L'ancien président François Hollande était patron du Parti socialiste lors du Mondial-98. Il se souvient d'une "période très heureuse" où l'on pensait pouvoir "dépasser les clivages" mais qui n'a été qu'"une courte parenthèse".
Q: Comment avez-vous vécu la Coupe du monde de 1998 ?
R: "J'étais premier secrétaire du Parti socialiste mais aussi passionné de football et nous étions en cohabitation, donc il y avait un double enjeu: sportif et politique. C'était à Paris que ça se passait, Jospin à Matignon, Chirac à l'Elysée et on sentait bien que le sport allait s'inviter dans ce rapport au sommet de l'Etat. Eux deux et moi-même nous souhaitions tous la victoire de l'équipe de France mais au départ on y croyait quand même assez peu. Parce que l'entraîneur de l'équipe Aimé Jacquet était très critiqué, à tort, les joueurs n'étaient pas regardés comme les meilleurs du monde. Au fur et à mesure de la compétition, on a tous pris conscience que la France pouvait arriver en finale et gagner."
Q: Où étiez-vous le soir de la victoire ?
R: "J'étais au Stade de France. On était dans de tels souvenirs: ce n'était jamais la France qui gagnait, on disait toujours +c'est les Allemands qui gagnent dans ce sport et si ce n'est pas les Allemands, c'est les Brésiliens+. On doutait de nous-mêmes. C'est pour ça que la victoire de la France était très importante parce qu'elle en a fini avec la fatalité de l'échec."
Q: Quelle image forte gardez-vous ?
R: "C'était les blacks-blancs-beurs. Pour la première fois, il y avait une unité nationale derrière une équipe et même la cohabitation s'était transformée d'une certaine façon en cohésion nationale. Chirac a très bien utillisé l'événement, mais il le faisait avec beaucoup de sympathie. Jospin, qui lui était un vrai connaisseur de football, pensait que sa technique serait reconnue. Ca a été quand même une période très heureuse. C'était la sortie de la crise, la croissance revenait, il y avait l'idée qu'on pourrait dépasser les clivages avec la cohabitation, dépasser les conflits. Ça a été une courte parenthèse. Parce qu'on ne peut pas demander au sport de prendre la place de la politique. Le sport peut parfois offrir une occasion mais après, c'est la politique qui prend le dessus."