Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Belloubet : « Ceux qui n’ont rien à faire en prison doivent être sanctionnés d’une autre manière »
Par Public Sénat
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Une fois n’est pas coutume, un texte commence son parcours législatif par le Sénat. Il s’agit du projet de loi de programmation 2018-2022 et de la réforme pour la justice, accompagné d’un projet de loi organique sur le renforcement de l'organisation des juridictions. Si cela est arrivé récemment avec le projet de loi sur la lutte contre la fraude fiscale, c’est assez rare pour être noté.
La ministre de la Justice, Nicolas Belloubet, a été auditionnée sur son texte mardi 25 septembre par la commission des lois et son président, Philippe Bas, avec qui les relations se sont visiblement détendues après les tensions liées à la commission d’enquête Benalla. Au point que les deux n’ont pas hésité à plaisanter ensemble. La séparation des pouvoirs exécutifs et législatifs, que la garde des Sceaux avait voulu rappeler aux sénateurs, ne l’empêche pas.
Par sa réforme, Nicole Belloubet n’entend pas faire de grand bing bang dans le monde judiciaire. Mais elle propose entre autres une « autre échelle des peines », en se penchant sur l’« efficacité et le sens de la peine » pour « mieux réprimer les infractions, mieux protéger la société et mieux réinsérer les personnes condamnées ». « Ceux qui n’ont rien à faire en prison doivent être sanctionnés d’une autre manière. C’est pourquoi je propose une autre échelle des peines, considérant que toute infraction mérite sanction » souligne la garde des Sceaux, alors que les prisons françaises sont pleines depuis des années.
« L’idée, c’est d’éviter des emprisonnements inules, désocialisantes et qui nourrissent la récidive »
« Nous proposons qu’en dessous d’un mois, les peines d’emprisonnement soient interdites. Elles semblent en effet inutiles. Entre 1 et 6 mois, la peine s’exécutera par principe en dehors d’un établissement de détention. Mais cela ne sera pas exclu lorsque cela apparaîtra nécessaire » précise la ministre.
« Entre 6 mois et 1 an, le juge pourra prononcer une peine autonome de détention à domicile, sous surveillance électronique, ou une peine d’emprisonnement. Au-delà d’un an, les peines d’emprisonnement seront exécutées sans aménagement de peine ab initio. Cela signifie que le seuil d’aménagement des peines d’emprisonnement sera abaissé de 2 ans à 1 an ».
« L’idée, c’est d’éviter des emprisonnements inules, désocialisantes et qui nourrissent la récidive. L’idée c’est aussi d’assurer une exécution effective des peines prononcées » explique Nicole Belloubet.
15.000 nouvelles places de prison mais sur deux quinquennats
Un rééchelonnement des peines à mettre en parallèle avec le plan prison, qu’elle a présenté il y a peu en Conseil des ministres. Sur ce point, Philippe Bas a cherché à coincer la ministre de la Justice sur la promesse d’Emmanuel Macron de construire dans le quinquennat 15.000 places de prison. La ministre a expliqué qu’il faudra en réalité deux quinquennats pour réaliser cet objectif, avec seulement 7.000 places construites d’ici 2022. Ce que la Chancellerie avait reconnu dès novembre 2017. « Le programme présidentiel a été abandonné » lance le président de la commission des lois.
Mais la garde des Sceaux n’est pas tombée dans le piège tendu par le Philippe Bas. « Le programme présidentiel sera entièrement respecté, (…) il n’a pas été abandonné. (…) Nous sommes en mesure de dire que nous ferons les 15.000 places. 7.000 livrées, 8000 lancées, d’ici 2022 » a-t-elle soutenu. Question de présentation. La bonne entente, ou du moins la politesse, n’empêche pas quelques joutes à fleuret moucheté.