Morocco: Official state visit of the french president Macron

Visite d’Emmanuel Macron au Maroc : « Nous ouvrons une nouvelle page de la coopération »

Emmanuel Macron, accompagné d’une bonne partie du gouvernement, entame, ce lundi, une visite d’Etat de trois jours à l’invitation du roi Mohammed VI. La confirmation d’un réchauffement entre les deux pays, entamé cet été avec la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Simon Barbarit

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C’est une visite qui va officiellement solder de longs mois de crise diplomatique entre la France et le Maroc, entamée à l’été 2021 lors des révélations de la présence du numéro de téléphone d’Emmanuel Macron et de plusieurs de ses ministres sur le listing marocain du système d’espionnage Pegasus (lire notre article).

Lundi, Emmanuel Macron, neuf ministres, Jean-Noël Barrot (Affaires étrangères), Bruno Retailleau (Intérieur), ), Sébastien Lecornu (Défense), Antoine Armand (Economie) et une centaine de personnalités parmi lesquels de grands patrons français, comme Patrick Pouyanné, (TotalEnergies), et Rodolphe Saadé (CMA GGM), sont arrivés à Rabat pour trois jours de visite d’Etat à l’invitation du roi Mohammed VI.

Le tournant français sur le Sahara occidental

Également du voyage, Christian Cambon (LR), le président du groupe d’amitié France-Maroc du Sénat, ne boude pas son plaisir de voir que c’est devant le Parlement Marocain qu’Emmanuel Macron prononcera mardi, un discours très important sur le changement d’orientation de la France sur « la souveraineté marocaine du Sahara occidental ».

Depuis quelques années, cette question, parmi d’autres, avait réduit à peau de chagrin la relation bilatérale entre la France et le Maroc. La diplomatie parlementaire s’était poursuivie mais de manière non officielle. « En 2025, le forum interparlementaire franco marocain pourra de nouveau se tenir. Nous ouvrons une nouvelle page de la coopération pour nos entreprises qui ouvre la voie au reste du continent africain. C’est la suite logique de la lettre d’Emmanuel Macron adressée au roi Mohammed VI, cet été, pour l’anniversaire de 25 années de règne », indique Christian Cambon. La sénatrice socialiste, ancienne ministre déléguée des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret confirme : « Ces dernières années, je voyais mes collègues parlementaires marocains en dehors des instances démocratiques. Je n’étais plus invitée officiellement au Parlement ».

Dans sa missive envoyée fin juillet, Emmanuel Macron estimait que le plan marocain constituait « désormais la seule base pour aboutir à une solution politique » au Sahara occidental. Cette ancienne colonie espagnole, située au sud du Maroc, est en conflit avec le royaume depuis 1975 et revendique son droit à l’autodétermination. Si le territoire est contrôlé de facto par le Maroc, les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie, réclament l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Après des combats entre 1975 et 1991 la conclusion d’un cessez-le-feu prévoyait une consultation sur l’autonomie du territoire.

« Le Président a viré la barre complètement, sans consulter le Parlement »

« La position de la France est d’autant plus importante, qu’elle est membre du conseil de sécurité des Nations Unis. D’autres pays attendaient ce mouvement pour se positionner. C’est le cas du Danemark qui l’a fait cette année. En Europe, plus de 15 pays ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental », appuie Christian Cambon.

« La diplomatie, c’est une continuité. Sur la question du Sahara, le Président a viré la barre complètement, sans consulter le Parlement. De ce fait, la France a perdu sa position d’équilibre qui pouvait faire d’elle un médiateur entre le Maroc et l’Algérie, c’est d’autant plus dommageable que, contrairement à l’Espagne par exemple, nous n’avons pas d’intérêts particuliers dans ce dossier », regrette de son côté, Hélène Conway-Mouret.

« Le Sahara occidental, c’est avant tout une question de respect du droit international. La France a pris officiellement position en faveur du fait accompli en soutenant le Maroc alors qu’elle se prononce, sur d’autres dossiers, en faveur du processus d’autodétermination. Cette lettre d’Emmanuel Macron n’a finalement fait que lever une ambiguïté car la diplomatie française sur ce sujet a toujours penché du côté marocain. Depuis les années 70, la France n’a jamais voulu renforcer le pouvoir algérien », explique Adlene Mohammedi, chercheur et enseignant en géopolitique.

