Asile: coup d’envoi des débats à l’Assemblée, premiers tirs croisés
"Petite" pour la droite, "inhumaine" pour la gauche : la loi asile et immigration a fait l'objet lundi soir de premiers tirs croisés à l...
Par Anne Pascale REBOUL, Charlotte HILL
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"Petite" pour la droite, "inhumaine" pour la gauche : la loi asile et immigration a fait l'objet lundi soir de premiers tirs croisés à l'Assemblée, le gouvernement plaidant l'"urgence" à agir avec ce texte controversé qui met la majorité à l'épreuve.
La loi a "trois objectifs majeurs : une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif, une intégration réussie", a affirmé le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, à l'ouverture des débats en première lecture.
Dans un hémicycle clairsemé, il a notamment évoqué la "crise migratoire" en Europe et mis en avant la saturation en France des hébergements d'urgence, plaidant l'"urgence à réagir face à une situation qui se dégrade d'année en année".
Premiers à monter au front, les députés LR ont dénoncé, par la voix de Guillaume Larrivé une "petite loi" qui "ne permettra pas à la France de sortir du chaos migratoire".
"Convoquer en permanence le devoir d'humanité qui invite à de tièdes décisions est une faute lourde", a aussi lancé Annie Genevard à l'adresse du ministre.
L'insoumis Eric Coquerel a, lui, dénoncé un discours "nauséeux" de LR dont le rôle est à ses yeux de "jouer à l'idiot utile du macronisme et faire passer une loi extrême pour une loi équilibrée", alors qu'elle est "inhumaine".
Laurence Dumont (Nouvelle gauche) a également jugé l'argumentation de la droite "aussi indigne que le projet de loi lui-même" qui "traite l'étranger en délinquant, l'enfant en adulte, le malade en imposteur et le demandeur d'asile en fraudeur".
"Nous vous montrerons comment à la fois nous limiterons une immigration massive et en même temps au détriment de ce que vous voulez faire, nous garantirons le droit d'asile", "un droit sacré", a répondu de son côté à la droite Gérard Collomb.
Le projet de loi prévoit notamment de réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile, pour entamer rapidement le travail d'intégration des réfugiés, et à l'inverse de faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés.
- "Solidarité" -
Données clés sur les demandes d'asile en 2017 en France : types de demandeurs, taux de protection, principaux pays d'origine des demandeurs d'asile
AFP/Archives
Manifestation des tensions nées il y a plusieurs mois autour des dispositions sur l'asile: la porte du Palais Bourbon a été taguée dans le week-end de l'inscription "accueil de merde". Cinq personnes ont été interpellées.
Plusieurs centaines de manifestants se sont aussi rassemblés lundi aux abords de l'Assemblée, emmenés notamment par la Cimade ou la Ligue des droits de l'Homme, pour dénoncer une "loi liberticide".
"On ne peut pas prendre toute la misère du monde", avait déclaré Emmanuel Macron dimanche soir. "Nous sommes face à un phénomène migratoire inédit" et le droit d'asile, auquel il est "attaché", est "respecté", avait-il aussi affirmé.
La France a enregistré plus de 100.000 demandes d'asile l'an dernier, soit une hausse de 17,5 % par rapport à 2016.
Le projet de loi est critiqué au sein même de la majorité, malgré les efforts de pédagogie et persuasion déployés depuis plusieurs mois par Gérard Collomb, incarnant la ligne "dure" de l'exécutif.
Dès l'examen en commission, les discussions ont été agitées, ce qui a valu à la vingtaine de contestataires LREM un rappel à l'ordre du président de groupe, Richard Ferrand.
Jean-Michel Clément (ex-PS) prévoit toutefois de voter contre un texte à "la logique répressive", Martine Wonner n'excluant pas de faire de même, tandis que Matthieu Orphelin pense s'abstenir, comme Stella Dupont.
Les responsables LREM rejettent tout parallèle avec les frondeurs socialistes du précédent quinquennat, mais ce projet de loi est le premier à faire autant tanguer dans les rangs des "marcheurs".
Plus d'un millier d'amendements sont au menu jusqu'à la fin de la semaine, dont 200 des députés LREM, un record. Aucun n'a été examiné lundi soir.
A l'ouverture des débats, la présidente de la commission des Lois Yaël Braun-Pivet (LREM) a jugé "normal qu'il y ait en chacun d'entre nous des idées qui s'entrechoquent", mais défendu un projet qui "permet de faire face à la crise migratoire sans renier nos idéaux".
Chez les MoDem alliés de LREM, certains ont des "réserves" et défendront des amendements pour l'améliorer. Les élus UAI (UDI, Agir et Indépendants) veulent aussi "équilibrer" ses mesures.
La présidente du FN et députée du Pas-de-Calais Marine Le Pen a, elle, présenté un contre-projet d'une cinquantaine de propositions.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.