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« Unité nationale » palestinienne : quels sont les enjeux de l’accord entre le Hamas et le Fatah ?

Alors que Joe Biden souhaitait une « Autorité palestinienne revitalisée » pour préparer le futur de Gaza, les différentes formations politiques palestiniennes ont trouvé un accord pour aller vers « l’unité nationale ». Les chances de succès de l’accord sont néanmoins incertaines.
Henri Clavier

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Le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a annoncé ce 23 juillet la conclusion d’un accord entre le Hamas, le Fatah et 12 autres formations politiques palestiniennes posant les bases d’un « gouvernement intérimaire de réconciliation nationale ». Réunis à Pékin, les négociateurs du Hamas, qui tient la bande de Gaza, et du Fatah qui dirige l’Autorité palestinienne font de « l’unité nationale » la clé de la résolution du conflit israélo-palestinien. Un accord qui fait écho à la proposition de Joe Biden, formulée en novembre, qui plaidait pour la réunification de Gaza sous le contrôle d’une « Autorité palestinienne revitalisée ».

Si l’accord propose effectivement de réunifier les territoires palestiniens, cette initiative ne correspond pas vraiment aux aspirations de l’administration américaine pour résoudre le conflit. Le gouvernement israélien, par la voix de son ministre des affaires étrangères d’Israël Katz, a immédiatement fait connaître la position de l’Etat Hébreu sur le sujet : « Cela n’arrivera pas car le Hamas sera écrasé et Abbas observera Gaza de loin ».

Un accord pour un « gouvernement intérimaire de réconciliation nationale »

Depuis les accords d’Oslo de 1993 et la reconnaissance de l’objectif d’une solution à deux États, la gouvernance sur les différents territoires palestiniens n’a cessé de se fragmenter. L’Autorité palestinienne, chargée d’administrer les territoires, a progressivement perdu en légitimité sous la présidence de Mahmoud Abbas, leader du Fatah. Tel qu’il est proposé, l’accord doit permettre d’unir les différentes formations palestiniennes. « C’est présenté comme un « accord d’unité nationale » par les protagonistes. L’objectif des négociations était de restaurer une unité nationale palestinienne dans la perspective de l’établissement d’un « gouvernement intérimaire de réconciliation nationale ». Habilement, c’est censé reprendre une proposition américaine formulée par Joe Biden en janvier 2024 d’une gouvernance palestinienne « revitalisée » qui aurait autorité à la fois sur Gaza et la Cisjordanie, mais cette hypothèse ne prévoyait évidemment pas la participation du Hamas classé comme organisation terroriste aux Etats-Unis ainsi que par l’Union européenne », analyse David Rigoulet-Roze, chercheur à l’IRIS et rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques.

Si l’objectif de Joe Biden était bien de regrouper la gouvernance de Gaza et de la Cisjordanie, la participation du Hamas était exclue. Par ailleurs, du point de vue américain la formule visait également le remplacement de la figure tutélaire du Fatah et de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas dont la légitimité est fortement entamée. A 88 ans, l’ancien lieutenant de Yasser Arafat ne dispose plus de sa légitimité d’antan. La corruption, le népotisme, le report des élections en 2021 et une gouvernance inefficace marginalisent la position du Fatah comme défenseur de l’unité palestinienne. En mars, l’autorité palestinienne a nommé un nouveau Premier ministre, pour essayer de donner corps à la solution américaine.

Un accord sur fond de lutte pour l’hégémonie entre le Hamas et le Fatah

Depuis 2007 et l’élimination des cadres du Fatah à Gaza, le Hamas et le parti de Mahmoud Abbas ont tenté, à plusieurs reprises, d’opérer un rapprochement. Les tentatives de 2011, 2014 et 2022 n’ont pas abouti à des résultats concrets. « Les choses ont largement évolué depuis le 7 octobre dans la mesure où, depuis le lancement de l’opération militaire israélienne, le Hamas se trouve laminé militairement et joue sa survie politique. Il y a désormais de la part du Hamas le développement d’une stratégie habile en prônant l’idée ambiguë d’un « gouvernement intérimaire inclusif » susceptible de se poser comme interlocuteur unique. De la part du Hamas, il y a d’une certaine manière une forme d’« entrisme » qui lui permettrait de survivre politiquement », estime David Rigoulet-Roze.

Alors que la popularité du Fatah décroît en Cisjordanie depuis le 7 octobre et que la colonisation progresse, la légitimité du Hamas en Cisjordanie et dans les territoires occupés par l’armée israélienne se renforce. « On voit que le 7 octobre a réactivé tous les débats latents, notamment concernant le désir de réunification de Gaza et de Ramallah, la revendication d’une représentativité politique plus inclusive et la relance d’un processus politique quel qu’il soit », écrivait Xavier Guignard, chercheur indépendant pour le centre Noria et spécialiste de l’Autorité palestinienne, dans une note pour l’Institut Montaigne. Cette nouvelle initiative politique pourrait d’ailleurs permettre au Hamas de faire l’unité sur son nom. « Dans les attendus de l’accord, il y a la perspective de futures élections présidentielles et législatives », rappelle David Rigoulet-Roze. Une manière pour le Hamas de s’assurer une autorité politique au-delà de la bande de Gaza. Malgré l’accord, qui permet également au Hamas et au Fatah de ne pas se délégitimer vis-à-vis des autres formations politiques palestiniennes, la lutte pour l’hégémonie dans la défense de la cause palestinienne reste la clé.

Une solution rejetée par Israël

Une stratégie risquée, dans la mesure où elle rencontre l’opposition catégorique du gouvernement Israélien. Pire, elle accrédite la position de Benyamin Netanyahou qui, mi-décembre, renvoyait le Hamas et le Fatah dos à dos. « Gaza ne sera ni le Hamastan ni le Fatahstan », déclarait le Premier ministre israélien. « Au lieu de rejeter le terrorisme, Mahmoud Abbas étreint les meurtriers et les violeurs du Hamas », déclare désormais Israel Katz. « Le Fatah risque de faire les frais de cette stratégie en relativisant quasi définitivement toute forme de crédibilité en tant qu’interlocuteur reconnu », souligne David Rigoulet-Roze qui juge que cet accord rend incertain la future gouvernance de la bande Gaza.

« Du point de vue de la Chine, c’est un succès diplomatique incontestable »

Si les futurs effets de cet accord restent très incertains pour le moment, la Chine qui a organisé les négociations s’offre un coup d’éclat diplomatique. La Turquie, l’Egypte ou encore la Russie ont, par le passé, pu héberger des négociations sans que cela n’aboutisse. Surtout, la Chine marque des points dans sa lutte à distance avec les Etats-Unis et se pose en défenseur du Sud global, loin de l’hégémonie américaine. « Du point de vue de la Chine, c’est un succès diplomatique incontestable. Elle se positionne comme un acteur géopolitique majeur, qui se présente comme plus ouvert que les Etats-Unis. Au moment où Netanyahou se rend aux Etats-Unis pour obtenir un renouvellement du soutien américain, c’est effectivement un succès diplomatique majeur pour la Chine », tranche David Rigoulet-Roze.

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