« Ce que j’ai fait ce n’est pas un discours mais un début de réponse à vos questions ». Au bout d’1 heure 30, la phrase de conclusion d’Emmanuel Macron a de quoi faire sourire. Quoique… Alors que le chef de l’État était encore en plein « stand up » devant un public conquis (élus, entrepreneurs, associations) venu à l’Élysée pour écouter les mesures de l’exécutif en faveur des banlieues. « Le président vient de casser une forte dynamique de mobilisation dans les banlieues » tacle sur Twitter l’ancien ministre de la ville et actuel sénateur LR, Marc-Philippe Daubresse. « Bal tragique à l'Élysée: deux premières victimes, les banlieues et Jean-Louis Borloo » a, quant à lui, paraphrasé le sénateur PS, Rachid Temal.
« Je ne suis pas venu vous présenter un plan banlieue, parce que cette stratégie est aussi âgée que moi » a commencé Emmanuel Macron, sous les applaudissements. De quoi confirmer les craintes exprimées par certains élus la semaine dernière (voir notre article) de voir le plan de Jean-Louis Borloo passé à la trappe.
À la tribune, ce mardi, Jean-Louis Borloo a d’ailleurs pris la parole, cinq minutes, au milieu d’autres intervenants. Le fondateur de l’UDI, s’est dit « scandalisé » et « blessé » d’entendre « qu’on ait donné des milliards aux quartiers. Comme si les quartiers avaient réclamé. Alors qu’objectivement, il y a plus de besoins parce qu’il y a plus de jeunesse dans des situations plus complexes et moins de moyens globaux de toutes responsabilités publiques ».
« Deux mâles blancs qui s'échangent un rapport »
« Un plan banlieue », Emmanuel Macron n’y « croît pas ». « Ça n’aurait aucun sens que deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s’échangent un rapport ». Certes, il reconnaît que les plans successifs ont « apporté des choses », mais « aujourd’hui, poursuivre dans cette logique c’est vouloir poursuivre dans « l’assignation à résidence », « une forme de politique de clientèle » a-t-il dénoncé avant d’affirmer vouloir s’engager sur une « philosophie et une méthode ».
« Nos quartiers ont du talent mais il y a de la violence »
Le Président a commencé par le thème de la sécurité, absent du plan Borloo. « Ne nous voilons pas la face. Oui, nos quartiers ont du talent, mais il y aussi de la violence. Il y a des choses qui ne vont pas, c’est explosif » a-t-il posé.
Parmi les mesures annoncées ou rappelées :
- Expérimentation de la police de sécurité du quotidien
- Réduction des tâches administratives des forces de l’ordre
- 1300 policiers supplémentaires dans 60 quartiers les plus difficiles d’ici 2020
- Communication aux maires des personnes inscrites au fichier FSPRT (fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste) habitant leur commune
- Plan de lutte contre le trafic de drogue d’ici juillet
Emmanuel Macron a également appelé de ses vœux « une société de la vigilance », sorte « d’éveil de la conscience collective » face à la menace terroriste, dont les contours seront définis au mois de juillet.
« Faire sortir du ciment » de nouveaux logements
Un autre sujet abordé par le chef de l’État concerne, bien sûr, le logement. Une problématique à régler au niveau de la ville et non du quartier a-t-il estimé.
Le chef de l’État a regretté que les gouvernements précédents aient « abîmé » l’ANRU, « en servant moins de projets ». Pour y remédier, une initiative « cœur de quartiers » sera mise en place en juillet. Différentes « cibles » seront alors définies avec pour objectif : « les faire sortir du ciment ».
« Testing » pour détecter les cas de discrimination à l'embauche
En ce qui concerne l’emploi, Emmanuel Macron a demandé aux 120 plus grandes entreprises françaises de « prendre leur part » dans la lutte contre le chômage qui sévit dans les quartiers et annoncé qu'elles seraient toutes soumises à des tests anti-discrimination dans les trois ans. « Je veux que vous preniez votre part », a-t-il demandé aux entreprises du SBF120, qui composent l'indice boursier regroupant les 120 principales valeurs françaises, qu’il réunira, là encore, en juillet
Ces entreprises seront donc soumises à des « testing » (tests anonymes) pour détecter les cas de discrimination à l'embauche, au rythme de 40 par an pendant trois ans.
30 000 places supplémentaires dès décembre prochain pour les stagiaires 3ème
Le président de la République s’est félicité d’avoir inscrit l’école obligatoire des 3 ans, un engagement extrêmement important, qui sera opérationnel dès juillet pour la rentrée prochaine. Une mesure qui va de pair avec un autre engagement qu’il souhaite accélérer: « Ouvrir 30 000 places de crèches d’ici la fin du quinquennat »
La plus grande inégalité en 3e, ce n’est pas le brevet, c’est le stage en entreprise » a-t-il regretté avant d’annoncer « une bourse des stages » en septembre avec pour objectif, 30 000 (15000 portées par les entreprises, 15000 par l’État) places supplémentaires dès décembre prochain.
« Le discours antisémite ce n'est pas la France, le discours raciste ce n'est pas la France »
Emmanuel Macron s’est inquiété de la montée des discours racistes et antisémites dans les quartiers. « Il faut regarder les choses en face: c'est en train d'empirer » (…) « Cela vaut pour tous les territoires et ce n'est pas réservé aux quartiers, même si c'est un problème spécifique, on le sait bien, aussi dans les quartiers les plus difficiles » (…) « Le Premier ministre a annoncé une stratégie très structurée en février de lutte contre la radicalisation et un coordinateur sera présenté dans quelques jours pour s'assurer de la mise en œuvre de l'ensemble de cette stratégie », a-t-il rappelé. Enfin, le Président a donné, de manière concise, sa vision de la laïcité : « Personne ne doit être forcé de mettre un foulard, mais on a le droit de mettre un foulard du moment que ce n'est pas dans les services publics, et on ne va pas changer la règle parce qu'elle ne plaît pas aux uns et aux autres » a-t-il tranché.
A noter qu’Emmanuel Macron s’est montré parfois ironique à l’égard des critiques. « Ne dites pas que c’est de la faute du gouvernement parce qu’il ne donne pas des milliards. Nous, on est là depuis un an, ceux qui n’ont pas réussi depuis 20 ans ce n’est pas de ma faute… »
Interrogé à l’issue du discours fleuve du chef de l’État, Jean-Louis Borloo s'est dit très satisfait des annonces, estimant que « tous les sujets » de son rapport étaient « cochés ».