La route maritime cruciale qui relie la Méditerranée à l’océan Indien, où transitent chaque année 40 % du commerce international, est devenue ces derniers mois la route de tous les dangers. Ce vendredi, deux navires commerciaux, propriétés de l’armateur suisse MSC, ont été visés par deux missiles. Une attaque revendiquée dans la foulée par les Houthis, un groupe armé qui contrôle une large partie du Yémen, auteur d’une dizaine d’opérations similaires depuis le début du mois d’octobre.
Le 19 novembre, une opération de la milice yéménite avait déjà marqué les esprits. Sur les images filmées par les Houthis et diffusées sur les réseaux sociaux, on voit plusieurs hommes lourdement armés descendre d’un hélicoptère pour détourner un navire. Les 25 membres d’équipage du Galaxy Leader, cargo opéré par une société japonaise et appartenant à un homme d’affaires israélien, sont toujours retenus en otage. Le 9 décembre, c’est une frégate française qui a dû abattre deux drones qui se dirigeaient droit sur elle.
Un pays coupé en deux, plongé dans une crise humanitaire
Né dans les montagnes du nord-ouest du Yémen, un territoire largement chiite alors que la majorité du pays est sunnite, le mouvement houthis est en guerre contre le gouvernement yéménite depuis le début des années 2000. Lors de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003, le parlementaire et chef religieux Hussein Baddredine al-Houthi s’oppose à la collaboration du Yémen avec les Américains et conteste le pouvoir du président en place. Les Houthis développent alors une rhétorique résolument antisémite et anti-Américaine.
Depuis, les Houthis se sont emparés de Sanaa, la capitale du pays, en 2014 et le conflit s’est internationalisé avec l’entrée en guerre d’une coalition menée par l’Arabie saoudite en 2015. Une série de bombardements aériens a fait reculer la milice, qui conserve néanmoins le contrôle de la capitale et de l’ouest du pays, tandis que l’est est dirigé par un gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite. Le pays, déjà le plus pauvre du Moyen-Orient, est plongé dans une grave crise humanitaire : la survie des trois quarts de la population dépend de l’aide internationale.
L’ombre de l’Iran
Depuis les attaques du 7 octobre, le Yémen plongé dans la guerre civile est aussi impliqué dans le conflit entre Israël et le Hamas. Le porte-parole des rebelles houthis, Yehya Sari, a en effet fait savoir que tous les navires à destination des ports israéliens seront empêchés « de naviguer en mer d’Arabie et en mer Rouge, jusqu’à l’entrée de la nourriture et des médicaments dont nos frères de la bande de Gaza ont besoin ».
Car, avec le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, les Houthis font partie des milices de premier plan engagées au sein de « l’axe de la résistance » contre Israël, mené par l’Iran. Ils bénéficient d’ailleurs de l’arsenal très élaboré de ce dernier pour mener leurs attaques : drones et missiles balistiques capables de frapper des cibles mouvantes, missiles de croisière.
En visite en Israël ce 15 décembre, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a affirmé que ces rebelles « représentaient une menace concrète pour une libre navigation » en mer Rouge et que les Américains travaillaient « avec la communauté internationale et leurs partenaires dans la région pour faire face à cette menace ». Depuis février 2021, les Houthis ne figurent plus parmi la liste américaine des organisations terroristes, un statut qui compliquait la réponse à la crise humanitaire au Yémen.