Aude: LR et FN instruisent un procès en “naïveté” contre Macron
"Naïf", Emmanuel Macron? Droite et extrême droite se déchaînent contre le chef de l'État après les attaques jihadistes de l'Aude et remettent...
Par Paul AUBRIAT
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
"Naïf", Emmanuel Macron? Droite et extrême droite se déchaînent contre le chef de l'État après les attaques jihadistes de l'Aude et remettent sur la table leurs propositions radicales, de la rétention des individus "les plus dangereux" aux expulsions.
"Il faut les mettre hors d'état de nuire (les islamistes) avant qu'ils ne fassent couler le sang", a martelé lundi matin le président des Républicains, Laurent Wauquiez, lors d'une allocution "solennelle" au siège parisien du parti, derrière un pupitre barré d'un bandeau noir en signe de deuil.
Le leader de la droite a exigé le rétablissement de l'état d'urgence et "l'expulsion immédiate des étrangers" qui "incitent à la haine de la France".
La présidente du Front national Marine Le Pen à Nanterre, près de Paris, le 8 décembre 2017
AFP
Plus tôt, Marine Le Pen avait formulé des exigences similaires, en invoquant la "prévention". "Il faut arrêter de distribuer la nationalité française n'importe comment et à n'importe qui", avait estimé la présidente du Front national, quand son homologue des Républicains a pour sa part fustigé les étrangers "dont les familles ont bénéficié du généreux système social de notre pays et qui se retournent aujourd'hui contre la France".
"Le FN a réussi à convaincre Wauquiez sur l'islamisme: tout arrive", a tweeté dans la foulée le parti d'extrême droite.
- "Aveuglement"-
Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes s'est cependant gardé de reprendre l'appel de Marine Le Pen à la démission du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb. "C'est le président de la République que l'on vise", décrypte la garde rapprochée de Laurent Wauquiez, qui entend s'imposer comme premier opposant au chef de l'État.
M. Wauquiez n'a d'ailleurs pas eu de mots assez durs à l'endroit d'Emmanuel Macron: "aveuglement", "irresponsabilité politique", le président de la République est d'une "coupable naïveté" et "ne combat pas le terrorisme".
L'auteur de l'attaque jihadiste de l'Aude, Radouane Lakdim, ne semblait plus être une menace aux yeux des autorités. Né au Maroc le 11 avril 1992 et arrivé en France dans les premiers mois de sa vie, il avait été naturalisé en 2004.
Le président des Républicains Laurent Wauquiez, photographié le 27 janvier 2018,juge Emmanuel Macron d'une "coupable naïveté" face au terrorisme
AFP/Archives
"Il faisait l'objet de la part des services de renseignement d'un suivi effectif toujours en cours en mars 2018, mais qui n'avait pas permis (...) de mettre en évidence des signes précurseurs d'un passage à l'acte, ni des velléités de départ sur la zone irako-syrienne", a déclaré lundi le procureur de Paris François Molins.
"Nous sommes en guerre. Le pire est devant nous", a estimé Guillaume Peltier, vice-président de LR, jurant que des propositions de loi étaient "prêtes". Aucune ne figure dans la niche parlementaire LR du 5 avril.
- Voix discordantes -
Richard Ferrand, chef de file des élus LREM à l'Assemblée, a dénoncé un "concours de démagogie" qui "divise", tandis qu'un député de la majorité a évoqué des "charognards" et fait valoir que "pour un attentat commis, combien d'autres déjoués", rejoint par le président du groupe MoDem à l'Assemblée, Marc Fesneau, qui a fustigé "l'irresponsabilité" de M. Wauquiez et Mme Le Pen.
Chez LR, d'aucuns se sont d'ailleurs montrés prudents, voire en désaccord, avec les mesures envisagées par Laurent Wauquiez.
"Je ne vais pas dire qu'avec l'état d'urgence on aurait évité ça", a dit le chef de file des élus LR à l'Assemblée, Christian Jacob, tandis que l'ex ministre LR Thierry Mariani, partisan d'une alliance avec le FN, doutait de la rétention administrative des fichés S.
Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, s'est également montré sceptique sur les propositions de Laurent Wauquiez en appelant à "appliquer l'arsenal législatif" existant.
L'ex-directeur de la police nationale, Frédéric Péchenard, vice-président de LR en Ile-de-France, s'est également dit opposé à la rétention et au rétablissement de l'état d'urgence.
Il a été rejoint par le syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT) qui, dans un communiqué, a estimé que la fiche S "génère non seulement tous les fantasmes, mais une course populiste effrénée aux fausses bonnes solutions, parfois proposées par ceux qui ne les ont jamais mises en œuvre en étant au pouvoir".
"Cette +sacralisation+ confuse de la fiche S, qui n'est absolument pas l'alpha et l'oméga des services de contre-terrorisme", a abondé l'eurodéputé LR Arnaud Danjean, par ailleurs ex-agent de la DGSE, qui l'a jugée "exaspérante".
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.