Un point a fait consensus sur le plateau de Sénat 360 : les revenus des agriculteurs sont trop bas. Le projet de loi présenté à la mi-journée par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Stéphane Travert permettra-t-il d’améliorer réellement leur situation, en encadrant les promotions et en fixant une nouvelle contractualisation avec les distributeurs ? Les avis sont moins tranchés.
Pour le député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot, le texte ne « tient pas les promesses des États généraux de l’Alimentation » de l’année 2017. « Il manque une vraie vision sur l’avenir de notre agriculture ». Le relèvement de prix planchers avec l’augmentation de 10% du seuil de revente à perte ne sera pas « une solution magique », selon lui. « Le projet de loi ne garantit pas une amélioration du prix payé au producteur », conclut-il.
« Ce ne sera pas simple à faire appliquer »
« Je suis un peu comme Saint Thomas », affirme le sénateur (LR) Daniel Gremillet, qui rappelle que chaque gouvernement successif « a cru inventer un système miraculeux ». Agriculteur de profession, l’élu des Vosges demande à voir comment les dispositions du texte s’articuleront sur le terrain. Un bémol, principal : « dans ce texte, on met un certain nombre de charges supplémentaires » sur les agriculteurs. Il pointe une autre faiblesse. « Il faut être sûr que ça passe la barre de la concurrence de Bruxelles ». Le « renforcement des pouvoirs » des agriculteurs au sein d’organisations, constitue « un des points intéressants », selon lui.
« Il y a des perspectives très intéressantes », appuie Franck Menonville (RDSE), citant notamment l’inversion de la construction des prix alimentaires, en partant des coûts de production. « Mais il ne faut pas être naïf, ce ne sera pas simple à faire appliquer ». « Je préfère quand même être optimiste ».
« Premier acte structurant pour l’agriculture »
Guillaume Garot et Franck Menonville soulignent que le texte aura peu d’effets sur certains secteurs, comme la filière laitière, concernée par une « surproduction » au niveau européen, ou les céréales, dépendantes des cours mondiaux.
« J’ai l’impression que l’on part très négatif », s’interroge le sénateur (LREM) Didier Rambaud. L’élu de l’Isère insiste sur l’aspect « inédit » des États généraux à l’origine du projet de loi. « J’ai l’impression qu'enfin on va avoir un premier acte structurant pour l’agriculture ». Le sénateur, soutenant la majorité gouvernementale, affirme que le principe de l’inversion de la construction des prix est une vraie nouveauté. « C’est la première fois que je l’entends. »
Si Franck Menonville se dit convaincu, en se basant sur une enquête d’opinion, que les Français seront prêts à payer plus cher leurs produits si la différence finit effectivement dans la main des producteurs, Guillaume Garot s’inquiète, lui, des conséquences sur le pouvoir d’achat. « Il ne faudra pas au final que ce soit le consommateur qui soit appelé à payer plus cher. »
Sur le débat parlementaire à venir, Daniel Gremillet ne cache pas sa déception face aux quatre ordonnances annoncées. Le Parlement va « être privé » de débats, regrette-t-il.