Au PS, un congrès pour « montrer qu’on est encore là »
Olivier Faure, le nouveau premier secrétaire du PS, a conclu le congrès de « la renaissance » des socialistes, dimanche à Aubervilliers. Un énorme travail reste à faire pour le parti, à la croisée des chemins. Soit il refait surface, soit il continuera à exister mais sans peser à gauche et dans le pays.
Après un choc, se retrouver. On le disait mort ou presque, le Parti socialiste est vivant. Mais toujours mal en point, après l’échec de la présidentielle. Alors ceux qui restent, après l’hémorragie militante, se serrent les coudes et jettent leurs espoirs en Olivier Faure, officiellement devenu le nouveau premier secrétaire du PS. Ils n’ont pas beaucoup d’autres choix.
L’étiage est au plus bas. 1000 personnes, au mieux, sont présentes dimanche matin, au congrès du PS, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), pour écouter le discours d’Olivier Faure. On a connu (beaucoup) mieux, dans le passé. A l’extérieur, c’est pourtant un grand rayon de soleil. Petit air de printemps et d’espoir pour les socialistes.
Entrer dans le costume
Dans la salle, il manque Martine Aubry ou Anne Hidalgo. Mais Bernard Cazeneuve et Jean-Marc Ayrault sont là. Les deux anciens premiers ministres sont arrivés ensemble, créant une bousculade, aux milieux des stands. Comme au temps des congrès où les éléphants se partageaient l’affiche. Le passé. Un revenant fait son apparition dans la salle : c’est Julien Dray, avec sa veste noire. Alors cette renaissance ? « Petite renaissance » glisse-t-il dans un sourire…
Retrouvailles, au congrès du PS, entre Bernard Cazeneuve, Jean-Marc Ayrault et Alain Vidalies.
Quand Olivier Faure fait son entrée, sur le coup de midi, les applaudissements semblent limite polis, avant de prendre réellement. Le nouveau patron du PS prend son temps. Il ne boude pas son plaisir, comme s’il entrait vraiment dans son nouveau costume. Et claque les bises : Cazeneuve, Ayrault, mais aussi Najat Vallaud Belkacem, les anciens candidats du congrès Stéphane Le Foll, Emmanuel Maurel et Luc Carvounas, ou encore Patrick Kanner, à la tête des sénateurs PS. L’image du rassemblement est là.
Faure : « Soyons fiers de notre histoire et de ce que nous sommes ! »
A la tribune, Olivier Faure bute sur les mots, mange les syllabes. A l’image de ce Parti socialiste convalescent, encore hésitant et balbutiant. Un discours trop long, d’une heure trente (voir notre article sur les éléments à retenir). « Soyez indulgent, c’est le premier » sourit le nouvel homme fort au look de gendre idéal. S’il doit encore trouver son style et le ton juste, il cherche déjà à raviver la flamme socialiste. « Les grandes idées ne meurent jamais. Ayons confiance en nous. Soyons fiers de notre histoire et de ce que nous sommes ! » lance en fin de discours Olivier Faure, réveillant une salle qui a faim. « Je veux que vous reteniez que ce dimanche 8 avril fut le premier jour de notre renaissance ».
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Olivier Faure se réfère au passé, pour donner corps à la « renaissance » : « Le congrès d’Epinay fut le point de départ. (…) 47 ans plus tard, nous voici à nouveau ». Le patron du PS souligne l’« urgence de faire entendre la voix d’une gauche capable de gouverner et d’offrir une alternative ». Mais avant cela, il faut se refonder. « Nous devons nous changer nous-même avant de penser changer les autres ». Olivier Faure s’amuse aujourd’hui des chapelles qui ont tant marqué l’histoire du parti :
« J’ai été rocardien. Je détestais les fabiusiens, qui eux-mêmes combattaient les jospinistes, qui n’aimaient guère les strauss-kahniens, qui méprisaient les hollandais, qui exécraient les aubrystes. (…) Ces "istes", ces "iens", ces "ais" sont notre histoire. Mais admettons-le. Ils sont devenus un peu, aujourd’hui, notre boulet ».
Pour mener ce PS qu’Olivier Faure rêve « collectif », le nouveau premier secrétaire mettra en place une direction resserrée, avec « beaucoup de têtes nouvelles » et la parité. Un parti plus décentralisé, numérique avec « un programme de travail de trois ans » pour refonder la pensée socialiste. Une base est déjà là : défense des migrants, vision européenne, défense de la laïcité, prise en compte des enjeux de la nouvelle économie, ou opposition à la réforme constitutionnelle avec la demande de consulter les Français sur le sujet.
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Avant le discours, les hommages à Henri Emmanuelli et Michel Rocard, sur fond de musique à tirer des larmes à un clown, sont salués par deux standing-ovations. Pour ce parti qui ne se veut pas mort, cette histoire révolue semble faire du bien.
