Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Affaire Benalla : le Sénat va-t-il saisir le parquet pour des témoignages mensongers ?
Par Public Sénat
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« Je rappelle, selon l’usage, qu’un faux témoignage devant notre commission des lois, dotée des prérogatives d’une commission d’enquête, serait passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Je vous invite à prêter serment et à dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dite je le jure ». Depuis la mise en place de la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla, c’est par ces mots que son président Philippe Bas a commencé chacune des 28 auditions.
Par courrier, l’association anticorruption, Anticor s’adresse donc aux deux présidents des deux commissions d’enquête parlementaires, Yaël Braun-Pivet à l’Assemblée nationale et Philippe Bas au Sénat, pour leur demander d’exercer ce droit de saisine du parquet. Depuis le début des auditions, Anticor a relevé plusieurs témoignages « susceptibles d’être mensongers » dont la plupart concernent la commission du Sénat.
Selon l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958, la possibilité de saisir le parquet peut être exercée sur « requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du Bureau de l'assemblée intéressée ».
Une décision sera arrêtée « une fois que le rapport sera terminé » répondent les co-rapporteurs
Contactés par publicsenat.fr, les co-rapporteurs de la commission d’enquête, Jean-Pierre Sueur et Muriel Jourda, indiquent qu’une décision sera arrêtée « une fois que le rapport sera terminé », soit dans les prochaines semaines. Dans l’entourage du président Philippe Bas, on rappelle également qu’il n’a jamais été exclu de procéder à de nouvelles auditions si cela s’avérait nécessaire à leurs travaux.
Par le passé, un faux témoignage sous serment devant une commission d’enquête du Sénat, a déjà entraîné une condamnation au pénal. Le pneumologue, Michel Aubier a été condamné en première instance par le tribunal correctionnel de Paris à 6 mois de prison avec sursis et 50.000 euros d'amende pour avoir menti, sous serment.
Alexandre Benalla portait-il une arme dans l’exercice de ses missions à l’Élysée ?
C’est la première contradiction que nous avions nous-mêmes relevée le 12 septembre dernier (voir notre article). Auditionné par le Sénat, le commandant militaire de la présidence de la République, Eric Bio-Farina déclare : « Est-ce qu’Alexandre Benalla portait son arme dans le cadre de ses missions à l’extérieur ? Personnellement, moi je ne l’ai jamais vu ».
Or, le 25 juillet, Eric Bio-Farina ne disait pas la même chose devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : « Je l’ai vu porter une arme, bien sûr, dans le cadre de certaines de ses missions. Je savais qu’une autorisation de port d’arme lui avait été délivrée et donc qu’il portait son arme de manière réglementaire. ». Eric Bio-Farina a donc changé de version en l’espace de deux mois.
Mais c’est surtout, Alexandre Benalla lui-même, qui, par ses déclarations devant la commission d’enquête, met à mal la prestation de serment du commandant militaire. L’ancien chargé de mission indique avoir porté son arme à la ceinture lors des déplacements privés et officiels du chef de l’État « trois fois en un an ». « Si j’avais mon arme à la ceinture et que le Président n’était pas très loin, le siège (l’Élysée) en était informé » précise-t-il.
Cette dernière phrase contredit également la version de Patrick Strzoda, directeur de cabinet du président de la République, qui affirmait aux sénateurs en juillet dernier : « Je précise qu’il (Alexandre Benalla) ne portait jamais d’arme en déplacement public ».
Alexandre Benalla a-t-il été sanctionné ou simplement suspendu après les évènements du 1er mai ?
C’est un point sur lequel insiste l’association Anticor. « Plusieurs responsables de l’Élysée ont dit devant la commission d’enquête qu’Alexandre Benalla avait été sanctionné après les évènements du 1er mai. Dans la fonction publique, une sanction implique des délais, une procédure, un courrier… Il n’y a eu dans cette affaire aucune sanction, mais une suspension. Patrick Strzoda et Alexis Kohler sont des hauts fonctionnaires. Ils connaissent très bien la différence entre les deux » détaille à publicsenat.fr, Jean-Christophe Picard, président d’Anticor.
Le 25 juillet dernier, Patrick Strzoda affirme devant les sénateurs avoir notifié par écrit à Alexandre Benalla dès le 3 mai, ce qu’il appelle « une sanction ». À savoir « une suspension de 15 jours sans traitement », « une mise à pied », « une exclusion temporaire du service », « une modification de ses missions », « une rétrogradation ». Et de lui préciser « qu’en cas de nouveau comportement fautif, il s’ensuivrait un licenciement ».
Patrick Strzoda ajoute : « M. Benalla a reçu au mois de mai l’intégralité de son traitement, les quinze jours de suspension faisant l’objet d’une retenue sur les droits à congés obtenus au titre de l’année 2017. ». Le lendemain, Alexis Kohler confirme que l’Élysée a « privilégié une retenue sur jours de congé » s’appuyant sur l’article 43 du décret n°86 83 selon lequel un « agent non titulaire suspendu conserve sa rémunération et les prestations familiales obligatoires ».
Alexandre Benalla a lui expliqué aux sénateurs avoir « très mal pris » sa rétrogradation. « J’ai vécu ça comme une humiliation ». Mais pour Anticor, il ne s’agit pas d’une sanction au sens juridique.
Alexandre Benalla exerçait-il oui ou non des missions de sécurité ?
Sur ce dernier point, publicsenat.fr ainsi que bon nombre de sénateurs de la commission d’enquête ont déjà relevé des contradictions, (voir par exemple cet article). L’association Anticor met en exergue ces propos tenus par Alexis Kohler le 26 juillet.
« La sécurité du président de la République est toujours assurée par le commandement militaire ou le Groupe de sécurité de la présidence de la République. Ces services sont exclusivement composés de personnels qui relèvent soit de la police soit de la gendarmerie. Alexandre Benalla (…) n’avait pas de responsabilités les concernant, il n’était pas pressenti pour occuper un poste de responsabilité concernant ces services. »
Le 19 septembre, l’ancien chef de cabinet du préfet de police, Yann Drouet, qui était en charge de l’autorisation de port d’arme d’Alexandre Benalla, a une interprétation différente des missions que pouvait exercer Alexandre Benalla. « La préfecture examine en droit les choses. Pour être très clair, ce n’est pas pour sa sécurité personnelle que le port d’arme lui a été octroyé, c’est dans le cadre de ses missions, de sa fonction, donc de la mission qu’on a considérée comme étant une mission de police, de coordination, et du fait qu’il est dans le cadre de ses fonctions – donc ce n’est pas à titre personnel – manifestement exposé à des risques d’agression. » explique-t-il aux sénateurs (voir notre article).