Budget 2020 de la Sécu : « Bercy confond les caisses », s’insurge la droite sénatoriale

Budget 2020 de la Sécu : « Bercy confond les caisses », s’insurge la droite sénatoriale

La majorité du Sénat voit rouge sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Aggravation du déficit, manque de perspectives et de réponses, choix budgétaires contestés : les sénateurs LR multiplient les griefs à l’égard de la politique sociale et de santé.
Public Sénat

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Dérapage des comptes de la Sécu, un hôpital qui reste en crise et un appauvrissement du pouvoir d’achat : la droite sénatoriale fait feu sur le prochain budget de la Sécu. Une certaine prise de conscience qui ne date pas d’aujourd’hui, mais elle prend une autre tournure cette année, avec le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), examiné au Sénat la semaine prochaine. La nature des recettes de la Sécu a évolué : les cotisations sociales, qui ont longtemps représenté l’essentiel des sources de financement ont fini par se faire dépasser par l’impôt (CSG en tête).

L’an prochain, la Sécurité sociale s’apprête à perdre 3,7 milliards d’euros de prélèvements sociaux, conséquence en grande partie (2,7 milliards d'euros) des mesures pour le pouvoir d’achat adoptées en urgence en décembre 2018, en plein conflit des gilets jaunes. Une perte sèche qui explique en grande partie le déficit de 5,4 milliards d’euros l’an prochain du régime général du Fonds de solidarité vieillesse.

« Une abolition du reste d’autonomie de la Sécurité sociale »

L’article 3 du PLFSS concentre les critiques : l’État ne compensera pas ce manque à gagner pour la Sécu, contrairement aux injonctions de la loi Veil de 1994. Les Républicains, qui détiennent la majorité au Sénat avec les centristes, s’y opposeront symboliquement en supprimant cette disposition « qui met en difficulté la Sécurité sociale ». Le président de la commission des Affaires sociales, Alain Milon, tire la sonnette d’alarme. « C’est une abolition du reste d’autonomie de la Sécurité sociale, c’est une atteinte directe à un modèle social, du fait de l’instauration de la bercisation de la Sécurité sociale […] La non-compensation, ça veut dire que l’État décide à la place de la Sécurité sociale ! »

Le ministère des Comptes publics, le responsable est tout trouvé pour la droite sénatoriale. « Bercy confond les caisses », résume Bruno Retailleau, le président du groupe (voir la vidéo de tête). A priori, pour le contribuable, rien ne change. Impôt ou cotisation sociale : la « poche » reste la même. Mais la finalité est différente. « Le but n’est pas le même. Le but de l’État, c’est de construire des routes ou d’entretenir les armées. Le but de la Sécurité sociale c’est d’assurer la bonne santé des Françaises et des Français, et c’est immédiat et ça n’est pas prévisible », explique Alain Milon, qui redoute à terme une mutation vers un système à l’anglo-saxonne, qui remettrait en cause la philosophie du modèle français.

Cet affaiblissement des ressources directement affectées à la Sécu, redouté tant par les sénateurs de droite, que sur les bancs de la gauche (relire notre article), intervient en plus dans un contexte difficile. « Je rappelle que le climat est fragile », observe le sénateur Alain Milon, à dix jours de l’anniversaire du mouvement des gilets jaunes. « Les décisions qui sont prises entraîneront une méfiance encore plus grande de nos concitoyens à l’égard de l’État. »

« On ne peut plus faire un milliard d’euros d’économie tous les ans sur les hôpitaux »

Dénonçant une « gestion très comptable » de la part du gouvernement, la droite sénatoriale se désole de l’absence de toute perspective sur le long terme et de réponses aux acteurs de la santé.  « Il y a une dégradation des comptes qui est préoccupante […] Ce qui nous interroge encore beaucoup plus c’est la désespérance qu’il y a dans pratiquement tous les secteurs : l’hôpital, la médecine de ville, les EHPAD et une pénurie de médicament », énumère Bruno Retailleau.

Alors que l’hôpital traverse une crise sans précédent, les sénateurs de la majorité sénatoriale regrettent le durcissement de l’objectif de progression des dépenses d’assurance maladie : 2,3% l’an prochain, contre 2,5% en 2019. La hausse des dépenses de santé est donc limitée à quatre milliards d’euros en 2020. « En fait il faudrait 8 milliards pour assurer une bonne santé à l’ensemble des Français », estime Alain Milon. Idem sur l’hôpital, dans l’attente d’autres réponses publiques que de simples ajustements organisationnels. Pour l’heure, 800 millions d’euros vont être retirés de leur budget, dans la ligne des derniers PLFSS, dénoncent les sénateurs LR. « Il est évident qu’à un moment ou un autre l’hôpital ne peut plus, on ne peut plus faire un milliard d’euros d’économie tous les ans sur les hôpitaux », souligne le sénateur Alain Milon, médecin de profession :

« On ne peut plus faire un milliard d’euros d’économie tous les ans sur les hôpitaux » (Alain Milon)
02:18

Images : Samia Dechir

Certes, la ministre Agnès Buzyn promet prochainement un plan pour les hôpitaux, après avoir concédé quelques gestes en faveur des urgences, au bord de l’asphyxie. Les annonces pourraient intervenir dans le courant du mois, alors que les personnels hospitaliers sont appelés à manifester le 14 novembre.  « Ce qui est dérangeant, c’est qu’elle présente ça au moment où le Parlement vote un PLFSS qui ne comprend pas les mesures qu’elle annonce », pointe Alain Milon.

La sous-revalorisation d’aides sociales dans le viseur de la droite

Troisième opposition des sénateurs LR : la perte de pouvoir d’achat pour les retraités et les familles. À l’article 52, le projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale gèle quasiment les pensions de retraite de plus de 2000 euros et les prestations sociales, en ne les revalorisant que de 0,3 %. Un coup de pouce immédiatement gommé par la hausse des prix à la consommation, qui est de l’ordre de 1%. La commission des affaires sociales poussera en séance pour une suppression de l’article qui désindexe ces prestations sociales. « La famille est la branche sacrifiée », résume Bruno Retailleau, inquiet de l’absence totale de politique nataliste.

Ajouté à la suppression de la non-compensation des mesures d’urgence prévues par l’État, cet amendement de suppression sera l’une des grandes modifications que la droite tentera d’apporter. L’exercice budgétaire est très contraint : le Parlement ne peut pas créer de nouvelles dépenses dans un texte, comme l’impose la Constitution. Contre les visions court-termistes, la droite sénatoriale appelle également à une réforme « d’envergure et globale » pour la santé.

La branche vieillesse de la Sécu n’est pas en reste. Inquiet sur les incertitudes du calendrier de la future réforme des retraites, Le groupe LR va proposer, cette année encore, un recul de l’âge légal de départ, estimant qu’il est urgent d’équilibre les régimes de base.

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Budget 2020 de la Sécu : « Bercy confond les caisses », s’insurge la droite sénatoriale
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Budget 2020 de la Sécu : « Bercy confond les caisses », s’insurge la droite sénatoriale
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le