Attentat de Conflans-Sainte-Honorine : « Il y a encore des questions qui se posent »
Après avoir entendu les ministres Jean-Michel Blanquer et Gérald Darmanin sur les circonstances de l’assassinat de Samuel Paty, les sénateurs estiment que des réponses, aussi bien sur les faits que dans l’adaptation du droit actuel, manquent encore à l’appel.
Par Guillaume Jacquot (Images : Jérôme Rabier et Quentin Calmet)
Temps de lecture :
5 min
Publié le
Mis à jour le
Il y a d’abord eu cette analyse du ministre de l’Intérieur sur l’assassinat par décapitation du professeur Samuel Paty, lors de ses premiers mots au Sénat ce 22 octobre 2020. « C'est un attentat d'un nouveau genre », a expliqué Gérald Darmanin aux sénateurs qui l’auditionnaient aux côtés de son collègue de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Deux sénateurs du groupe majoritaire des Républicains ont tempéré ce point de vue. « C’est une situation nouvelle, non pas qu’elle ait été méconnue, mais elle trouve aujourd’hui une forme de concrétisation dramatique », a réagi François-Noël Buffet, président LR de la commission des lois. « Oui, ce peut être un attentat d’un nouveau genre, mais que des gens qu’on embrigade et qui aujourd’hui s’approprient des discours haineux – c’est aujourd’hui le danger de notre société – c’était là hier et avant-hier, et ça s’est accéléré depuis 2015 », a considéré la sénatrice Jacqueline Eustache Brinio (LR).
La sénatrice du Val-d’Oise n’a pas été entièrement satisfaite des questions réponses entre l’hémicycle et le gouvernement. « Il y a encore des questions sur lesquelles on n’a pas eu toutes les réponses », a-t-elle indiqué. L’enseignant assassiné avait-il adressé une lettre à ses parents ? Sur ce point, Jean-Michel Blanquer a botté en touche, renvoyant les parlementaires au rapport de l’inspection académique qui sera remis la semaine prochaine. La sénatrice a estimé que les interrogations autour des conclusions du renseignement territorial ou sur le principe de mise à l’écart des parents des choix pédagogiques restaient encore sans réponses. « Nous devons avoir les réponses de l’État sur le contexte », a-t-elle soutenu.
« Une bonne partie de ce que nous avions préconisé au mois de juillet devrait se retrouver dans les projets de lois de décembre »
Quant aux réponses politiques, beaucoup de réflexions restent à mener, selon François-Noël Buffet. « Le droit n’est pas suffisamment pertinent pour nous permettre d’anticiper suffisamment à l’avance le traitement de ces situations », a considéré le sénateur du Rhône. « Il y a un moment où il faut trouver le moyen juridique qui soit parfaitement respectueux [des principes] mais à la hauteur des enjeux, et qui nous permette d’agir. C’est un enjeu fondamental. »
Le président de la commission des lois a promis que le Sénat se pencherait sur le sujet sans attendre les propositions du gouvernement. « On avait prévu la possibilité de suspendre l’activité d’association. À l’époque, cela n’a pas été repris, il faut sans doute le remettre sur la table », a rappelé François-Noël Buffet, citant l’une des préconisations du rapport de la commission d’enquête sur la radicalisation islamique. Co-rapporteure de ces travaux avec la sénatrice (Mouvement radical) Nathalie Delattre, Jacqueline Eustache Brinio s’est dite convaincue que le rapport sénatorial servirait de source d’inspiration pour le gouvernement. « Une bonne partie de ce que nous avions préconisé au mois de juillet devrait se retrouver dans les projets de lois contre le séparatisme en décembre. » La suspension temporaire d’une association cultuelle, décision intermédiaire entre l’inaction et la dissolution, a d’ailleurs été évoquée précisément par le ministre Darmanin (relire notre article).
« C’est bien que le Parlement puisse, en temps réel, avoir des informations directement par les ministres »
Sur les questions éducatives, le sénateur socialiste David Assouline salue une prise de conscience de Jean-Michel Blanquer, mais redoute la mise en œuvre effective. « On voit bien que dans ce domaine, il y a une réflexion qui s’approfondit enfin sur la place des enseignants, de l’école, sur cette lutte pour la République », a-t-il réagi, après sa question sur la « revalorisation de l’enseignement civique et moral ». Pour le sénateur de Paris, le détachement des cours d’éducation civique des cours d’histoire-géographie, afin de sanctuariser leur place dans l’emploi du temps, « va dans le bon sens ». « Cela passera bien entendu par les moyens », a-t-il mis en garde. « Entre la volonté, ce qu’il m’a affirmé, le fait que financement on serait dans un rapport de trois heures contre une demi-heure, cela montre à quel point il y a des efforts à faire pour que ce soit réellement pris en compte », a souligné le sénateur membre de la commission de la culture et de l’éducation.
Loin d’approuver toutes les réponses des ministres, le parlementaire a surtout salué l’exercice de cette audition, qui s’est tenue moins d’une semaine après les faits. « C’est bien que le Parlement puisse, en temps réel, avoir des informations directement par les ministres, et ne pas les découvrir au gré d’articles de presse.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.
Au moment où le chef de l’Etat s’apprête à nommer un nouveau premier ministre, Emmanuel Macron a reçu ce mercredi à déjeuner les sénateurs Renaissance, à l’Elysée. Une rencontre prévue de longue date. L’occasion d’évoquer les collectivités, mais aussi les « 30 mois à venir » et les appétits pour 2027…
Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, réclame un Premier ministre de gauche, alors que LFI refuse de se mettre autour de la table pour travailler sur la mise en place d’un gouvernement, préférant pousser pour une démission du chef de l’Etat. Ce mercredi, députés et sénateurs PS se sont réunis alors que le nom du nouveau chef de gouvernement pourrait tomber d’un instant à l’autre.
Si une semaine après le renversement du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron est sur le point de nommer un nouveau Premier ministre, la situation politique française inquiète particulièrement les eurodéputés à Bruxelles que certains comparent à celle en Allemagne.