Accord sur le Brexit : « Gardons notre calme », appelle le président du groupe de suivi au Sénat

Accord sur le Brexit : « Gardons notre calme », appelle le président du groupe de suivi au Sénat

Jean Bizet, le président (LR) de la commission des Affaires européennes au Sénat, appelle à la « prudence », après l’accord arraché entre les négociateurs de l’Union européenne et les Britanniques sur les conditions du Brexit. Gérard Larcher fait également preuve de retenue.
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À deux semaines de la date programmée de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, et à quelques heures d’un sommet européen, un accord entre les Vingt-Sept et Londres a finalement été annoncé ce 17 octobre. Qualifié de « juste et équilibré » par le négociateur européen, Michel Barnier, l’accord doit assurer un retrait « ordonné » des Britanniques, préférable à une sortie brutale. La longue période d’incertitude, entamée depuis le référendum de juin 2016, est cependant loin d’être finie, même si la Commission européenne se veut rassurante sur l’avenir de la situation des citoyens européens et la protection du marché commun.

Dans de nombreuses capitales européennes, un vent d’optimisme semble souffler dans les chancelleries. Au Sénat, où s’est constitué un groupe de suivi de la sortie du Royaume-Uni il y a plus de trois ans, certains veulent garder la tête froide, à l’image du président de la commission des Affaires européennes, le sénateur (LR) Jean Bizet. « Il faut être extrêmement prudent », souligne-t-il. Premier problème, selon lui, l’adoption de l’accord par les Britanniques est loin d’être gagnée à la Chambre des communes, où le gouvernement de Boris Johnson est minoritaire. « Le compte n’y est pas. Les travaillistes ont décidé de ne pas voter cet accord. Et les 10 parlementaires du DUP, le parti nationaliste nord-irlandais a également dit non », s’inquiète Jean Bizet. La position du principal parti d’opposition n’est pas une surprise. Celle du DUP est bien plus problématique pour la survie de l’accord.

La sénatrice socialiste des Français de l’étranger, Helene Conway-Mouret, qui a vécu plusieurs années en Irlande, appelle le Premier ministre Boris Johnson à faire preuve de « courage et d’audace ». « Ne laissons pas les députés DUP nous prendre en otages pour un combat idéologique d’un autre âge », lâche-t-elle.

« Rien n’est encore certain », selon Gérard Larcher

Ce n’est pas la première fois que le Parlement britannique viendrait doucher les espoirs des Européens. L’ancienne cheffe du gouvernement, Theresa May, avait échoué à deux reprises à ratifier un projet d’accord. Si Gérard Larcher, le président du Sénat, considère le document, établi sous l’égide de Michel Barnier, comme « une bonne nouvelle », il fait également preuve de la même précaution que Jean Bizet. « Restons attentifs au dispositif de l’accord et prudents quant à son devenir. Rien n’est encore certain », prévient Gérard Larcher.

Le contenu même de l’accord n’est pas de nature à provoquer la réjouissance des sénateurs. Premièrement, c’en est terminé du « backstop », le filet de sécurité qui permettait au Royaume-Uni de rester dans l’union douanière européenne, dont ne voulait pas Boris Johnson, car celui-ci portait atteinte à la politique commerciale de son pays. Or, le backstop était considéré comme « la seule solution viable » par les sénateurs, sur une île où le retour d’une frontière physique entre deux États n’est pas envisageable. L’accord noué ce jeudi imagine, à la place, un double régime complexe de droits de douane pour l’Irlande du nord qui s’appliquera à l’arrivée des marchandises extra-européennes. Suivant leur destination finale – l’Union européenne (la République d’Irlande par exemple) ou le Royaume-Uni (l’Irlande du nord), les produits se verront appliquer des droits de douane européens ou britanniques.

Craintes d’un dumping économique du Royaume-Uni

L’Irlande du nord restera par ailleurs dans le cadre de certaines règles européennes. De nombreuses négociations techniques doivent encore préciser ce régime hybride, et qui sera réexaminé périodiquement par les autorités nord-irlandaises.

Moins commentée, le contenu de la nouvelle « déclaration politique » inquiète également le sénateur Jean Bizet. Ce document, lui aussi remodelé, va servir de base aux futurs accords qui seront négociés entre l’UE et le Royaume-Uni pour définir un nouveau cadre de relations, notamment commerciales. Il est question d’un accord « sans droits de douane ni quotas », mais les Européens veulent une concurrence équitable avec les Britanniques. Et là, ce n’est pas gagné. « Nos amis britanniques ont choisi précisément de faire du dumping fiscal, social et environnemental pour être plus agressifs, plus agiles sur les marchés internationaux », relève Jean Bizet. « À l’époque avec Theresa May, il y avait eu un accord de level playing field [un terrain de jeu égal], un modus vivendi d’un comportement homogène où les règles, les normes devaient être les mêmes. Là, il faut être extrêmement prudent. Un accord rapique pourrait cacher ensuite un comportement différent et agressif » selon lui.

Et si cette longue séquence de la préparation du Brexit n’était pas encore achevée ? « S’il n’y a pas d’accord satisfaisant, attendons-nous à une demande d’un report supplémentaire », préfère conclure le président de la commission des Affaires européennes.

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