Banlieues : « Il n’y a plus d’illusions, plus d’envie, plus de révolte »

Banlieues : « Il n’y a plus d’illusions, plus d’envie, plus de révolte »

Invités de l’émission « On va plus loin », Manon Quérouil-Bruneel, grand reporter et Malek Dehoune, témoignent du quotidien d’une banlieue de la région parisienne, sujet de leur enquête.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Dans quelques jours, Jean-Louis Borloo, ancien ministre de la Ville, va remettre au Président de la République, un rapport sur les banlieues. Un énième plan banlieue ?

En tout cas, Manon Quérouil-Bruneel, grand reporter, souhaite que la parole des habitants des banlieues soit recueillie pour « leur demander ce dont ils ont envie, ceux dont ils ont besoin ». C’est ce qu’elle a voulu faire avec Malek Dehoune, dans leur livre  « La part du ghetto, la vérité sur les banlieues » (Éditions Fayard). Malek Dehoune a guidé Manon Quérouil-Bruneel, dans une cité qu’il connaît bien, pour lui permettre de rentrer en relation avec les habitants. « De nos jours en banlieue, on ne fait plus trop confiance aux journalistes. Donc pour que les personnes se livrent vraiment, fallait quelqu’un de l’intérieur (…) Les jeunes me faisaient confiance. Et comme ils m’ont fait confiance, ils ont fait confiance à Manon » explique-t-il.

Dans cette enquête, Manon Quérouil-Bruneel et Malek Dehoune parlent de la désillusion de certains enfants d’immigrés, nés dans les années 80, qui souhaitent aujourd’hui « faire de l’argent » et s’installer dans le pays d’origine de leur famille : « Ce sont des gens qui n’ont pas trouvé leur place dans la société française. Qui avaient forcément des envies qui n’ont pas été comblées. Donc, effectivement, maintenant il n’y a plus d’illusions, plus d’envie, plus de révolte (…) Les gens se focalisent sur le quotidien, c'est-à-dire s’en sortir d’une façon ou d’une autre. Les grandes révoltes, le sentiment de haine, de rage, que pouvait avoir la génération de Malek notamment (…) [se sont] complètement évanouies » estime Manon Quérouil-Bruneel.

La réelle difficulté à trouver un emploi quand on porte un nom à consonance maghrébine et que l’on habite en banlieue, est une fois de plus, soulignée :  « J’ai rencontré beaucoup de gamins dont les demandes de stage sont restées lettre morte (…) Certains s’en sortent, passent le bac, un BTS ou un  bac +5 [mais] le chemin pour gagner un emploi est beaucoup plus compliqué que quand on s’appelle Pierre ou Jacques et qu’on habite dans le 5e arrondissement » regrette la grand reporter. Malek Dehoune acquiesce : « Sans se positionner en victime, c’est un fait ».

 

Une nouvelle forme de prostitution

Dans leur livre, Manon Quérouil-Bruneel et Malek Dehoune évoquent aussi les activités illicites parallèles, notamment une nouvelle forme de prostitution.

Il y a les jeunes femmes qui sont escort girls et qui continuent à vivre dans leur banlieue : « Les jeunes filles qui rentrent dans l’ « escort », pour elles, c’est un ascenseur social. Elles ont en tête Zahia (…) Elles racontent toutes le même parcours. Ça commence quand elles découvrent qu’on peut monnayer un rapport sexuel et que finalement on peut gagner 4,5, 6 000 euros par mois, en enchaînant les passes » raconte Manon Quérouil-Bruneel. Mais il existe surtout de nouveaux réseaux de prostitution, tenus par des jeunes des quartiers : « Les réseaux de drogues [sont] saturés. Le braquage, est quand même réservé à une « élite » chez les voyous donc (…) [la prostitution] c’est le chemin facile pour eux pour faire de l’argent, comme ils disent, « les bras croisés » » ajoute la grand reporter.

Des chambres d’hôtels proches de Paris sont louées, des appartements également : « Ça se passe même dans la cité mais c’est un peu plus rare (…) C’est tenu par des mecs de cité, avec des filles du quartier » renchérit Malek Dehoune.

Mais alors que faire, face à ce constat si sombre ? « Il faut tout reprendre par la base, donner la chance aux jeunes de banlieues » préconise Malek Dehoune. Et il ajoute : « Il faut peut-être leur rouvrir des associations, qui apprennent aux jeunes comment se comporter dans un entretien, à faire des cours de théâtre au lieu de cours de rap…Il y a un grand travail à faire. Parce que c’est vrai que l’on est assis un peu sur un volcan ».

 

Vous pouvez voir et revoir l’entretien avec Manon Quérouil-Bruneel et Malek Dehoune, en intégralité :

OVPL : entretien sur la banlieue avec Manon Quérouil-Bruneel et Malek Dehoune (en intégralité)
09:28

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Banlieues : « Il n’y a plus d’illusions, plus d’envie, plus de révolte »
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Banlieues : « Il n’y a plus d’illusions, plus d’envie, plus de révolte »
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le