Brionne : l’inquiétude grandit sur le site Tramico
Pierre-Henri Gergonne chronique chaque semaine l'histoire de cette petite ville où la vie s'est figée. Aujourd’hui, il nous raconte l’inquiétude des salariés de l’usine Tramico, principale industrie de Brionne, dont la production est à l’arrêt.
Par Pierre-Henri Gergonne
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À l'usine Howa-Tramico de Brionne (Eure), l'année avait bien commencé. Trois premiers mois prometteurs après des années difficiles. Une reprise qui laissait augurer enfin des jours meilleurs pour ce sous-traitant automobile. Mais c'était sans compter sur la crise sanitaire qui a stoppé net et balayé ce nouvel élan, laissant la place à une grande inquiétude pour les 250 salariés du site. L'un des poumons industriels du bourg normand.
C'est à l'entrée nord de Brionne, sur le site Tramico, que l'on fabrique des "pavillons". Cet élément, principale production de l'usine, fait de mousse plastique, de tissus, de fibre de verre, constitue le plafond intérieur d'une automobile. Ces éléments, une fois produits, garnissent les chaînes de productions Renault et PSA. La production est sensible et nécessite l'emploi de matières dangereuses. À Brionne, l'usine est ainsi classifiée Seveso Seuil Haut, ce qui l'astreint à des contrôles réguliers (1).
Mais c'est bien le coronavirus qui a eu raison du site brionnais aujourd'hui presque au point mort. La production s'est effondrée, entraînée par la mise à l'arrêt des chaînes de montage automobile. L'existence et l'avenir de Tramico sont désormais suspendus à la reprise d'une activité normale des constructeurs. Mais en ce début du mois de mai, nous en sommes bien loin en dépit de timides redémarrages ici ou là.
Tramico : un sous-traitant dépendant d'une production automobile a l'arrêt
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Arrêt de la production : "oui ça fait peur"
Alors l'inquiétude ne cesse de grandir chez les salariés du site. « Oui ça fait peur », explique Denis Alexandre, salarié élu CGT. « Il y a beaucoup d'inquiétudes. Nous n'avons aucune visibilité. Les collègues me téléphonent. Ils viennent aux renseignements mais nous n'avons pas forcément les réponses ce qui amplifie encore l'inquiétude ».
Une inquiétude partagée par Wilfried, employé au gardiennage de l'usine à risques, qui confirme le quasi-arrêt de l'activité. "Quelques livraisons seulement, la semaine dernière une seule machine a tourné et deux personnes s'occupent de la maintenance. Parfois des informaticiens interviennent. J'estime à une demi-journée de travail en tout et pour toute la semaine".
Pour sauver ce qui pouvait l'être, la direction de Tramico a pris des mesures d'urgences. Comme bon nombre d'entreprises de l'Hexagone. « On m'a fait prendre mes congés jusqu'à fin avril » raconte Michel Label (2), « et à partir de mai, je suis au chômage partiel avec bien sûr une baisse de mon salaire. Et là ce n'est plus la même chanson ».
Michel, qui travaille de nuit à Tramico et cumule aujourd'hui un prêt immobilier et un autre automobile, l'affirme : « On est tous dans cet état d'esprit d'inquiétude sourde. Quand va-t-on reprendre ? Quand ? Il faut bien vivre ! ». Le chômage partiel est désormais devenu la règle pour la grande majorité du personnel Tramico de Brionne.
Entrée de l'usine tramico de Brionne
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Le spectre des licenciements
Dans ces conditions, personne ne se fait beaucoup d'illusion sur une reprise d'activité rapide et puissante. « Peut-être dans un premier temps entre 20 et 30 % de l'activité » estime Wilfried. La date fatidique du 11 mai, journée officielle du début du déconfinement, est dans toutes les têtes : « Oui peut-être le début d'une reprise dans deux semaines. Mais cette reprise sera lente et ne concernerait pas tout le monde » prévient Denis Alexandre. Il n'en faut guère plus pour voir grossir le spectre de licenciements possibles faute d'activité suffisante. Des mesures radicales qui iraient au-delà des décisions de chômage partiel.
Selon certaines sources, la direction de Tramico - qui n'a pas donné suite à notre demande de contact - n'écarterait pas cette hypothèse, estimant n'avoir pas suffisamment d'assurance sur l'absence de tout licenciement.
Alors, et en dépit de tout, on la prépare cette reprise d'activité, même si elle ne doit être que partielle et progressive. « Pas mal de choses ont été faites » dit Denis Alexandre, comme la mise à disposition de masques, des gels et la formalisation des distances de sécurité. « Même la prise de température est prévue, au-dessus de 38 degrés, on ne rentre pas sur le site ». À Brionne, l'usine classée Seveso se bat aussi pour survivre au virus.
(1) L'usine a été contrôlée en octobre 2019 à la suite de la catastrophe Lubrizol à Rouen.
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