Depuis cet été, le rapprochement de la France avec le Maroc sur ce dossier a logiquement refroidi les relations avec l’Algérie et conduit au retrait de son ambassadeur à Paris et a diminué sa représentation diplomatique. Lancés en 2022, les travaux de la commission mixte des historiens algériens et français destinée à « mieux se comprendre et réconcilier les mémoires blessées » ont été gelés. « Cette visite au Maroc n’est pas tournée contre l’Algérie dont on ne peut pas se passer de la coopération », assure Christian Cambon.

« C’est une lecture angélique de percevoir le Maroc comme un hub économique »

« Les relations avec l’Algérie et le Maroc sont utilisées à des fins de politiques intérieures ici comme là-bas. En France, quand on veut flatter la droite et l’extrême droite, on a tendance à se rapprocher du Maroc, une monarchie stable avec des perspectives économiques intéressantes, et s’éloigner de l’Algérie, dont le pouvoir souffre de problème de légitimité et avec qui on n’arrive pas à régler les questions mémorielles », observe Adlene Mohammedi.

Il ajoute : « C’est une lecture angélique de percevoir le Maroc comme un hub économique qui offre des perspectives vers l’Afrique occidentale tandis que l’Algérie serait une sorte de RDA. Les deux Etats sont isolés sur le continent. La normalisation des relations entre le Maroc et Israël par exemple, est très mal perçue à l’échelle régionale mais aussi par l’opinion publique marocaine qui l’a manifesté dans les rues. Quant aux relations économiques, elles sont également très importantes avec l’Algérie qui a augmenté, cette année, considérablement ses exportations hydrocarbures vers la France ».

La France est le premier investisseur étranger au Maroc avec près de 1 000 entreprises, dont la quasi-totalité du CAC 40, en concurrence avec la Chine et l’Espagne. Airbus Helicopters pourrait vendre 12 à 18 Caracal aux Forces armées marocaines à l’occasion de la visite, selon des sources concordantes. Le Maroc accueillera aussi la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2025 puis la Coupe du monde de foot en 2030, autant d’occasions pour la France de proposer son expertise après les JO de Paris, notamment en matière d’infrastructures.

Immigration : « Il y aura des annonces de bonne coopération »

Un autre dossier va rythmer les échanges de ce voyage diplomatique à Rabat, celui de l’immigration. La stratégie visant à réduire de moitié l’octroi de visas pour les Marocains, Algériens et Tunisiens, menée, en 2021, par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait empoisonné les relations diplomatiques avec les pays du Maghreb. En décembre 2022. La cheffe de la diplomatie de l’époque, Catherine Colonna s’était alors rendue à Rabat pour annoncer en personne la fin de cette restriction et tenter de renouer avec le Royaume.

A peine arrivée en poste, le viol et le meurtre de l’étudiante Philippine par un Marocain sous OQTF, avait conduit le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau à viser particulièrement le royaume chérifien en précisant qu’en 2023, 238 000 visas avaient été accordés aux ressortissants marocains pour seulement 1 680 retours forcés sur leur sol. « Si vous ne nous délivrez pas plus de laissez-passer consulaires pour expulser vos ressortissants délinquants, de notre côté, nous délivrerons moins de visas à l’ensemble de vos ressortissants », avait-il prévenu. Le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita avait répondu que Rabat n’avait « pas à recevoir de leçons » en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Ces derniers jours, Bruno Retailleau a mis de l’eau dans son vin en annonçant la nomination d’un « missi dominici qui aura cette obsession de faire avec des pays tiers, des pays d’origine, des pays de transit, des accords bilatéraux », en prenant soin de citer le Maroc comme « un pays sûr », « un grand pays ami », où l’on peut « accélérer un certain nombre de réadmissions ». « Cette crise des visas est quasiment réglée. Bruno Retailleau aura une rencontre bilatérale avec son homologue et à l’issue, il y aura des annonces de bonne coopération », assure Christian Cambon.

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