Longtemps dans l'ombre du charismatique Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo, quasi inconnue il y a six ans, a réussi, quitte à cliver, à imposer sa marque de socialiste convertie à l'écologie à Paris, où elle se relance dans la bataille pour un deuxième mandat.
Ses détracteurs dépeignent une femme autoritaire, acharnée dans sa politique anti-voitures, ses soutiens louent au contraire son courage et son empathie.
"Cette femme est un mélange de discrétion et de chaleur", assure auprès de l'AFP son libraire, Philippe Touron, qui la côtoie depuis 20 ans dans le XVe arrondissement.
Le directeur de la librairie Le Divan se souvient ainsi du jour où l'écrivaine Annie Ernaux est venue parler de son oeuvre, avec "Anne, installée dans un coin et attendant sagement son tour pour lui parler et avoir une dédicace".
Une pudeur très éloignée du portrait dressé par ses opposants ou ex-proches à l'instar de son ex-Premier adjoint, Bruno Julliard, qui, en septembre 2018, dénonce l'"inconstance" de la maire, qu'il décrie comme dénuée de toute capacité "d'échange et d'écoute", et qui gouverne "à l'instinct".
"Je sais le décalage qui existe entre ce que je suis réellement et ce qu'on perçoit de moi (...) L'autorité d'un homme devient l'autoritarisme d'une femme", se défend l'ex-inspectrice du travail dans son livre "Respirer", publié en 2018.
"J'ai le même caractère que mon père, explosif !", disait dès 2013, dans une interview à Marie Claire, la native de San Fernando dans la province de Cadix, où elle se rend au moins une fois par an.
"C'est une femme potomitante, comme on dit aux Antilles, cela veut dire que c'est elle qui tient la maison", confie la chef de cuisine, Babette de Rozières, à propos de l'élue, âgée de 60 ans et mère de trois enfants.
- "Elle mène sa barque" -
Pour un ancien membre de son cabinet, l'ex-porte-parole de Martine Aubry à la primaire socialiste de 2011, "suscite moins d'animosité" qu'il y a quelques mois lorsque les couacs se multipliaient (Vélib', Autolib, piétonnisation des quais de Seine, démissions).
Attention, "elle a l'impression que tout lui sourit, elle est sûre d'être réélue", prévient cet ancien proche, convaincu que "quand elle a une trop grande confiance en elle, elle fait des conneries".
Les soutiens de Mme Hidalgo insistent sur son ouverture d'esprit, et en veulent pour preuve ses amitiés très hétéroclites qui vont du vice-président de l'Assemblée nationale et chiraquien, Hugues Renson, en passant par l'élu apparenté PS et associatif Jean-Luc Roméro.
Mais "il faut qu'elle apprenne à travailler plus collectivement, avec l'ensemble des partis", prévient un élu de la majorité, à ses côtés pour la nouvelle campagne.
L'élue Modem du XVe arrondissement, Maud Gatel, n'apprécie pas sa façon de "distribuer les bons ou les mauvais points aux élus lors des conseils de Paris". Mais, "en vrai, Bertrand Delanoë, que j'aimais beaucoup, était 1.000 fois plus cassant qu'elle", ajoute-t-elle.
A cela, s'ajoute des conflits que personne ne nie. Comme en 2015, lorsqu'elle décide d'interdire l'usage des véhicules diesel dans la capitale à horizon 2024, Olivier Faure, alors élu de la Métropole et aujourd'hui Premier secrétaire du Parti socialiste, fustige le projet dans une tribune.
Le conflit envenime les relations entre Mme Hidalgo et M. Faure, dont l'épouse, qui travaille alors à la mairie de Paris et "mise à l'écart", préfère partir.
De l'histoire ancienne. Aujourd'hui, le patron du PS admet avoir "de l'admiration pour ce qu'elle fait" sur le climat, et loue une maire qui "mène sa barque et la mène bien".
Au point que certains, en dépit de ses dénégations, la voit déjà candidate en 2022. "Elle n'en a pas envie", affirme son premier adjoint Emmanuel Grégoire, tout en lui prédisant "un rôle très important dans la recomposition politique nationale".