Bray-sur-Seine, ville-laboratoire de l’accueil des réfugiés

Bray-sur-Seine, ville-laboratoire de l’accueil des réfugiés

Une angoisse étreint depuis plusieurs jours Sophie Mangoyo-Malonda. La Congolaise de 70 ans, qui doit quitter le centre pour réfugiés de Bray...
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Par Shahzad ABDUL

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Une angoisse étreint depuis plusieurs jours Sophie Mangoyo-Malonda. La Congolaise de 70 ans, qui doit quitter le centre pour réfugiés de Bray-sur-Seine, va gagner son autonomie mais craint d'être "totalement abandonnée" dans ce bourg, où la question migratoire agite la campagne municipale.

Dans cette commune rurale pauvre de 2.300 âmes aux confins de la Seine-et-Marne, de l'Yonne et de l'Aube, un centre provisoire d'hébergement (CPH) s'est installé fin 2018 dans un bâtiment tricolore à trois étages de la cité Briolle, pour accueillir 130 réfugiés de neuf à douze mois chacun.

Une bénévole dirige un atelier pour les migrants au centre d'accueil  France Fraternité, à Bray-sur-Seine, le 10 février 2020
Une bénévole dirige un atelier pour les migrants au centre d'accueil France Fraternité, à Bray-sur-Seine, le 10 février 2020
AFP

Un choix du maire LREM Emmanuel Marcadet qui, conscient du risque de crispations sur un terreau du Rassemblement national - Marine Le Pen est arrivée ici en tête des deux tours de la présidentielle -, a créé un "Lab fraternel", structure qu'il dirige et qui offre les mêmes services aux migrants qu'à la population locale.

Arrivée en janvier 2019 dans le CPH, Sophie Mangoyo-Malonda pense devoir son intégration au Lab. "Il y a des personnes qui vous saluent, d'autres qui passent outre. Il y a des racistes mais, dans l'ensemble, j'ai été très bien accueillie", explique-t-elle à l'AFP lors d'un atelier sur la gestion du budget.

- Paris et "la brousse" -

Le maire de  Bray-sur-Seine et directeur de l'association France Fraternité, Emmanuel Marcadet, devant la mairie de sa ville, le 10 février 2020
Le maire de Bray-sur-Seine et directeur de l'association France Fraternité, Emmanuel Marcadet, devant la mairie de sa ville, le 10 février 2020
AFP

"On a démarré en sous-marin", reconnaît Alexandra Lorion, directrice par intérim le temps des municipales. "Parce que quand vous ramenez une population étrangère en milieu rural, ça grince un peu des dents. La mixité commence à prendre, mais il faut y aller en douceur."

Avec ce centre, accolé au bureau de Poste local, son équipe vante les atouts de la ruralité. "C'est très difficile, pour eux il y a la capitale et la brousse. Ils préfèrent souvent retourner à la rue à Paris plutôt que de rester ici", souligne-t-elle.

Le projet, pensé par l'association France Fraternités et unique en France, est géré par vingt employés avec un budget annuel d'1,5 million d'euros. Il offre de nombreux services: cours d'informatique, de français, rédaction de CV, ateliers pour les enfants...

Le mélange des populations reste toutefois balbutiant, après un an d'activité.

A l'instar de l'atelier proposé par Gynécologie sans frontières (GSF), auquel participait une dizaine de femmes et adolescentes africaines, assises en "U" dans un appartement de la cité qui sert de local au "Lab".

"Pourtant ce n'est pas un sujet que pour les réfugiées", déplore Rose Zinguerlet, seule Braytoise présente ce jour-là.

Pensées notamment pour apporter une écoute aux femmes victimes de violences sexuelles sur la route migratoire, ces interventions profitent aussi aux Françaises car "les personnes vivant dans le village et les réfugiées ont parfois les mêmes problèmes malheureusement", explique Manon Lobet, bénévole pour GSF, évoquant les violences conjugales.

Mais pour l'instant, regrette-t-elle, la population locale "préfère les entretiens individuels" et évite les ateliers collectifs.

A Bray-sur-Seine, le tollé de 2016, lorsque le maire avait choisi d'accueillir quelque 80 migrants contre l'avis des riverains, a laissé des traces.

- "Notre maire est mal barré" -

"Il n'y a pas eu de fillette violée, de grand-mère agressée... Mais en sourdine, il y a une petite musique qui dit +Il a fait venir des réfugiés, on les fera partir avec lui+", s'étrangle le maire Emmanuel Marcadet, lunettes de soleil sur les cheveux.

Pourtant, lui en est "convaincu", le Lab, "c'est la bonne formule": "Quand on est au fond du trou et qu'on voit des gens qui sont censés être plus au fond du trou que nous s'en sortir, on se dit tiens, peut-être que je peux m'en sortir aussi. Ça crée des électrochocs".

Des réfugiés qui habitent à Bray-sur-Seine attendent devant l'Association France Fraternités, le 10 février 2020
Des réfugiés qui habitent à Bray-sur-Seine attendent devant l'Association France Fraternités, le 10 février 2020
AFP

Surtout, suggère l'édile, "quand le Lab vous dit +On peut vous aider aussi+".

Le candidat de l'opposition Alain Carrasco (AGIR), patron de l'auto-école locale, estime que M. Marcadet a fait des réfugiés "son business". "Quand les gens s'installent, ont un appartement tout de suite avec l'électroménager et tout, c'est sûr qu'on entend des choses pas sympa", relaie-t-il.

Elisabeth Longé, comme de nombreux riverains interrogés par l'AFP, est plus directe: "Ça crée des tensions dans la ville. Notre maire est mal barré, justement parce qu'il a attiré des réfugiés".

Quelle que soit l'issue du scrutin, se félicite pourtant le maire-directeur, la rénovation de la cité Briolle a démarré. Avant l'élection, Sophie Mangoyo-Malonda aura quitté le centre: elle sera alors devenue la huitième réfugiée à devenir Braytoise.

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