Au 20 heures de TF1 et France 2, Michel Barnier dont le gouvernement est en sursis, dans l’attente du vote d’une motion de censure demain à l’Assemblée nationale, en a appelé à la « responsabilité » des députés. Il a considéré que les élus RN devront « rendre des comptes » à leurs électeurs s’ils votaient une motion rédigée « par l’extrême gauche ».
[Série] Bilan du quinquennat Macron : les principales réformes à retenir
Par Public Sénat
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Le quinquennat d’Emmanuel Macron vit ses derniers mois. S’il n’est pas encore terminé – le Parlement va encore siéger à la rentrée – c’est déjà l’heure du bilan. Quels sont les grands textes de sa législature ? La mémoire est parfois courte, mais depuis 2017, la majorité présidentielle a fait adopter de nombreux projets de lois. Public Sénat fait le point, à l’aube de la campagne présidentielle.
Réforme du code du travail
C’est l’une des premières réformes d’Emmanuel Macron, présentée dès le mois de juin 2017. Pour les oppositions et syndicats, elle contribue à détricoter le code du travail. Pour l’exécutif, il s’agit de créer un climat de confiance pour les entreprises. Amorcée après une première loi sous François Hollande, la réforme du code du travail version Macron impose un barème pour les licenciements abusifs, la fusion des instances du personnel, la primauté des accords d’entreprise sur ceux de branche, le référendum d’entreprise. L’exécutif choisit de légiférer par ordonnances, qui permettent en quelque sorte de contourner le Parlement, qui ne vote que les habilitations. Une mauvaise habitude aux yeux des sénateurs, qu’Emmanuel Macron va conserver durant la suite de son quinquennat.
Moralisation de la vie politique
C’est l’autre texte de début de quinquennat. Il faut se replacer dans le contexte de l’élection d’Emmanuel Macron. Le candidat François Fillon a explosé en vol à cause de soupçons d’emplois fictifs. L’ancien ministre de l’Economie de François Hollande doit en partie sa victoire à cet événement qu’aucun pronostiqueur n’aurait pu voir venir. A peine élu, Emmanuel Macron décide de l’interdiction des emplois familiaux – on pense à Penelope Fillon – pour les ministres, parlementaires et élus locaux. Le texte prévoit aussi la suppression de l’indemnité représentative de frais de mandat, qui pouvait être source de clientélisme, ou encore l’interdiction pour les parlementaires d’activités de conseil moins d’un an avant leur élection. Sûrement un hommage à l’activité de François Fillon.
La réforme de la SNCF
On s’attendait à une grosse résistance des syndicats. Elle a été au rendez-vous, pendant plusieurs semaines. Mais le gouvernement n’a pas reculé et est allé au bout de la réforme de la SNCF. La réforme, imposée depuis longtemps par les textes européens, prévoit l’ouverture à la concurrence en 2019 pour les TER, puis pour les TGV en décembre 2020, la fin du statut de cheminot pour les nouvelles embauches et le changement de statut de la SNCF.
Suppression de l’ISF
« Président des riches ». C’est la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, transformée en IFI (impôt sur la fortune immobilière), couplée à la « flat tax », qui a valu à Emmanuel Macron ce surnom. Un sparadrap qui lui est resté collé toute la première partie du quinquennat. Mais pour le chef de l’Etat, il s’agit de laisser les investissements se faire dans l’économie, avant que ceux-ci ne bénéficient au reste de la population par des créations d’emplois. Un ruissellement qui fait débat, et dont certains n’ont toujours pas vu la couleur. Selon un rapport du Sénat de 2019, la suppression de l’ISF a rapporté aux plus riches 1,7 million d’euros, mais l’économie attendrait encore les effets du « ruissellement ». Depuis le début de la pandémie, les principales fortunes de France ont aussi vu leur patrimoine progresser, quand ceux que l’on a appelés « les premiers de cordée » ont vu leur niveau de vie se réduire.
Toujours au chapitre de la politique pro business, Emmanuel Macron a baissé l’impôt sur les entreprises de 33 à 25 % d’ici 2022, les impôts de production, sans oublier la loi Pacte pour les entreprises.
Un plan de relance face au covid-19
Pour faire face au recul vertigineux de la croissance de 8,3 % en 2020, conséquence de l’épidémie de covid-19, le gouvernement a annoncé en septembre 2020 un plan de relance de 100 milliards d’euros (voir la vidéo). Mais ce n’est pas assez, et déjà, un second plan de relance, axé sur la recherche et l’investissement, est en préparation pour le dernier budget du quinquennat.
