Banlieues, regards sur les émeutes de 2005

Banlieues, regards sur les émeutes de 2005

Igor, Nasreddinne, Boye, et leurs amis avaient une vingtaine d’années au moment des émeutes dans les banlieues en 2005. Habitants de Clichy-sous-Bois ou de la Courneuve en Seine-Saint-Denis, ils évoquent cette période devant la caméra de Raphaële Benisty et livrent leurs regards sur l’évolution de leur quartier et de leur vie quotidienne.
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2005, après la mort de Zyed Benna et Bouna Traore, les banlieues s’enflamment. Les deux jeunes, poursuivis par la police, s’étaient réfugiés dans un transformateur EDF, avec leur ami Muhittin Altun. Zyed et Bouna meurent électrocutés, le troisième garçon sera gravement blessé.

À Clichy-sous-Bois, comme à la Courneuve, cette période a marqué l’histoire des quartiers populaires. Et lorsque 10 ans après les faits, la justice acquitte les policiers, les désormais trentenaires que sont Igor, Nasreddinne ou encore Boye se souviennent. « C’est comme si c’était mon petit frère qui était mort électrocuté. Les policiers nous prenaient de haut. » racontent-ils. Yolande, elle, s’insurge de l’acquittement : « les gens sont révoltés, et moi je les comprends […] Ok la police c’est le maintien de l’ordre, mais parfois ils abusent ».

2005, la colère

Ces émeutes ont été vécues de façon ambivalente en banlieue. Nasreddinne se souvient qu’il condamnait les violences : « Je me disais, brûler, casser, c’est n’importe quoi » mais en même temps, il sentait l’énergie qui vibrait dans tous les quartiers simultanément, comme une opportunité.

En 2005, Jean-Marie travaillait au pôle information jeunesse à La Courneuve, il se souvient. « Il y avait déjà l’impression de ne pas être écouté, d’être mis à l’écart, je sentais vraiment un mal-être ». Pour lui, à cette époque-là, « les jeunes étaient en colère et c’étaient une bonne chose » car cela voulait dire une volonté de se faire entendre, de faire changer les choses. 2005 a aussi représenté une opportunité pour ces jeunes, l’espoir d’un changement, certains parlent de « révolution ».

Des jeunes désormais résignés ?

Pourtant les années ont passé et les espoirs semblent avoir été déçus. Jean-Marie parle désormais de « résignation » chez les jeunes : « Je les sens parfois absents, certains subissent, attendent, n’y croient plus ». Nasreddinne dresse un constat bien sombre : « Le chômage a augmenté, le contexte social s’aggrave. On vit dans une société du chacun pour soi. ». Les plans de rénovations urbaines se sont fait attendre, et si le changement a bien eu lieu, la modification du bâti ne fait pas tout. Et l’image des quartiers populaires peine à évoluer dans les esprits. Comme un piège qui se referme.

Yolande, elle, s’inquiète pour l’avenir de ses enfants. Assise sur un banc, elle débat avec ses amies de la nécessité ou non de déménager. Avec beaucoup d’ironie, elle se lance dans une imitation de Claire Chazal à la présentation du 20h : « Une émeute sanglante… Agression de chauffeur de bus… », déplorant la représentation des quartiers populaires dans les médias.

Agir au niveau local

Une lassitude qui semble partagée, une impression de relégation sociale qui demeure : « On n’est pas tous considérés de la même manière. On n’a pas tous les mêmes droits, c’est clair et net ! » affirme Yolande. Pourtant Nasreddinne, lui, veut y croire, il s’est engagé dans des associations et en politique. Devenu professeur, il enseigne là où il a grandi et défend le rôle de l’école républicaine : « lieu symbole de la réussite ». Il croit à l’action de terrain : « Il faut faire bouger les choses au niveau local ».

Entre action et résignation, les jeunes des quartiers populaires cherchent leur voie. Comment faire évoluer son quartier ? Mais aussi construire son cheminement individuel ? Une relégation et des aspirations parfois difficiles à concilier.

Retrouvez le documentaire "l'Écho de la révolte" de Raphaële Benisty le 1er août à 21h sur Public Sénat. Puis en replay ici.

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