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« Trump veut gagner l’élection présidentielle pour ensuite pouvoir se gracier lui-même »

Ce lundi, la juge Tanya Chutkan a tranché sur la date de l’audience de Donald Trump dans l’affaire de l’assaut contre le Capitole. Le procès débutera le 4 mars 2024, soit la veille du « Super Tuesday », à l’occasion duquel une dizaine de primaires seront organisées dans le cadre de la course à la Maison Blanche. Pour l’historienne et politologue spécialiste des Etats-Unis Nicole Bacharan, Donald Trump jouera son avenir judiciaire lors de l’élection suprême.
Steve Jourdin

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La date du procès de Donald Trump dans l’affaire de l’assaut contre le Capitole est désormais connue. Alors que ses avocats réclamaient une échéance lointaine (avril 2026), la juge a décidé que la procédure débuterait le 4 mars 2024. En quoi cette date est-elle politiquement significative ?

Fixer une date au plus vite était important pour la justice car il n’y a pas de raison judiciaire justifiant de retarder ce procès. L’instruction a été très longue, et le procureur a présenté des arguments convaincants. La juge Tanya Chutkan doit maintenant organiser le déroulé des débats en fonction du calendrier de son tribunal et de celui des autres tribunaux. Elle a bien expliqué qu’il est d’intérêt public que les choses se fassent rapidement, car au regard du contexte électoral les citoyens doivent pouvoir se déterminer en connaissance de cause.

Sans surprise, Donald Trump a dénoncé la décision de la juge et l’a accusée de « détester Trump ». Cela fait partie de sa stratégie de défense ?

Trump a désormais une stratégie évidente. Il sait qu’il est impliqué dans plusieurs procès et qu’il risque la prison. Il sait aussi qu’il ne va pas gagner toutes les procédures. Son objectif est donc de remporter l’élection présidentielle de novembre 2024 afin de pouvoir ensuite se gracier lui-même et mettre fin à toutes les poursuites en cours à son encontre. Certes, en théorie, il n’en a pas le droit, en vertu de la séparation des pouvoirs. Mais cela n’est écrit nulle part ! Il va donc tenter de le faire. Ces annulations arriveront ensuite devant la Cour suprême, qui devra trancher sur la constitutionnalité de la démarche.

Le procès du Capitole aura lieu la veille du « Super Tuesday », est-ce cela aura des conséquences sur le vote des militants républicains ?

Il est encore trop tôt pour le dire. Le « Super Tuesday » est l’une des dates les plus importantes dans le calendrier des primaires. Plusieurs Etats votent le même jour, c’est un évènement important car un grand nombre de délégués est attribué à l’un des candidats à ce moment-là. Très souvent, c’est lors du « Super Tuesday » que l’on connait le candidat final.

A priori, les déboires judiciaires de Donald Trump le renforcent dans son propre camp. Il en fait même un argument électoral, en se présentant comme la victime qu’il faut faire taire à tout prix. Or, lors des primaires, la participation n’est en général pas très forte et seul l’électoral le plus radical se mobilise. Les partisans de Trump ne se laisseront donc pas impressionner par le procès du Capitole !

Il s’agit du premier procès au pénal pour Donald Trump. Il sera aussi jugé le 25 mars à New-York pour des paiements suspects à une ancienne actrice de film X, puis en mai en Floride pour sa gestion négligente de documents confidentiels. Peut-on vraiment imaginer un président des Etats-Unis élu depuis sa prison ?

Légalement, il a le droit de se présenter à l’élection présidentielle malgré les mises en examen. Il peut aussi faire campagne depuis une cellule de prison. On évoque beaucoup l’exemple d’un candidat qui, en 1920 depuis sa cellule avait récolté un million de voix (le socialiste Eugène Debs, ndlr). Il existe donc un précédent.

Il y a actuellement beaucoup de discussions chez les juristes autour du 14e amendement de la Constitution, dont la section 3 dispose qu’un coupable de rébellion ne peut être candidat à aucun poste. Est-ce que cela pourrait s’appliquer à Donald Trump ? Le problème est que le 14e amendement ne précise pas qui impose cette inéligibilité. L’opinion majoritaire chez les juristes est que n’importe quel Etat aurait la possibilité de refuser à Trump le droit de s’inscrire comme candidat. Peut-être que certains Etats le feront, il faudra surveiller cela dans les prochains mois.

Aujourd’hui, peut-on dire que Donald Trump est un justiciable comme un autre ?

La justice essaye aujourd’hui de rappeler qu’il doit être traité comme n’importe quel citoyen, ce que ses partisans et lui-même refusent. Il est d’ailleurs surprenant de voir que son parti est sur la même ligne. Lors du premier débat des Républicains la semaine dernière, six candidats sur huit ont affirmé que, si Trump était condamné, ils le soutiendraient. Trump est vu comme étant au-dessus des lois, et c’est très inquiétant.

Il fait actuellement la course en tête dans les sondages, très loin devant les autres. Une forte partie de l’électorat républicain le soutient fermement, car ils se sentent représentés par lui contre les élites traditionnelles. Trump demeure le porte-drapeau d’une révolte populiste, qui agrège de la colère et du ressentiment. Pour le moment, Trump n’est pas un candidat majoritaire à l’échelle du pays, mais les choses peuvent rapidement changer d’ici l’année prochaine.

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