Affaire Benalla : pourquoi le Sénat a décidé de saisir la justice ?

Affaire Benalla : pourquoi le Sénat a décidé de saisir la justice ?

Le Bureau du Sénat va donc transmettre au parquet les cas d’Alexandre Benalla, Vincent Crase mais aussi ceux d’Alexis Kohler, Patrick Strzoda du général Lavergne. Retour en vidéos sur les « incohérences », « omissions », et « possibles faux témoignages » relevés par la commission d’enquête.
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« J’ai donc décidé (…) de demander au président du Sénat que le bureau de notre assemblée délibère en vue de saisir le procureur de la République de Paris des faux témoignages caractérisés de M. Benalla et des contradictions apparues entre les premières déclarations de collaborateurs immédiats du président de la République sur le rôle de M. Benalla en matière de sécurité » indiquait le 20 février dernier, Philippe Bas, président LR de la commission d’enquête du Sénat lors de la remise du rapport sur l’affaire Benalla.

Un mois plus tard, le Bureau du Sénat a suivi les recommandations de la commission d’enquête en transmettant au parquet les déclarations tenues sous serment par Alexandre Benalla, Vincent Crase, Patrick Strzoda, Alexis Kohler et Lionel Lavergne. De quelles déclarations s’agit-il ?

Le port d’arme d’Alexandre Benalla

Affaire Benalla: pourquoi parle-t-on de parjures en ce qui concerne le port d'arme ?
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Le 19 septembre, devant la commission d’enquête du Sénat, Alexandre Benalla, évoque son autorisation de port d’arme fait selon lui « pour sa sécurité personnelle ».

« Plusieurs éléments concordants conduisent à penser qu'Alexandre Benalla, contrairement à ses affirmations, assurait bien, dans les faits, une fonction de protection rapprochée du chef de l'État » peut-on lire dans le rapport. Les co-rapporteurs évoquent le « permis de port d'arme délivré à la demande de sa hiérarchie » et « la position qu'il occupait en permanence à proximité immédiate du chef de l'État au cours des déplacements auxquels il participait ».

En effet, interrogé par les sénateurs en juillet dernier, Patrick Strzoda, avait estimé qu’il pouvait être « utile » qu’un collaborateur de la présidence dispose d’un permis de port d’arme : « J’ai considéré, là aussi, dans ma responsabilité, de directeur de cabinet en charge de la sécurité du chef de l’État qu’il pouvait être utile dans ces circonstances de déplacements privés qu’il y ait dans l’entourage du président de la République une personne qui ait un port d’arme mais qui est habilitée à l’avoir qui a la formation pour l’avoir. »

Une prise de position en totale contradiction avec les propos sous serment d’Alexandre Benalla, qui a assuré n’avoir « jamais été ni policier, ni garde du corps du président de la République ».

Le 19 septembre, l’ancien chef de cabinet du préfet de police, Yann Drouet, qui était en charge de l’autorisation de port d’arme d’Alexandre Benalla, a une interprétation différente des missions que pouvait exercer Alexandre Benalla. « La préfecture examine en droit les choses. Pour être très clair, ce n’est pas pour sa sécurité personnelle que le port d’arme lui a été octroyé, c’est dans le cadre de ses missions, de sa fonction, donc de la mission qu’on a considérée comme étant une mission de police, de coordination, et du fait qu’il est dans le cadre de ses fonctions – donc ce n’est pas à titre personnel – manifestement exposé à des risques d’agression. » explique-t-il aux sénateurs

Les passeports diplomatiques d’Alexandre Benalla

Affaire Benalla: pourquoi parle-t-on de parjures en ce qui concerne les passeports dipolomatique
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Ses déclarations « donnent à penser qu('il) a délibérément cherché à tromper la commission lors de sa première audition et qu'il a, lors de la seconde audition, tenté de reconstituer les faits afin d'effacer son premier mensonge » relèvent les sénateurs dans leur rapport.

En effet, lors de sa première audition en septembre 2018, Alexandre Benalla avait assuré que ses passeports étaient restés dans son bureau à l’Élysée. Puis, suite aux révélations parues dans la presse, Alexandre Benalla a affirmé que ses passeports lui avaient été « rendus » par un collaborateur de l’Élysée en octobre.

Les co-rapporteurs notent sur ce point qu’« il a refusé d'étayer ses déclarations par des éléments précis et vérifiables (dates et lieux de remise, personnes les ayant remis) et sa version a été fermement démentie par M.Patrick Strzoda, directeur de cabinet du président de la République ».

