Des soldats israéliens arrivent à Sderot, une ville proche de la bande de Gaza,

Tsahal : comment expliquer le niveau historique de la mobilisation des réservistes en Israël ?

La mobilisation en masse de réservistes en Israël est probablement le prélude à une intervention militaire d’ampleur en préparation. Le spécialiste Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, rappelle que ces chiffres sont inédits depuis la guerre du Kippour en 1973.
Guillaume Jacquot

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L’objectif du cabinet de guerre, formé le 11 octobre par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, est clair : « Détruire » le Hamas, « comme le monde a détruit Daech ». Le chef du gouvernement entend anéantir le mouvement islamiste après ses attaques sanglantes sur le sol israélien le 7 octobre. Dès ce jour l’État hébreu s’est engagé dans l’opération « Sabre de fer », en riposte à l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » du Hamas.

Dans les heures qui ont suivi les attaques terroristes lancées depuis la bande de Gaza, le pays a rappelé 360 000 réservistes, dont 300 000 en l’espace de deux jours. Un chiffre colossal dans une nation qui compte environ 9,7 millions d’habitants, c’est 4 % de la population totale. Le rappel est aussi massif qu’express, il faut remonter cinquante ans en arrière pour retrouver une opération de même ampleur.

Une mobilisation inédite en 50 ans

« Les dernières grandes mobilisations générales, c’était pendant la guerre du Kippour, en 1973, puis la guerre du Liban, en 1982 », rappelle Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) et auteur de Tsahal : nouvelle histoire de l’Armée israélienne (Perrin). Le pays a ensuite connu d’autres mobilisations partielles, après les intifadas ou encore en 2006 au moment de l’intervention contre le Hezbollah, mais jamais dans les proportions de ces derniers jours.

« Le principe de la réserve c’est d’être mobilisable extrêmement rapidement. Douze heures après, vous pouvez être dans votre unité militaire », détaille Pierre Razoux. « Quand ils finissent leur service, les soldats israéliens connaissent leur unité d’affectation. Ils connaissent les gens, les procédures, les habitudes, le matériel, l’armement. » L’armée, constituée en temps ordinaire de 173 000 hommes et femmes, peut donc tripler de volume en l’espace de quelques jours.

Un long service militaire

Le potentiel maximum de citoyens mobilisables n’est pas atteint, puisque Tsahal peut appeler tout citoyen ayant achevé son service militaire obligatoire et jusqu’à l’âge de 40 ans. « Ils ont rappelé à peu près les deux tiers du potentiel total de réservistes, ce qui est énorme », souligne le spécialiste de la FMES, Pierre Razoux. Le service militaire est obligatoire pour les Israéliens juifs à leur majorité, c’est-à-dire 18 ans. L’engagement dure 32 mois pour les hommes, et 24 mois pour les femmes. Ces dernières ne sont pas concernées, si elles sont enceintes ou si elles ont des enfants.

Les rappels concernent également les jeunes Israéliens se trouvant à l’étranger, en année de césure bien souvent après la fin de leurs études entamées dans la foulée de la fin de leur service militaire. La mobilisation concerne en priorité les classes d’âge les plus jeunes, les moins éloignées temporellement de leur formation au sein de l’armée.

« Une grosse opération terrestre qui nécessitera beaucoup de personnels »

Le niveau de la mobilisation décrétée par les autorités préfigure probablement une intervention massive. « L’Etat-major a anticipé une grosse opération terrestre, qui sera très coûteuse en pertes humaines et matérielles et nécessitera beaucoup de combattants », analyse Pierre Razoux. « Les spécialistes estiment qu’il doit rester probablement autour de 30 000 combattants du Hamas, retranchés dans la bande de Gaza. En combat urbain, il faut être à six contre un. L’armée israélienne doit donc engager 180 000 hommes pour reprendre totalement la bande de Gaza. Une fois que le gros de l’opération est terminé, l’armée pourra démobiliser un certain nombre de ses réservistes et en rappeler d’autres », poursuit l’historien.

D’autres fronts nécessiteraient, selon lui, la présence renforcée de militaires pendant l’opération principale : les environs de Jérusalem, la Cisjordanie, la frontière libanaise, le plateau du Golan, le Sinaï, les grandes villes, les bases aériennes et les sites stratégiques.

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