Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Affaire Benalla: quand les auditions aident le Sénat à se démarquer
Par Véronique MARTINACHE
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Contrastant avec les échanges houleux et les claquements de porte à l'Assemblée nationale, la commission d'enquête du Sénat sur l'affaire Benalla joue la carte des auditions sereines et approfondies, dépoussiérant au passage l'image de la chambre haute.
Les sénateurs avaient affiché d'emblée leur volonté de prendre leur temps, donnant six mois à leur commission des Lois, investie des prérogatives d'une commission d'enquête, pour mener une mission sur l'affaire Benalla, contre un mois seulement à l'Assemblée.
Très vite, il se sont aussi démarqués de leurs collègues députés en programmant les auditions des deux têtes d'affiche Alexis Kohler, secrétaire général de l'Elysée, et Christophe Castaner, délégué général de LREM, que les oppositions ont échoué à obtenir de la majorité à l'Assemblée.
Et pendant que la commission implosait au Palais Bourbon, celle du Sénat poursuivait méthodiquement son travail, sous la houlette affable mais sans concession de son président LR, Philippe Bas, récoltant une brassée d'éloges.
Au Sénat "les portes ne claquent pas, les gens ne passent pas leur vie (...) devant les caméras (...) mais interrogent calmement, courtoisement, tout en étant exigeants dans les réponses, les personnes qu'ils souhaitent auditionner", reconnaissait vendredi le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, représentant d'une majorité qui reste nettement minoritaire au Palais du Luxembourg.
"La commission d'enquête du Sénat travaille de manière beaucoup plus rigoureuse, beaucoup plus professionnelle, beaucoup plus sérieuse", saluait aussi la veille la présidente du Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen, qui avait fait le déplacement au Palais du Luxembourg pour écouter l'audition d'Alexis Kohler.
Pour une fois omniprésents dans les médias, avec en première ligne le très réservé Philippe Bas, les sénateurs jubilent.
"Nous avons l'habitude du pluralisme, nous travaillons comme une chambre de réflexion et nous ne confondons pas nos missions avec celle de la justice. Les auditions ne sont pas des comparutions. Nous ne sommes pas là pour trouver des coupables mais pour établir la vérité et surtout faire des recommandations, des préconisations", expose M. Bas.
"Les crispations, ce n'est pas bon en démocratie", souffle cet ancien secrétaire général de l'Elysée sous Jacques Chirac, dans une critique à peine voilée du blocage à l'Assemblée. Son co-rapporteur, le socialiste Jean-Pierre Sueur, abonde: les députés ont eu "tort" de transformer leur commission d'enquête "en enjeu politique", quand le Sénat ne s'attacherait qu'à trouver la vérité: "Et dans ce combat pour la vérité (...) nous sommes totalement solidaires".
Alors que l'exécutif dispose d'une majorité pléthorique à l'Assemblée, sa faible représentation dans la chambre haute est un facteur dans les débats.
Gérard Larcher, le président LR du Sénat, explique ainsi que "la commission des lois de l'Assemblée nationale procède du fait majoritaire, tandis que celle du Sénat procède de la composition même de notre chambre, avec une tonalité et une liberté qui est sûrement plus grande".
Ce succès du Sénat fournit à point nommé un nouvel argumentaire aux défenseurs des pouvoirs du Parlement.
"En tuant la commission d’enquête de l'Assemblée nationale, Macron va démontrer aux Français l’utilité du Sénat. Décidément l'affaire Benalla aura joué un grand rôle pour faire comprendre les enjeux de la réforme constitutionnelle", a tweeté le député LR Olivier Marleix.
"Heureusement qu’il y a encore le Sénat pour servir de contre-pouvoir et permettre qu’en France il y ait un débat démocratique", a glissé de son côté Philippe Bas.
Alors que les sénateurs s'opposent au projet de réforme des institutions, et notamment la volonté d'accélérer les procédures législative, Gérard Larcher s'est empressé de juger que l'affaire Benalla démontrait le danger qu'il y aurait à diminuer "les droits du Parlement".
M. Larcher est "un excellent connaisseur de l'ancien monde", a répliqué Benjamin Griveaux. Au Sénat, même l'ironie est feutrée.