Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
2016: la Loi travail, une longue guerre des nerfs
Par Bertille OSSEY-WOISARD, Juliette COLLEN
Publié le
Dernière réforme sociale du quinquennat Hollande, la loi travail est née au forceps en août 2016 au terme du plus long conflit social jamais vu sous un gouvernement de gauche et d'affrontements politiques qui ont déchiré la majorité.
Jugée trop libérale par ses détracteurs, la réforme du Code du travail a connu un parcours tumultueux, avec 13 journées de mobilisation marquées par des violences, l'émergence de "Nuit debout" et les recours à l'article 49-3 pour la faire adopter sans vote au Parlement.
Le feuilleton commence le 17 février lorsque la ministre du Travail, Myriam El Khomri, dévoile dans la presse les grandes lignes de l'avant-projet de loi, présenté comme un moyen d'améliorer la compétitivité des entreprises et favoriser l'emploi.
Parmi les mesures phares: la primauté des accords d'entreprise sur les conventions de branche pour le temps de travail, le plafonnement des indemnités prud'homales, le référendum dans les entreprises, la modulation du temps de travail dans les PME sans accord collectif et la clarification des motifs de licenciements économiques, rajoutée à la dernière minute.
Le Medef applaudit. Mais le PS, déjà déchiré par le débat sur la déchéance de nationalité, est embarrassé et les syndicats sont très hostiles à un texte qui risque, selon eux, d'augmenter les licenciements et la précarité.
Même la CFDT, qui a jusque là soutenu les réformes du quinquennat, proteste.
La riposte s'organise. Le 23 février, dix syndicats et organisations de jeunesse se réunissent au siège de la CGT pour "faire bouger le texte". Un appel à grèves et manifestations est lancé pour le 9 mars dans toute la France, le premier d'une longue série. Une pétition recueille plus d'un million de signatures, un record.
Matignon fait un geste: il reporte la présentation du projet en conseil des ministres, le temps d'une concertation. Le 14 mars, Manuel Valls recule sur le plafonnement des indemnités prud'homales, le temps de travail des apprentis mineurs, et atténue la réforme du licenciement économique.
- 'Dumping social' -
Ces amendements douchent les espoirs du patronat, qui demandera en vain le retour à la première version. Mais la CFDT est rassurée, et n'aura dès lors de cesse de soutenir un projet porteur de "progrès".
En revanche, sept organisations, dont la CGT, FO et l'Unef, réclament le retrait du texte.
Le 31 mars, la mobilisation atteint son apogée, réunissant entre 1,2 million (syndicats) et 390.000 personnes (police) dans les rues du pays, et donne naissance à un mouvement populaire éphémère, "Nuit debout".
Le marathon parlementaire démarre début avril. Dans la majorité, la philosophie même du texte divise, mettant en lumière deux gauches "irréconciliables": la primauté de l'accord d'entreprise est dénoncée comme une "inversion de la hiérarchie des normes", porteuse de "dumping social". Manuel Valls reste inflexible et doit dégainer le 10 mai le 49-3 en première lecture, échappant, à deux voix près, à une motion de censure déposée par des frondeurs.
La contestation monte alors d'un cran avec des grèves de routiers, cheminots, centres de déchets, raffineries... juste avant l'Euro de football début juin. Le pays n'est pas pour autant bloqué et, à coup de concessions sectorielles, le gouvernement parvient à éteindre les grèves.
La guerre des nerfs se concentre dans la rue mais les cortèges sont parasités par des violences, avec des manifestants et policiers blessés, et des dizaines d'interpellations. Le 14 juin, les dégradations contre l'hôpital parisien Necker-Enfants malades marquent les esprits.
Invoquant ces violences, le gouvernement menace d'interdire une nouvelle manifestation dans la capitale fin juin, avant de faire volte-face devant le tollé.
Tout au long du printemps, le climat reste tendu. Des locaux de la CFDT, du PS et de la CGT sont vandalisés.
Le texte est promulgué pendant la trêve estivale, après deux nouveaux recours au 49-3 et une nouvelle menace de motion de censure.
La plupart des décrets, dont ceux sur le temps de travail, sont publiés, la réforme du licenciement économique est en vigueur. Les syndicats ont promis de poursuivre la bataille sur le front juridique, après une dernière manifestation en septembre.