Les contrats russes de Vincent Crase et Alexandre Benalla

« Je n’avais aucun lien d’ordre professionnel avec une société de sécurité ou de défense », déclare Benalla
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Les enregistrements de Mediapart datant du 26 juillet révèlent qu’Alexandre Benalla s’est personnellement impliqué, y compris dans les montages financiers et alors qu’il travaillait encore à l’Élysée, dans un contrat de sécurité avec Iksander Makhmudov, un oligarque russe proche de Vladimir Poutine.

Une contradiction avec les déclarations sous serment de l’ex-chargé de mission de l’Élysée le 21 janvier devant la commission d’enquête. « Je vais réaffirmer solennellement devant vous que je n’avais aucun lien d’ordre professionnel avec une société de sécurité ou de défense », assurait Alexandre Benalla, distinguant les liens professionnels des liens d’amitié qu’il pouvait avoir. L’ancien collaborateur de l’Élysée précisait n’avoir « jamais rencontré » l’oligarque russe et n’avoir jamais « contribué » ni n’avoir été « intéressé » au « moindre contrat » négocié par son ami Vincent Crase.

Toujours le 21 janvier, interrogé par la commission d’enquête, Vincent Crase confirmait la version d’Alexandre Benalla : « Il n’est jamais intervenu dans les négociations autour de ce contrat, dans la signature de ce contrat. ».

Le 21 janvier dernier, lors de son audition au Sénat, sous serment, Vincent Crase déclarait aussi « ne plus avoir de contact avec Alexandre Benalla car son contrôle judiciaire le lui interdit », ajoutant qu’il apprenait des nouvelles « en lisant la presse ou en regardant la télé ».

Les sénateurs observent que des éléments, « s'ils sont avérés », notamment des enregistrements sonores révélés par le site d'informations Mediapart, « tendent d'abord à établir l'implication de M. Alexandre Benalla dans la négociation dudit contrat alors que ce dernier était encore en fonction à l'Élysée ».

Ces éléments « pourraient par ailleurs démontrer que M. Vincent Crase, contrairement à ses affirmations, était impliqué dans la recherche d'un nouveau montage financier pour prendre le relais de la société Mars à compter du mois d'octobre 2018. »

« Omissions » « contradictions » et « incohérences » à l'Élysée

Le Bureau du Sénat va également saisir le ministère public » concernant des déclarations du directeur de cabinet du président Macron, Patrick Strzoda, du secrétaire général de la présidence de la République, Alexis Kohler, et du chef du groupe de sécurité de la présidence de la République, le général Lionel Lavergne.

Après auditions de « plusieurs collaborateurs du président de la République », la commission d’enquête avait en effet « mis au jour dans leurs déclarations un certain nombre d'omissions, d'incohérences et de contradictions » de leur part.

« Celles-ci laissent à penser que plusieurs d'entre eux, à savoir (MM. Strzoda, Kohler et Lavergne, NDLR) ont retenu une part significative de la vérité à la commission lors de leur audition, notamment sur le périmètre de la mission de sécurité exercée par M. Alexandre Benalla. »

Alexandre Benalla exerçait-il oui ou non des missions de sécurité ?

Affaire Benalla : pourquoi le Sénat a décidé de saisir la justice ?
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Sur ce dernier point, publicsenat.fr ainsi que bon nombre de sénateurs de la commission d’enquête ont déjà relevé des contradictions. L’association Anticor avait aussi mis en exergue ces propos tenus par Alexis Kohler le 26 juillet. « La sécurité du président de la République est toujours assurée par le commandement militaire ou le Groupe de sécurité de la présidence de la République. Ces services sont exclusivement composés de personnels qui relèvent soit de la police soit de la gendarmerie. Alexandre Benalla (…) n’avait pas de responsabilités les concernant, il n’était pas pressenti pour occuper un poste de responsabilité concernant ces services. ».

Cette version a été contredite 2 mois plus tard avec la communication de la fiche de poste d’Alexandre Benalla à la commission d’enquête. « Au mois de septembre (…) la présidence de la République a reconnu que M. Benalla exerçait bien des fonctions de coordination des services de sécurité » rapporte Philippe Bas.

C'est désormais au ministère public qu’« il appartiendra de procéder aux investigations qu'il jugera opportunes afin de déterminer s'il y a lieu de donner des suites judiciaires à ces déclarations » rappellent les membres de la commission d’enquête.

Pour rappel, la peine encourue pour un délit de parjure (faux témoignage) devant une commission d’enquête est de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende, la peine peut être portée à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende « en cas de circonstances aggravantes ».

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