Des mesures de pouvoir d’achat renforcées après les Gilets jaunes
Emmanuel Macron n’a pas que supprimé l’ISF. Il a aussi lancé une série de mesures qui ont fait gagner de l’argent au plus grand nombre : la baisse des cotisations salariales des salariés, dont ils ont profité directement sur la fiche de paie, la suppression de la taxe d’habitation, la suppression des cotisations sur les heures supplémentaires, auxquelles s’est ajoutée la défiscalisation après le mouvement des Gilets jaunes. On peut ajouter l’augmentation de près de 100 euros de l’allocation adulte handicapé (mais qui se trouve amoindrie quand on est en couple), l’augmentation du minimum vieillesse de 100 euros par mois, ou encore l’augmentation de la prime d’activité d’environ 100 euros. Là aussi en deux temps, car après le mouvement des Gilets jaunes, l’exécutif a revalorisé la prime.
Le mouvement des Gilets jaunes a en effet amené le gouvernement à « lâcher » quelques milliards. Une prime exceptionnelle jusqu’à 1.000 euros, sans cotisations ni impôts, a pu être versée par une partie des employeurs. Là encore, cette prime a été versée de façon disparate. Le choix revenait à l’employeur de la verser ou non. La hausse de la CSG pour les petites retraites a été annulée, soit 1,3 milliard d’euros par an, sans oublier l’annulation de la hausse de la taxe carbone sur les carburants, détonateur de la crise des Gilets Jaunes. Sur ce point, les sénateurs avaient prévenu plusieurs mois avant.
Réforme de l’assurance chômage
C’est l’une des réformes les plus contestées du quinquennat. Décidée en 2019, la réforme de l’assurance chômage vise à durcir les règles d’indemnisation et à lutter contre les recours excessifs aux contrats courts. Dénoncée par une partie de l’opposition et par les syndicats, elle est accusée de précariser encore plus celles et ceux qui sont éloignés de l’emploi. Le covid-19 vient tout bouleverser. La réforme est reportée, avant que le gouvernement ne décide finalement de l’appliquer au 1er juillet 2021, avec plusieurs aménagements. Le durcissement des conditions d’ouverture de nouveaux droits (il faudra avoir travaillé six mois sur les 24 derniers, au lieu de quatre mois actuellement) n’entrera en vigueur qu’en cas de retour à de meilleures conditions économiques.
Mais coup de théâtre : le Conseil d’Etat suspend en juin dernier le cœur de la réforme, estimant que les « incertitudes sur la situation économique » ne permettent pas de mettre en place les nouvelles règles. Le gouvernement est contraint de prolonger le dispositif actuel jusqu’au 1er septembre. Mais en juillet dernier, Emmanuel Macron assure malgré tout que la réforme sera « pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre ».
Retraites : une réforme stoppée par le covid-19
C’était le gros chantier du quinquennat : les retraites. Une réforme systémique par point, un régime unique qui vient remplacer les régimes spéciaux. Malgré les manifestations et l’opposition au Parlement, le gouvernement passe en force et dégaine le 49-3. C’était avant que l’épidémie de covid-19 n’emporte tout sur son passage. La réforme est suspendue. En fin de quinquennat, la majorité présidentielle est partagée : faut-il faire la réforme a minima, avec une mesure d’âge ou reporter ce sujet explosif après la présidentielle ? Emmanuel Macron choisit finalement de ne pas vraiment trancher. Il annonce en juillet dernier la reprise des discussions avec les partenaires sociaux à la rentrée, mais… « Je ne lancerai pas cette réforme tant que l’épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée », prévient le chef de l’Etat. Dans ces conditions, on imagine mal les retraites faire leur retour avant 2022. L’épidémie a bon dos.
Education : dédoublement des classes en REP, école à 3 ans, réforme du bac et Parcoursup
Souvent accusé de marcher plus sur sa jambe droite que sa jambe gauche, le dédoublement des classes en CP et CE1/CE2 dans les classes des réseaux d’éducation prioritaire est souvent cité chez les macronistes comme l’une des mesures, si ce n’est la principale mesure, à caractère sociale du quinquennat. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a aussi porté l’école obligatoire dès 3 ans, une nouvelle plateforme d’admission post-bac, Parcoursup, très décriée à son lancement, et une réforme du bac qui mêle contrôle continu, épreuves écrites sur des spécialités choisies par l’élève et un grand oral.
