Attentats du 13 novembre : quand l’état d’urgence s’installa en France

Attentats du 13 novembre : quand l’état d’urgence s’installa en France

A une semaine du début du procès des attentats du 13 novembre 2015, retour sur les évolutions législatives que cette nuit d’horreur a entraîné. Décrété le soir même par François Hollande, l’état d’urgence sera prolongé à de nombreuses reprises. Ses principales dispositions vont progressivement s’inscrire dans notre droit commun.
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« Il y a plusieurs dizaines de tués. Il y a beaucoup de blessés. C’est une horreur ». A 23h53, le soir du 13 novembre 2015, François Hollande s’exprime en direct à la télévision pour décréter l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national. Une première depuis la guerre d’Algérie. 10 ans plus tôt, les émeutes de banlieues avaient déjà conduit le président Chirac à décréter l’état d’urgence, mais dans 25 départements.

Dans l’affolement de cette soirée, où les attentats les plus meurtriers ont été commis sur le sol français par trois commandos (Stade de France, Bataclan, terrasses du 10e et 11e arrondissement de Paris) faisant 130 morts et plusieurs centaines de blessés, François Hollande annonce « la fermeture des frontières françaises ». Il s’agit en fait du rétablissement des contrôles aux postes-frontières décidés notamment dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat (COP21).

A l’inverse de l’état de siège, et des pouvoirs étendus accordés au chef de l’Etat lorsque l’indépendance de la Nation et l’intégrité du territoire sont menacées, l’état d’urgence n’est pas inscrit dans la Constitution. Selon une loi du 3 avril 1955, cet état d’exception est décrété en Conseil des ministres pour une durée de 12 jours maximum, seul le Parlement est compétent pour le prolonger.

Deux ans sous état d’urgence

Ce sera chose faite dès le 20 novembre 2015. Il sera prolongé 6 fois jusqu’au 1er novembre 2017. Il donne aux préfets une série de pouvoirs comme la possibilité d’instaurer un couvre-feu, d’instituer « des zones de protection ou de sécurité », d’ordonner la fermeture provisoire de salles de spectacles, la perquisition de domicile jour et nuit ou encore des assignations à résidence de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public. Toutefois le projet de loi apporte des modifications à la loi de 1955, comme la suppression du contrôle de la presse et de la radio. Le ministre de l’Intérieur peut prendre aussi « toute mesure » pour bloquer un site Internet faisant l’apologie ou incitant à des actes terroristes. « En effet, la loi du 3 avril 1955 ne peut être conforme à l’état des technologies et des menaces que nous rencontrons » expliquait François Hollande à Versailles le 16 novembre 2015 devant le Parlement réuni en Congrès.

Mais un régime d’exception a par définition un caractère temporaire. Face à la menace terroriste accrue, le gouvernement estime ne pas avoir d’autre choix que d’inscrire dans le droit commun plusieurs outils pour y faire face. Et c’est le Sénat qui s’en charge en premier. Alors président de la commission des lois, Philippe Bas dépose dès décembre une proposition de loi destinée à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste. Le texte est co-signé par le président du groupe (LR) du Sénat, Bruno Retailleau, François Zochetto au groupe UDI, et Michel Mercier le rapporteur spécial du comité de suivi sénatorial de l’état d’urgence.

La droite sénatoriale presse le gouvernement de reprendre ses propositions

« Il s’agit d’une dizaine de mesures fortes qui ne concernent pas la police mais renforcent les pouvoirs du procureur et des juges. L’état d’urgence crée un contexte favorable à la prévention d’actes terroristes, mais n’a pas pour le moment donné lieu à des opérations antiterroristes de grande ampleur », expose à l’époque Philippe Bas.

La proposition de loi est adoptée en février par la Haute assemblée, et la droite sénatoriale presse le gouvernement de reprendre ses propositions comme le renforcement des autorisations de perquisitions administratives, des incriminations nouvelles liées aux délits de terrorisme ou encore la possibilité de rétention pour les personnes condamnées pour terrorisme à l’issue de l’exécution de leur peine. « Si cette proposition de loi ne reçoit pas le soutien du gouvernement, la droite sénatoriale verra l’engagement de l’exécutif dans la lutte contre le terrorisme comme une mascarade », avertit le président du Sénat, Gérard Larcher.

Le projet de loi du gouvernement renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme est déposé début 2016 et adopté le 25 mai 2016. La majorité sénatoriale se félicite que le texte reprenne des dispositions figurant dans la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, comme : la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit lors des enquêtes préliminaires, la saisie des correspondances électroniques, et l’utilisation des techniques de l’IMSI catcher permettant d’intercepter des conversations téléphoniques, ou encore la création de nouveaux délits terroristes sanctionnant la consultation habituelle des sites internet provoquant aux actes terroristes. Ce dernier délit sera censuré par le Conseil constitutionnel.

Emmanuel Macron met fin à l’état d’urgence et le remplace par une nouvelle loi

« Moi, je ne vais pas inventer un programme de lutte contre le terrorisme dans la nuit ». Par cette phrase prononcée au lendemain d’un attentat sur les Champs-Élysées, à quelques jours du premier tour de la présidentielle, Emmanuel Macron s’était attiré les foudres de sa principale adversaire, Marine Le Pen.

C’est sous son quinquennat que l’état d’urgence « sécuritaire » prendra fin, remplacé, le 1er novembre 2017, par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT.

Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérard Collomb entendait trouver le point d’équilibre délicat entre libertés publiques et sécurité. Mais pour les sénateurs, le texte avait une tendance à pencher vers le second.

C’est donc sous l’impulsion de la Haute Assemblée que quatre dispositions seront expérimentées jusqu’au 31 décembre 2020 avant d’être pérennisées : la mise en place d’un périmètre de protection (fouilles aux abords de grands évènements), la fermeture administrative des lieux de culte, les visites domiciliaires et les saisies (perquisitions administratives), enfin et surtout, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) qui s’apparentent à une assignation à résidence.

Une mission de suivi de la loi SILT est mise en place au Sénat, présidée par sénateur LR, Marc-Philippe Daubresse. Il en découle une proposition de loi sénatoriale adoptée en mars 2020. Mais le texte n’est pas transmis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Le gouvernement et la majorité préfèrent prolonger jusqu’au 31 juillet 2021 les dispositions temporaires de la loi SILT, en attendant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi.

Cette loi (relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement) est promulguée le 22 juillet. Sujet hautement sensible pour les libertés publiques, le texte pérennise le recours à la technique de l’algorithme. Elle permet le traitement automatisé des données de connexion pour détecter les menaces, en l’étendant aux adresses web (« URL ») complètes. Cette loi introduit également une réforme de l’accès aux archives publiques ou encore étend les critères de fermeture administrative des lieux de culte, soupçonnés d’être liés à des faits de nature terroriste. Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré l’allongement de 1 à 2 ans des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) pour les ex-détenus condamnés pour terrorisme.

Abandon de la déchéance de nationalité et des centres de déradicalisation

Depuis le 13 novembre 2015, la lutte antiterroriste aura également été marquée par l’abandon de certaines mesures. La plus emblématique d’entre elles. La déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux que François Hollande annonçait vouloir inscrire dans la Constitution au Congrès de Versailles, trois jours après les attentats.

De même, l’expérimentation du centre de déradicalisation à Pontourny, sur la commune de Beaumont-en-Veron s’est soldée par un échec et a été abandonnée en juillet 2017. Il est remplacé par le dispositif Rive (Recherche et intervention sur les violences extrémistes), un suivi un suivi socio-éducatif en milieu ouvert et sous la contrainte d’un juge.

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