La réaction du pouvoir exécutif est-elle à la hauteur de l’émotion que provoque l’affaire Benalla ?
Cette affaire partie d’un fait divers ne cesse de s’emballer et de feuilletonner et c’est pire que tout pour l’exécutif car cela donne l’impression que tout n’a pas encore été dit, que des choses sont cachées. Le fait que l’exécutif cherche à minimiser, en ne voulant pas au départ prendre au sérieux cette affaire a été désastreux. C’est le contre-exemple de ce qu’il faut faire en communication politique. Cela nous fait penser à l’affaire Fillon. Quand Christophe Castaner affirme qu’Alexandre Benalla n’était là que pour porter les bagages des Bleus, on est en décalage total avec les faits révélés. Il y a une volonté de nier alors que quoi qu’il arrive c’est désormais une affaire d’État. L’Élysée aurait dû réagir dès le 2 mai, après la révélation de la vidéo. Là-dessus, Emmanuel Macron se trompe en pensant que la bonne réponse est le silence.
Emmanuel Macron doit-il sortir du silence ?
Oui, la communication n’a pas été la bonne depuis le début. Minimiser n’a fait que mettre de l’huile sur le feu. Et le silence de l’Élysée n’a rien arrangé. Pire à ce stade ce silence se retourne contre l’Élysée. C’est même clairement dangereux. On en apprend tous les jours un peu plus, et cela tient en haleine la presse et l’opposition. La meilleure des choses pour l’Élysée serait d’expliquer ce qu’on sait et ce qu’on n’en sait pas. Dire oui ou non si l’Élysée a menti sur la sanction infligée à Alexandre Benalla.
Faire un mea culpa serait la meilleure façon de s’en sortir par le haut, de couper court à l’emballement. L’exécutif aurait tout à y gagner. L’exécutif a tout à y perdre en maintenant une position offensive. Car cela ne fait qu’alimenter les suspicions et les théories du complot. Et donne l’impression que l’Élysée à quelque chose à cacher. La meilleure stratégie serait donc de parler pour tout dire, expliquer ce qu’on sait et dire ce qu’on n’en sait pas. C’est la seule façon pour l’Élysée de mettre un terme à l’affaire.
Quelles seront les conséquences politiques de cette affaire ?
La stature de chef d’État est attaquée. Nous sommes au-delà d’un problème d’exemplarité. L’agenda du calendrier de la réforme constitutionnelle est bousculé. Et cela va laisser des traces dans l’opinion publique. Comment Emmanuel Macron peut-il continuer à défendre un pays de la méritocratie, des premiers de cordée quand cette affaire évoque un collaborateur, petite frappe, protégé par le pouvoir et gagnant bien sa vie ? Cette idée va continuer à infuser dans l’opinion et ressortira à la première réforme, notamment celle des retraites. Il va être compliqué pour Emmanuel Macron de continuer à demander des efforts aux Français.
S'agit-il d'un tournant dans le quinquennat d'Emmanuel Macron ?
Indéniablement. Cette crise politique pourrait faire se fissurer la majorité parlementaire à l’Assemblée. Suivraient alors une crise d’État et une suite de quinquennat plus que compliquée pour Emmanuel Macron déjà à la peine dans les sondages. Le Président français a commis une double faute, politique et morale. Il est en train d’en faire une troisième, sur le plan de la communication. Son silence est actuellement son pire ennemi. Il peut toutefois encore rectifier le tir. Cela suppose prendre la parole et admettre son erreur. En cela l’affaire Benalla est probablement le premier grand tournant du quinquennat Macron : parce qu’elle peut profondément changer le lien qui l’unit aux Français. Soit le président jupitérien présente ses excuses. Soit il prend le risque de perdre durablement la confiance des Français.