La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
A Saint-Denis, fin de campagne d’Emmanuel Macron sur les terres de Mélenchon
Par Public Sénat
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Faire campagne jusqu’au bout. Au lendemain du débat d’entre-deux-tours, Emmanuel Macron est de retour sur le terrain. Direction Saint-Denis, au nord de Paris, pour un double message : envers la gauche et les quartiers populaires. Manière encore une fois de marquer sa différence avec Marine Le Pen.
Dans le département de Seine-Saint-Denis, Emmanuel Macron n’est pas en terrain conquis. Jean-Luc Mélenchon caracole en tête au premier tour, avec 49,09 %. Il atteint même les 61 % dans la ville où sont enterrés les rois de France. Sur la place de la mairie, qui jouxte la basilique de Saint-Denis, le candidat est accueilli par le maire Mathieu Hanotin, socialiste et ancien directeur de campagne de Benoît Hamon, en 2017. Soit, à l’origine, l’aile gauche du PS. Après avoir soutenu Christiane Taubira puis Anne Hidalgo, il a appelé à voter pour le candidat d’En Marche au second tour.
« Il veut marquer le terrain »
Le candidat ne s’attarde pas à l’intérieur de la mairie. Il est venu ici faire des images. La communication politique ne passe pas que par la parole. Lui d’un côté de la barrière, la foule de l’autre, il se lance dans un bain de foule à rallonge, comme il en a pris l’habitude depuis le premier tour. Ça se bouscule sérieusement pour tenter d’approcher le candidat.
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Sur la place, des opposants font entendre leurs voix. « On est là ! » « Président des riches ! » scandent certains, ou encore « Macron éborgneur ! », en référence au maintien de l’ordre, notamment lors de la crise des gilets jaunes. « Macron Président ! » rétorquent les sympathisants présents, comme Christophe, 67 ans, qui le « soutient depuis des années ». Il était évidemment devant sa télé hier soir pour le débat. « Il avait la stature d’un homme d’Etat, face à une candidate très approximative et populiste », dit-il. « Mais dimanche, rien n’est joué », met en garde Catherine, à ses côtés. « Il veut marquer le terrain, pendant que Marine est en train de se reposer », analyse encore un habitant.
« Macron dégage ! Le Pen aussi ! »
Des adolescentes n’arrivent pas à l’atteindre. « Il est où ? Je ne le vois pas ! » Elles tentent un « Macron Président » pour attirer son attention. « Le Pen à la poubelle ! » lance une autre. « Comme il n’est pas venu, en punition, je vote blanc », rigole un homme d’un âge certain. « Tu votes blanc, tu votes Marine », le met en garde, sérieusement, sa voisine. D’autres paroles moins aimables se font encore entendre : « Tu mens, margoulin ! » « Macron dégage ! Le Pen aussi ! »
Jerry est lui venu « par curiosité ». Il n’avait « jamais vu en vrai » le Président. Au premier tour, son bulletin est allé au leader insoumis, au second, ce sera le chef de l’Etat. Dans la foule, certains engagent la conversation. « Pourquoi on doit se battre plus que les autres Français ? On doit avoir les mêmes droits que tout le monde », dit une jeune fille à la peau noire. Une autre est inquiète :
Ce n’est absolument pas anodin, ce qui s’est passé avec le vote Zemmour. Dans 5 ans, on pourrait en reparler.
« Je trouve ça un peu gros »
Syphax, 30 ans, a aussi voté Mélenchon, mais il votera « Macron au deuxième tour, car il n’y a pas le choix ». Charline, étudiante de 19 ans à la Sorbonne, a elle encore en tête « la loi Sécurité globale. C’était pas possible ». Elle dit : « Darmanin, on l’a tous dans le nez ». Pour Charline, « l’écologie devrait être une priorité ». Elle aussi a voté Mélenchon. Elle « hésite à voter ». Mais dimanche, elle votera quand même Macron, « pas le choix ».
