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Avortement pour « détresse psychosociale » : les associations pro-vie alimentent la polémique
Par Public Sénat
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La réaction des mouvements anti-avortement ne s’est pas fait attendre. Depuis le 1er août et l'adoption en deuxième lecture à l'Assemblée nationale de la loi Bioéthique, ces militants inondent les réseaux sociaux. Ils dénoncent le « piège » tendu par le texte qui « détourne le dispositif d’interruption médicale de grossesse (IMG) », permettant ainsi de « tuer un bébé de 9 mois ».
Au cœur de la polémique, un amendement voté par les députés précisant que l’existence d’une « détresse psychosociale » peut constituer un « péril grave mettant en danger la santé de la mère », justifiant une éventuelle IMG, y compris au-delà de la 12e semaine de grossesse.
« Ceux qui savent qu’on n’a JAMAIS pu vérifier la détresse, ancien mobile de l’IVG, comprendront le piège », s’exclame Tugdual Derville, délégué général de l'association anti-avortement, Alliance VITA.
« L’IMG psycho-sociale est actuellement mal connue »
Le recours à une IMG en cas de danger pour la mère, que l’on nomme l’IMG d’indication maternelle, implique d’ores-et-déjà une « prise en compte des causes psychosociales "lorsqu’il y a péril grave pour la santé de la mère" » : « Ce cadre juridique existe depuis la loi du 4 juillet 2001 », rappelle le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), cité au cours des débats parlementaires.
Ce rassemblement de professionnels préconisait toutefois que ce type de risque pour la santé de la mère soit précisé dans la loi. « L’IMG psycho-sociale est actuellement mal connue dans les services de gynécologie-obstétrique », affirmait le CNGOF à l’automne, estimant « la prise en charge de ces femmes est inégalement répartie sur le territoire national ».
Le gouvernement s’en remet à la « sagesse » des députés
La loi bioéthique dispose par ailleurs que la « détresse psychosociale » de la mère doit faire l’objet d’un examen par une « équipe pluridisciplinaire », comprenant « au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue ».
Mais l’amendement, déposé par la délégation droits des femmes, n’a pas fait l’unanimité à l’Assemblée nationale. Le député LREM de l’Hérault, Jean-François Eliaou, a demandé à ce que cet amendement soit retiré : « Oui, l’IMG constitue une possibilité, et la santé de la femme doit être prise dans sa globalité, dont fait partie la santé mentale. Toutefois, le préciser dans ce texte me gêne. Puisque cette possibilité existe déjà dans la loi, pourquoi la rappeler ? Pourquoi énumérer ce seul motif d’IMG, et non pas d’autres ? […] Enfin, je crains qu’on envoie, en inscrivant cette précision dans la loi, un signal complexe sur la frontière entre IVG et IMG. »
Le secrétaire d’État Adrien Taquet s’en est remis, au nom du gouvernement, à la « sagesse » du vote des députés.
« On regardera cela avec beaucoup d’attention »
Le texte, qui reviendra à la rentrée au Sénat, promet un débat animé à la chambre haute. Olivier Henno, rapporteur de la loi bioéthique, exprime déjà sa gêne : « Je suis favorable à l’IVG, mais je trouve qu’on va un peu loin, là. »
La « détresse psychosociale » peut notamment être constatée au cas où la grossesse est consécutive à un viol ou à un inceste chez une mineur. « Dans des cas bien précis et dans un délai bien encadré, je pourrais y être favorable », souffle le sénateur du Nord. « Mais à un moment donné, on touche à la vie. Je ne voudrais pas qu’à partir de ces exceptions, la lecture de cet amendement puisse faciliter le recours à l’avortement. »
Les Républicains prudents
Même prudence du côté des Républicains : « On regardera cela avec beaucoup d’attention parce que je reste assez dubitative sur ce critère », prévient la sénatrice du Morbihan, Muriel Jourda. « Si c’est déjà pratiqué et si cela fait déjà partie de la définition du danger pour la mère, pourquoi rajouter cette notion de détresse psychosociale ? »
Laurence Rossignol, qui avait également déposé un amendement concernant l’IMG psychosociale, se dit « satisfaite » du vote de l’Assemblée nationale : « [En première lecture au Sénat], le gouvernement s’y était opposé, je me réjouis que le ministre ait changé d’avis », déclare la sénatrice (PS) de l’Oise.
« Déjà des médecins retiennent la détresse psychosociale, l’amendement permettra d’unifier la pratique et donne un cadre légal aux médecins qui le demandaient », conclut-elle.
En février dernier, le Sénat avait adopté le projet de loi relatif à la bioéthique par 153 voix contre 143.