« Si je n’étais pas optimiste, je ne serai pas resté socialiste »
Les militants qui ont réussi à venir, malgré la grève de la SNCF, veulent rester optimistes. « La sinusoïdale, j’y suis habituée » lâche Philippe, sur l’air du j’en ai vu d’autres, tout en regardant les images d’Henri Emmanuelli défiler. Il ajoute : « Si je n’étais pas optimiste, je ne serais pas resté socialiste ». Entre militants, on se retrouve et ça réconforte. « Je me sens bien ici. Ça fait du bien de se retrouver pour se ressourcer, rappeler nos valeurs », dit Jocelyne, 66 ans, militante dans le Pas-de-Calais depuis 20 ans. A ses côtés, Evelyne, 71 printemps et 35 années de militantisme socialiste débutées dans la Nièvre « avec Mitterrand », y croit aussi : « Je suis très optimiste. Ça ne peut que se reconstruire. Je suis très fière d’être socialiste ». Evelyne n’avait pourtant pas fait de l’ancien président du groupe Nouvelle gauche sont favori : « C’est sûr qu’Emmanuel Maurel a plus de charisme. Mais il faut se rassembler. Il faut qu’Olivier Faure s’affirme ». « On est là pour l’accompagner » ajoute Jocelyne.
Quelques mètres plus loin, se tient debout Antoine, 19 ans. Baskets aux pieds, jeans, pin’s du PS et badge du MJS sur sa veste, il a choisi de rester au parti. Le MJS vient pourtant de claquer la porte et de couper les ponts pour se rapprocher de Benoît Hamon. « Attaché à la famille socialiste, je ne suis pas de ce MJS là » dit-il. « Ça fait du bien de tous se retrouver ici et montrer qu’on est encore là ».
« Le juge de paix seront les municipales »
Aujourd’hui, tout (re)commence pour le PS. « On est à T zéro. On a eu 6-8 mois extraordinairement difficiles, mais on est vivant, on a une direction et une ligne. Maintenant, il faut dérouler. La page est blanche » constate l’ancien vallsiste Philippe Doucet.
Le président du groupe PS, Patrick Kanner, va de l’avant aussi : « On n’a pas envie de fermer la lumière. On est encore là. Mais il faudra du temps ». Le sénateur du Nord fixe déjà le cap sur les prochains scrutins. « Les municipales seront l’occasion de reprendre des parts de marché, si on peut dire, sur le plan électoral ». « Le juge de paix seront les municipales. Il faut passer au-dessus des européennes » confirme Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget. Européennes pour lesquelles on parle de plus en plus du commissaire européen Pierre Moscovici pour mener la bataille. On fait mieux côté renouveau, que ce soit en termes de personne ou de fond…
Vidalies : « François Hollande appartient à notre histoire. Donc le passé »
Si le passé lointain est évoqué, le passé récent reste une blessure. Le retour dans les médias de François Hollande, ces prochains jours, pour la sortie d’un livre, ne réjouit pas tous les socialistes. « François Hollande appartient à notre histoire. Donc le passé. On ne peut pas reconstruire sur le passé. Sur le plan politique, ça n’a aucun sens » tranche Alain Vidalies, ancien ministre.
Le PS veut revenir. Reste à savoir sur quelle ligne. Car si le PS n’est pas mort, on ne l’entend pas. Que disent les socialistes sur le monde et la France ? Les débats de la matinée sur les migrants ou les services publics, donnent des pistes. Et la politique du chef de l’Etat de quoi laisser espérer. « Il y a un espace politique majeur entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. C’est une évidence. Je ne vois pas comment des électeurs de gauche pourraient encore voter pour la politique libérale d’Emmanuel Macron » se rassure Alain Vidalies. « Il faut mener une vraie bataille culturelle et idéologique, assumer d’être de gauche. Ce n’est pas sale » ajoute le sénateur Rachid Temal, qui a été premier secrétaire par intérim avant le congrès.
« Il y a un scénario noir et un scénario rose »
« Entre une gauche altermondialiste et souverainiste et la globalisation financière, le PS n’a pas su se situer » constate Stéphane Le Foll. Les mouvements sociaux et la grève des cheminots sont un premier test grandeur nature pour le PS. Certains veulent être à leurs côtés, comme Emmanuel Maurel. Mais pour Stéphane Le Foll « on n’est pas un parti fait pour être dans la rue, même si on peut manifester. On doit rester un parti de gouvernement. Ce n’est pas la rue qui fait les convergences de gauche ».
Le PS est maintenant à la croisée des chemins. « Il y a deux voies », décrypte Henri Weber, ancien eurodéputé PS. « Soit c’est la marginalisation. Et le PS devient ce qu’est devenu le Parti radical ou le PCF. Ou on connaîtra un rebond. Il y a un scénario noir et un scénario rose. Les deux sont possibles ».
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.