Dalila, 56 ans, reste circonspecte sur ce déplacement dans cette ville populaire, à trois jours du second tour. « Il vient draguer les électeurs de Mélenchon et de Roussel, mais pour moi, c’est ni l’un ni l’autre », lance la femme, membre de la CGT et électrice du communiste Fabien Roussel au premier tour. Elle ajoute : « Il est là pour les riches, les actionnaires, mais pas pour les personnes qui souffrent ». Regardez :
« Je trouve ça un peu gros », confirme un peu plus loin Véronique, 58 ans et sans emploi, qui a voté Pécresse – « un vote inutile vu le score qu’elle a fait ». Au deuxième tour, elle pense « mettre un bulletin blanc. On est jeudi, et je ne sais pas ». « Il faut absolument qu’il s’occupe des quartiers défavorisés », ajoute Véronique.
Macron s’engage sur « quartier 2030 » pour une « démultiplication des moyens »
Ça tombe bien, c’est le thème du déplacement. Le candidat échange avec des responsables associatifs de la ville, puis du monde sportif. Avant de venir parler à la presse, Mathieu Hanotin bien en vue, à ses côtés. « Si je suis venu ici, c’est pour envoyer un message de considération et d’ambition à tous les quartiers populaires », « trop souvent stigmatisés », lance Emmanuel Macron, « l’ensemble des gens qui habitent dans nos quartiers populaires sont une chance pour notre République ». Sans citer Marine Le Pen, le candidat explique qu’« on ne résout pas les problèmes en séparant une partie de la population ». Il cite ses réformes passées et met sur la table un « engagement » : s’il est réélu, il lancera un plan d’investissement, « quartier 2030, de démultiplication des moyens », notamment pour la petite enfance et l’école (lire aussi notre article sur ses propositions).
Si la rénovation urbaine est passée de 5 à 12 milliards d’euros dans le pays, il reconnaît que « ça va trop lentement encore ». Et de pointer le problème de l’habitat indigne. Quelques minutes avant, le maire lui a parlé d’un immeuble aux fenêtres murées, juste devant la mairie. « Des gens habitaient ici jusqu’en 2016 », « on est en 2022, on vient de finir les acquisitions », raconte Mathieu Hanotin devant ce « symbole ». « C’est un immeuble qui menace vraiment de s’écrouler », « on va le détruit et reconstruire ».
Un maire socialiste qui se pousse un peu du col, devant les journalistes. S’il rappelle ses « différences » avec Emmanuel Macron, il entend avancer pour sa ville avec l’Etat, « dans une optique partenariale ». Le plan « Marseille en grand » est dans les esprits.
Macron enfile des gangs de boxe, envoie quelques crochets du droit, puis du gauche
En cette fin de campagne, Emmanuel Macron a encore besoin de ces signaux envoyés à la gauche, après celui envoyé aux écologistes lors de son meeting à Marseille. Interrogé sur les propos de Jean-Luc Mélenchon, qui se rêve en premier ministre de cohabitation, Emmanuel Macron répond que « ce n’est pas à la veille de la demi-finale qu’on fait la feuille de match pour la finale ». Comme si le second tour n’était pas justement la finale… Si les Français lui font encore « confiance », il « choisira » son premier ministre en « regardant la chambre qui sort » des législatives. Mais quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron l’assure : « Ma responsabilité sera de tirer les conséquences » du résultat du « 24 avril ». Il ajoute, sans en dire plus : « Je ne peux pas continuer comme avant ». Avant de partir, le candidat rappelle que « rien n’est joué » pour dimanche.
Emmanuel Macron se dirige vers sa Citroën DS7, peinture et jantes noires, prête à partir. Le candidat voit la foule, à l’autre bout, qui l’interpelle. Il y fonce. « A non, c’est pas vrai… » stresse un membre de son équipe de campagne. Sa sécurité est sur les dents. Après avoir contourné un premier niveau de barrières, il claque et serre encore des mains (voir vidéo ci-dessus, images Cécile Sixou). Un dernier bain de foule pour la route, avant un tout dernier déplacement demain, à Figeac, dans le lot. Il lève le bras, salue. Cette fois, Emmanuel Macron monte pour de bon dans sa voiture. Le cortège file vers un stade de la ville, où Emmanuel Macron enfile des gangs de boxe. Il envoie quelques crochets du droit, puis du gauche. Mais pas en même temps. Encore une image. Pendant ce temps-là, la foule s’est dissipée devant la mairie. Un homme s’énerve du cirque médiatique : « Les trafiquants n’ont pas peur de la visite du Président. A 200 mètres, ils continuent leur trafic pendant ce temps là… »