Lancé par les ministres de Bercy, le débat sur les aides sociales ne cesse de s’enflammer. Cherchant des pistes pour économiser et mener à bien les nombreuses réformes du gouvernement, dans le cadre de l’élaboration du budget 2019, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire ont laissé entendre qu’une baisse des aides sociales pouvait être envisagée. En parallèle, un rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), sorti mardi, souligne les inégalités de revenus et de patrimoine en France.
« Trappes à inactivité », « Trop d’aides sociales en France », les déclarations des ministres de Bercy sèment le doute. Le gouvernement, accusé de mener une politique de droite, sous l’égide d’Emmanuel Macron, le Président des « très riches », d’après François Hollande, voit les critiques pleuvoir.
Un plan d’économie de 7 milliards ?
C’était sans compter sur l’article du Canard Enchainé, publié mercredi, qui affirme que l'Élysée et Matignon veulent imposer à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, d'amples économies sur les aides sociales (qui représentent environ 26 % des dépenses de l’État). D’après le journal satirique, Agnès Buzyn aurait répondu par écrit à Matignon, en précisant qu’il n’était pas question d’opérer une telle amputation. Le Premier ministre aurait insisté, et clamé que ces 7 milliards n’étaient pas négociables. Cette coupe aurait été fixée il y a « trois semaines » dans le cadre du projet CAP 2 022.
Mercredi matin sur RTL, la ministre de la Santé a pourtant assuré que cette solution « n'a jamais été envisagée », et qu’il n’était « pas question de faire des économies sur les plus vulnérables ». « Personne ne m'a demandé de trouver 7 milliards », il n'y a « pas d'objectif d'économie sur les aides sociales » a-t-elle martelé. Selon elle, rendre le système « visible et plus efficace » est le seul objectif du gouvernement.
Si la perspective de la réduction des aides sociales est très mal accueillie, le dernier rapport de l’Insee montre que si cette baisse est opérée, de nombreux Français risquent d’en pâtir.
14,2 % de personnes pauvres en France
L’enquête Revenus et patrimoines, publiée par l’Insee mardi, est édifiante : depuis 1998, le patrimoine des Français a doublé, mais celui des plus pauvres a baissé de 30 %. Basé sur les données de 2015, le rapport estime que la même année, la France comptait 14,2 % de personnes en situation de pauvreté, soit 8,9 millions de Français, un des plus faibles taux d'Europe. (Le seuil de pauvreté est défini comme 60 % du niveau de vie médian, soit à 1015 euros par mois pour une personne seule).
Les familles monoparentales et les chômeurs sont les plus exposés. Un tiers des familles monoparentales vivait ainsi sous le taux de pauvreté en 2015, soit 2,4 millions de personnes, ce qui représente un million de plus qu’en 1998.
L’enquête souligne également l’utilité des minima sociaux. En effet, grâce aux différentes prestations sociales, 33,8 % des bénéficiaires du RSA, et 58 % des allocataires du minimum vieillesse, arrivaient à vivre au-dessus du seuil de pauvreté. Leur réduction laisse donc envisager une précarisation grandissante d’une partie de la population, qui potentiellement pourrait repasser sous le seuil de pauvreté.