« Si on veut une France, mieux gérée, moins imposée, plus proche des réalités, il faut aller plus loin dans la décentralisation ». C’est le message qu’a tenu à faire passer Dominique Bussereau, président du Conseil départemental de Charente-Maritime, également à la tête de l’Assemblée des départements de France, lors de la table ronde organisée ce mercredi 28 avril, en substitution à l’assemblée générale qui aurait dû se tenir à La Rochelle, annulée pour cause de pandémie.
Accompagné par François Sauvadet, président de la Côte-d’Or, et de Jean-Luc Gleyze, à la tête lui de la Gironde, les trois élus sont revenus sur les grands enjeux propres à cette échelle administrative, à l’approche des élections départementales, avec en ligne de mire, la décentralisation. Tout en rappelant le rôle joué par les départements dans la gestion de la crise pandémique.
Des départements en première ligne face au covid
Et sur ce dernier point, les trois élus s’accordent pour dire que l’échelon départemental s’est révélé être un rouage majeur pour faire face efficacement aux effets de la crise sanitaire. Jean-Luc Gleyze estime ainsi que le passage de la pandémie a montré « en quoi le département, en termes de fourniture de masques, de vaccins… pouvait être présent en réactif ». Une pandémie qui, selon lui, a d’ailleurs renforcé le lien entre les Français et leur département. « Ce qui est sûr, c’est que les collectivités locales ont marqué des points, car elles se sont montrées capables d’être présentes ».
Une analyse partagée par Jérôme Fourquet, politologue et directeur du département « Opinion » de l’institut de sondage IFOP. Il estime d’ailleurs que les ratés de l’État au début de l’épidémie ont pu renforcer ce sentiment. « Le réflexe premier de la société française a été de se tourner vers l’État, et on s’est aperçu que l’État central n’était pas capable d’apporter toutes les réponses. Tout cela laissera des traces ». « L’échelon, ou la maille territoriale, parle encore fortement », analyse-t-il.
L’attitude des ARS dénoncée
Et quand l’État agit plus localement, au travers notamment des ARS, la coopération avec les départements n’est pas toujours au rendez-vous. François Sauvadet juge durement l’attitude adoptée par les Agences Régionales de Santé pendant la crise, vues comme « arrogantes », en ne faisant pas confiance aux départements. « Nous sommes en coresponsabilité dans la gestion des Ehpad. Et pourtant, on ne voulait pas me donner le nombre de morts à cause de l’absence de confiance, alors qu’on aurait pu immédiatement intervenir ». Un manque de communication toujours à l’œuvre, le président de la Côte-d’Or s’insurgeant d’apprendre au jour le jour les ouvertures et fermetures des « vaccinodromes ».
Une attitude dommageable estime Dominique Bussereau, qui, en Charente-Maritime a pu faire le même constat. « Dans une commune de mon département, il y a eu 14 morts dans un Ehpad, et personne n’était au courant. C’est un système qui se mord la queue ». « C’est pour cette raison que les régions et les départements ont demandé d’être plus dans la gouvernance de ces agences régionales de santé », conclut-il.
Une loi 4D qui ne donnerait pas de réels moyens d’action
La réunion a aussi été l’occasion pour les présidents de conseils départementaux d’inviter l’État à une plus grande volonté décentralisatrice, tout en allouant des moyens supplémentaires aux départements, pour répondre aux mieux aux demandes qui leur sont faites.
« Il est nécessaire d’avoir un souffle décentralisateur, et d’avoir les moyens qui vont avec. On nous demande actuellement d’augmenter les aides à domicile, dont les départements sont en charge, mais comment fait-on sans moyens supplémentaires ? » s’interroge François Sauvadet. « Il faut nous donner les moyens d’agir, et on ne nous les donne pas suffisamment » juge-t-il.
Assemblée des départements : "il faut nous donner les moyens d'agir" juge François Sauvadet
L’ancien député et ministre juge d’ailleurs durement la loi 4D, présentée par le gouvernement comme une nouvelle grande loi de décentralisation. « Il y a une différence entre les grandes déclarations et ce que je constate. Aujourd’hui, les départements ont des moyens financiers étranglés, des dépenses qui augmentent en flèche alors qu’on prévoit de nous replafonner… ». « Donc la loi 4D, on peut rajouter 5D, 6D, 10D, mais c’est une loi qui est décédée » tance l’élu.
Jean-Luc Gleyze n’est lui non plus pas convaincu par le projet du gouvernement, qu’il qualifie de « projet petits bras ». Lui souhaite que les départements soient « réoxygénés », et « financés avec les moyens nécessaires ».
Une demande que les élus jugent d’autant plus indispensable, que les départements, qui financent à hauteur de moitié le RSA, voient affluer en masse les demandes d’aides suite aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. « Fin 2020, on a vu 3 000 demandeurs de RSA supplémentaires en Gironde, ce qui représente une dépense de 12 millions d’euros en plus pour le département », estime Jean-Luc Gleyze.
Mais au-delà de l’échéance des élections départementales en juin prochain, la question de la décentralisation est appelée à s’inscrire dans le débat public, et promet d’être au cœur de la prochaine présidentielle, si l’on en croit Jérôme Fourquet. « Je pense que des candidats qui porteraient dans le cadre de la prochaine présidentielle un message clair en termes de décentralisation, bénéficieraient d’une écoute plus attentive de toute une partie de la population ». Le message est lancé.