« Je ne construis pas l’ambiance de samedi prochain, je m’en moque totalement, je construis le visage de la France agricole des prochaines années », martèle Emmanuel Macron. Le président de la République s’est exprimé devant les centaines de jeunes agriculteurs conviés à l’Élysée, ce jeudi. Alors que le salon de l’agriculture s’ouvre dans deux jours, ce rendez-vous vise à rassurer ces nouveaux professionnels du monde agricole. La réforme de la Politique agricole commune (PAC) prévue pour 2020, le traité de libre-échange entre l’Europe et le Mercosur (la communauté économique qui regroupe plusieurs pays de l'Amérique du Sud) ou la nouvelle carte des zones défavorisée sont des sources de préoccupations majeures.
Le président de la République a tenu « un discours de vérité », selon ses termes. Ses déclarations sur le traité de libre-échange entre l’Europe et le Mercosur qui représente un sujet d’inquiétude particulièrement sensible, n’ont pas convaincu. « Les accords du Mercosur ne doivent pas être signés en l’état. L’accueil d’Emmanuel Macron au salon de l’agriculture dépendra de ses engagements », prévenait déjà le secrétaire général des Jeunes agriculteurs, ce matin sur Europe 1.
Mercosur : « Il n’y aura jamais de bœuf aux hormones en France »
Mercosur : « Il n’y aura jamais de bœuf aux hormones en France », assure Emmanuel Macron
Emmanuel Macron ne fera pas sortir la France des négociations sur le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. « Nous sommes en train d’avoir des vrais gains parce que nous avons des intérêts offensifs », assure Emmanuel Macron face aux agriculteurs. Beaucoup d’entre eux redoutent que cet accord entraîne un afflux de viande bovine en provenance d'Amérique du Sud.
Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu dans toute la France pour protester contre la menace d’une distorsion de concurrence. Emmanuel Macron a assuré que « les lignes rouges » ont été posées lors des négociations. « Il n’y aura aucune réduction de nos standards de qualités, de nos standards sociaux, environnementaux, sanitaires, à travers cette négociation. Et pour être très explicite : il n’y aura jamais de bœuf aux hormones en France », promet-il. Le Président précise que « quels que soient les quotas négociés, il y aura une clause de sauvegarde » pour prévenir toutes dérives.
1 380 communes sortiront de la carte des zones défavorisées
Autre point sensible : la refonte de la carte des zones défavorisées. Cette délimitation géographique qui date de 1976 permet le versement d’une indemnisation aux agriculteurs concernés. Non conforme aux réglementations européennes, cette carte sera donc modifiée. « Au final, il y a 1 380 communes qui sortiront et il y a 4 900 communes qui entrent », précise Emmanuel Macron. Pour les exploitations agricoles qui sont économiquement dépendantes de ces indemnités, le Président a assuré qu’il « y aura un vrai travail d’accompagnement (…) À partir du 1er janvier 2019, deux années de transition seront construites avec vous pour lisser les effets, il n’y aura pas brutalement la fin des indemnités », a-t-il expliqué aux agriculteurs présents.
La stratégie du juste prix payé d’Emmanuel Macron
La stratégie « du juste prix payé » d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a assuré une « augmentation du seuil de revente à perte de 10 % » serait mise en place pour lutter contre « la pression insupportable » que certains agriculteurs subissent face à la grande distribution. « Pour que cette stratégie du juste prix payé puisse réussir (…) on doit vous assurer une gestion du risque ». Cette stratégie se mettrait en œuvre au cours de la 6e réforme de la politique agricole commune, prévue en 2020. « Je veux une Europe qui protège davantage et qui protège avec une réserve de crise pluriannuelle à 27 (États membres), avec des outils de régulation par filières ». Cette réserve de crise pourrait être déployée « quand il y a des chocs de marché ou des chocs climatiques », ajoute Emmanuel Macron.
« 5 milliards d’euros pour accompagner la transformation »
Macron annonce un plan d'investissement de « 5 milliards d’euros pour accompagner la transformation » agricole
Le président de la République a également annoncé la mise en place d’un « grand plan d’investissement de 5 milliards d’euros pour accompagner la transformation » du monde agricole. Emmanuel Macron souhaite que ces investissements irriguent « la modernisation des structures » agricoles. « Nous allons élargir les modes de financement pour prendre en compte les évolutions en cours et permettre à des jeunes agriculteurs de démarrer dans le métier dans les meilleures conditions », a-t-il assuré. Le président de la République a également annoncé qu’un milliard d’euros de prêts de garantie serait mis à disposition du secteur.
Emmanuel Macron cible certains acteurs de la filière bovine
Emmanuel Macron cible certains acteurs de la filière bovine
« Le problème de la filière bovine, s’il y en a un, c’est de ne pas avoir su se structurer », estime Emmanuel Macron. Selon lui, « c’est le manque de confiance entre les éleveurs qui a abouti à laisser un acteur dominant sur le marché, qui tient tout le système et qui fait tous les votes des fédérations », fustige le président de la République. Sans nommer ces ennemis de la filière bovine, Emmanuel Macron cible « les personnes qui n’ont pas envie que le système change parce qu’il est bon pour eux-mêmes ». « Alors oui, on va bousculer les habitudes, alors oui, il y en a à qui ça ne fera plaisir mais ce n’est pas ça qui m’arrêtera », prévient Emmanuel Macron.
Le président de la République a abordé la question de la protection sociale des agriculteurs. Il a promis des améliorations. Les professionnels du monde agricoles auront « les mêmes droits que dans les autres activités ».
En ce qui concerne les aides des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides bios qui n’ont pas été versées par l’État, Emmanuel Macron a chargé le précédent gouvernement. « Il y avait 30 000 dossiers non payés quand nous sommes arrivés, près de 250 millions d’euros, c’est ça la réalité », se défend Emmanuel Macron. Il l’assure : « à la fin de ce premier semestre, nous aurons pleinement épongé tous les retards ».