Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Baisse de la natalité : l’immigration serait un « leurre », selon François Bayrou
Par Public Sénat
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Les deux parlaient la même langue. Après avoir été entendu par deux commissions permanentes du Sénat au cours des derniers mois, le Haut-commissaire au Plan François Bayrou a échangé ce 20 mai avec la délégation à la prospective du Sénat. L’ancien ministre est chargé depuis septembre d’éclairer l’Etat sur les choix à prendre sur le long terme, une échelle de temps sur laquelle travaille justement la délégation sénatoriale depuis sa création. Une partie de l’audition a tourné autour de l’évolution de la démographie française. En fin de semaine dernière, l’ancien ministre béarnais avait sonné l’alerte dans une note, indiquant que « l’avenir démographique de la France » n’était « plus assuré ».
Le baby-boom que certains espéraient à la faveur des confinements instaurés en France n’a pas eu lieu et la France reste sur une mauvaise pente démographique. Pour François Bayrou, le « fléchissement » n’est même conjoncturel mais remonte à « six ou sept ans ». Depuis cette période, la courbe des naissances diminue un peu plus chaque année. Fin 2019, le solde naturel de la population s’établissait à 141 000, un point bas jamais observé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le quinquennat de François Hollande est « concomitant du fléchissement »
Pour redresser la barre, le Haut-commissaire recommande de « renouer avec une ambition démographique », notamment avec une politique familiale ambitieuse. Proche du président de la République, le maire de Pau a notamment expliqué la baisse de la natalité par les réformes du précédent quinquennat en la matière. « Je crois que les décisions qui ont été prises sous les gouvernements de François Hollande, concernant par exemple les allocations familiales, ont joué un rôle mystérieux, pas facile à décrire. Mais il se trouve que c’est absolument concomitant du fléchissement », a-t-il considéré. Le quinquennat de François Hollande avait été marqué par un contexte fiscal moins favorable, avec l’abaissement du quotient familial, mais aussi l’introduction d’une dégressivité des allocations familiales pour les ménages aisés.
Le propos n’a pas manqué de faire réagir son auditoire. Pour la sénatrice communiste Cécile Cukierman, la cause de ce manque de dynamisme démographique est trouvée. C’est « peut-être un discours politique qui, pendant de nombreuses années, a tellement dit que certains s’enrichissaient avec les allocations familiales. » Or, « on prend conscience qu’avoir des enfants, ça un coût », a-t-elle rappelé, soulignant notamment que la garde des jeunes enfants était devenue un « surcoût exorbitant » pour les parents. « On se focalise sur le très jeune enfant, et on ne va pas au-delà », a renchéri la sénatrice LR des Hauts-de-Seine Christine Lavarde, étonnée que les propositions du Haut-commissariat au Plan relayées dans la presse étaient « plutôt axées » sur l’immigration.
L’apport migratoire au solde démographique « ne change pas les grands nombres »
Sur ce dernier point, la note de François Bayrou n’a pas considéré que l’apport migratoire pouvait régler le problème. « Du strict point de vue démographique l’immigration n’est ni la seule solution ni le seul problème », a-t-il écrit. Durant l’audition, le numéro 1 du MoDem a voulu une nouvelle fois balayer ce « fantasme » ou ce « leurre » d’une solution miracle. « Il y a aujourd’hui, disent les rapports, quelque chose comme entre 15 et 20 % de la natalité qui est due à des femmes issues de l’immigration […] Le taux de fécondité est un peu plus haut, mais ça ne change pas les grands nombres. »
Si François Bayrou s’est dit favorable à des « apports limités, ou en tout régulés et réfléchis » permettant d’assurer l’équilibre de la société, il a déconseillé de répondre au déclin démographique en premier par l’immigration, la question de la démographique étant, selon lui, dans « l’harmonie d’une société ». « Je ne crois pas du tout à ce que les Allemands ont fait : accepter d’un coup un million de personnes parce que le patronat avait dit qu’il fallait un million de personnes. Si cela se produisait en France, étant donné la situation psychologique du pays et les tensions, je pense que ça ferait des dégâts considérables qui produiraient du déséquilibre et le déséquilibre produit de la dénatalité, c’est-à-dire le contraire », a-t-il argumenté.
François Bayrou a surtout rappelé que la « situation des mères », et l’attention portée entre la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, commandait « en partie » la démographie du pays. Les questions vont de l’installation de crèches à la protection des femmes dans l’entreprise. Outre sa vision sur les allocations familiales qui doivent rester « universalistes », le Haut-commissaire a donné raison à Bernard Fialaire (sénateur RDSE du Rhône) sur le « facteur limitant » du logement, dont le prix pénalise l’extension des familles.
En clair, beaucoup de sujets doivent être résolus pour favoriser la natalité. « Quand on conduit une enquête auprès des parents, pour leur demander combien d’enfants ils voudraient, la réponse est : un enfant de plus que le nombre de celui qu’ils ont. Il y a un décalage entre le souhait et la réalité », a souligné François Bayrou. Tout tiendrait au contexte général de la société française. « La clé fondamentale, c’est un certain optimisme du pays. »