PMA pour toutes et congé paternité doublé
Sur le plan sociétal et des familles, la grande réforme d’Emmanuel Macron sera sans nul doute l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples lesbiens et aux femmes seules. Après avoir tardé à déposer le texte, les débats parlementaires, via la loi de bioéthique, ont été intenses entre opposants et défenseurs de la PMA. Il aura fallu trois ans pour que ce texte voit finalement le jour. Incomplet, il ne permet pas aux personnes trans d’accéder à la maternité. Emmanuel Macron a fait savoir que les décrets d’application devraient être publiés fin septembre. Pour rappel, avant les lois de bioéthique des années 1990, toutes les femmes hétéros comme lesbiennes pouvaient accéder à la PMA.
Autre mesure à l’actif du gouvernement : le congé paternité a été doublé depuis le 1er juillet 2021, passant de 14 à 28 jours, avec obligation de prendre 7 jours. Le congé peut être fractionné en deux fois.
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Immigration et sécurité
En début de quinquennat, le ministre de l’Intérieur d’alors, Gérard Collomb, prend une circulaire sur l’hébergement d’urgence. Celle qu’on appellera rapidement « circulaire Collomb » fait polémique. Vient ensuite le projet de loi asile et immigration. Il vise à réduire le délai de traitement des demandes d’asile, à améliorer les protections et l’accueil de ceux qui obtiennent l’asile, tout en facilitant les reconduites à la frontière des déboutés. Le texte divise la majorité présidentielle.
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C’est ensuite Gérald Darmanin qui incarne le visage régalien du gouvernement, à coup parfois de petites phrases polémiques. Mis en cause dans une affaire de viols, le ministre de l’Intérieur défend le texte sur la sécurité globale et son fameux article 24, accusé de mettre à mal la liberté de la presse. Réécrit par le Sénat en accord avec le ministre, l’article est finalement censuré par le Conseil constitutionnel, tout comme l’essentiel de l’article sur l’utilisation des drones, dénoncé par les défenseurs des libertés. Un camouflet.
Séparatisme
Emmanuel Macron était attendu sur la question de la laïcité. Le texte « séparatisme » a pour objectif de lutter contre l’islamisme radical. Il se penche sur de nombreux sujets : l’instruction à domicile, la haine en ligne ou la neutralité du service public. Au Sénat, la majorité de droite et du centre durcit largement le texte, sous l’influence de Bruno Retailleau, notamment sur la question du voile.
« Reste à charge zéro » pour les lunettes et prothèses dentaires, Ségur de la santé
« Le reste à charge zéro » était l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Les opticiens et les dentistes sont obligés de proposer des lunettes ou couronnes et brides avec un reste à charge de zéro euro pour le patient. Les audioprothèses sont aussi concernées.
Dans le cadre du « Ségur de la santé », une augmentation de 183 euros nets par mois est décidée pour 1,5 million de professionnels des établissements de santé, des EHPAD et des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Ecologie
Pour certains, Emmanuel Macron n’en a pas fait assez en matière d’écologie. Les macronistes répondent que le chef de l’Etat a stoppé le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, et qu’il a arrêté la centrale nucléaire de Fessenheim, la plus vieille du pays. Reste que le gouvernement a reculé sur l’objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire de 75 à 50 %. Il ne sera plus atteint en 2025 mais en 2035. Beaucoup jugeaient la première date inatteignable.
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Sur le glyphosate, classé « cancérogène probable », Emmanuel Macron renonce à sa promesse d’interdire cet herbicide en 2021. Il reconnaît un « échec ». L’interdiction a été repoussée en 2023, au grand dam des défenseurs de l’environnement.
Le projet de loi climat, issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, arrive en fin de quinquennat. Enorme texte, il touche aussi bien aux transports qu’à l’alimentation, au logement, au travail ou à la consommation. Pour les écologistes, l’ambition n’est pas suffisante, surtout pour permettre à la France d’atteindre son objectif de réduction de 40 % de ses gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Le gouvernement répond que c’est la somme des mesures prises, au-delà de ce texte, qui permettra d’atteindre cet objectif.