2025.
- Peu de marges -
Le chef de l'Etat n'a pas facilité la tâche en annonçant qu'à partir de 2020, les pensions "de moins de 2.000 euros" seraient revalorisées au niveau de l'inflation et que le minimum garanti pour une carrière complète serait fixé à 1.000 euros par mois.
Deux promesses dont "le coût total est estimé à 1,5 milliard d'euros et détériorera d'autant le solde de la Sécurité sociale", a mis en garde en juin la Commission des comptes de la sécurité sociale.
Il faudra encore ajouter à l'ardoise quelques dizaines de millions d'euros pour des mesures emblématiques comme le recouvrement des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales (CAF) ou la création d'un congé indemnisé pour les proches aidants d'une personne âgée, malade ou handicapée.
Une accumulation qui laisse peu de marges de manoeuvre pour d'autres rallonges, en particulier dans le secteur de la santé, où les foyers de tensions se multiplient: Ehpad, psychiatrie, urgences... A chaque fois, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a tenté de désamorcer les conflits avec des plans étalés sur plusieurs années.
Mais dans un cadre contraint, car la hausse des dépenses d'assurance maladie restera limitée à 2,3%, bien en-deçà d'une progression spontanée de l'ordre de 4,5%.
Les engagements pris ici où là se traduiront donc par des restrictions ailleurs. Systématiquement mise à contribution, l'industrie pharmaceutique a pris les devants jeudi en réclamant un "moratoire" sur les baisses de prix des médicaments.
Forcé de faire des mécontents, le gouvernement s'est bien gardé d'avancer ses pistes d'économies, à part un coup de rabot à 400 millions d'euros sur une niche sociale, la déduction forfaitaire spécifique, qui réduit les cotisations patronales dans le BTP, l'aviation ou encore les médias.
Le compte n'y sera toutefois pas, même avec le déremboursement partiel de l'homéopathie et les hausses programmées des prix du tabac. Pour se donner de l'air, certains députés de la majorité veulent allonger le remboursement de la dette - le "trou de la Sécu" - au-delà de l'échéance programmée en 2024.