Affaire Benalla: Philippe et la majorité sonnent la charge contre les sénateurs
"Incompréhensibles et injustes": Édouard Philippe à l'unisson de la majorité a fustigé jeudi les conclusions de l'enquête du Sénat sur l'affaire...
Par Jérémy MAROT
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"Incompréhensibles et injustes": Édouard Philippe à l'unisson de la majorité a fustigé jeudi les conclusions de l'enquête du Sénat sur l'affaire Benalla qui embarrasse l'exécutif, dénonçant un non respect de la séparation des pouvoirs et un rapport "très politique".
Le Premier ministre est monté au front, au lendemain de la publication d'un rapport du Sénat, dominé par l'opposition, qui accable la présidence de la République pour sa gestion du scandale autour d'Alexandre Benalla, ancien proche collaborateur d'Emmanuel Macron.
Pourtant épargné par l'enquête, mais rappelant être "responsable devant le Parlement", le Premier ministre a épinglé à la fois son bien-fondé et sa tonalité, dans une déclaration improvisée sur le perron de Matignon.
"Traditionnellement, la séparation des pouvoirs fait qu'il n'appartient ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat de se prononcer sur l'organisation interne de la présidence de la République", a dit Édouard Philippe, soulignant que la justice était saisie de cette affaire qui "part d'une dérive personnelle".
Le président de la commission des Lois, Philippe Bas (g), les sénateurs Muriel Jourda (d) et Jean-Pierre Sueur présentent le rapport de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla, le 20 février 2019 à Paris
AFP
"La commission d'enquête du Sénat et le Sénat ont choisi de se livrer à une appréciation qui est je crois très politique. Je n'en suis pas surpris mais comme j'ai un attachement très vif et très grand au principe de séparation des pouvoirs, j'en suis un peu déçu", a-t-il encore déploré.
Ce principe a été "scrupuleusement respecté", ont immédiatement répondu le président et les corapporteurs de la commission d'enquête du Sénat, soulignant en retour que "la mission fondamentale du Parlement dans ses pouvoirs de contrôle" doit être "pleinement respectée".
- "Grand serviteur de l’État" -
Si pour l'heure Emmanuel Macron est resté silencieux, le Premier ministre a particulièrement pris la défense du secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, qu'il a connu durant ses études à Sciences-Po. "Un grand serviteur de l’État", a-t-il fait valoir en critiquant des "recommandations incompréhensibles et souvent injustes" des sénateurs.
Les rapporteurs ont demandé au bureau du Sénat de saisir la justice pour vérifier "un certain nombre d'omissions, d'incohérences et de contradictions" relevées lors des auditions des plus hauts collaborateurs du chef de l'État, dont M. Kohler, mais aussi du directeur de cabinet Patrick Strzoda et du chef du groupe de sécurité de la présidence, le général Lionel Lavergne.
Dès mercredi, la ministre de la Justice Nicole Belloubet avait trouvé "curieux qu'une commission d'enquête parlementaire enquête sur les services de l’Élysée". "Constitutionnellement ce n'est pas possible et ce n'est pas possible non pas pour des raisons politiques" mais pour "une question de séparation des pouvoirs", avait-elle tranché sur LCI.
Même ton du ministre chargé des Relations avec le parlement Marc Fesneau, qui estime sur Public Sénat que les sénateurs ont émis "des hypothèses sans apporter la preuve de quoi que ce soit".
- "Torpille politique" -
Le patron de La République en marche, Stanislas Guerini, a de son côté fustigé sur Radio Classique "une sorte de torpille politique qui était fomentée par les sénateurs LR, socialistes" et faite pour "abîmer l'Élysée". Il y voit "un jeu dangereux" dans un contexte de crise des "gilets jaunes".
François Bayrou, président du MoDem, partenaire de la majorité présidentielle, a déploré une "certaine délectation à pointer du doigt" d'éventuelles dérives à l’Élysée. Il a néanmoins jugé que "le pouvoir" devait être attentif à "ce qui doit être corrigé dans la manière dont sont organisées les institutions et leurs pratiques".
Membres de la commission d'enquête, le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner s'est désolé sur BFMTV d'être "le bouc émissaire de l'exécutif". Le Sénat "ne se laissera pas intimider", a réagi le chef de file de Républicains au Sénat Bruno Retailleau.
Pour le député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan (DlF), "le pouvoir panique". Il estime que le Sénat a "sauvé l’honneur de notre démocratie en jouant son rôle de contre-pouvoir pendant que l’Assemblée Nationale a été humiliée par LREM". Une commission d'enquête sur le même sujet à l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle, avait fait long feu.
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.