Ce 17 janvier, le cabinet de sécurité du gouvernement israélien a validé l’accord de cessez-le-feu, conclu avec le Hamas dans la bande de Gaza. Un conseil des ministres doit se réunir dans la foulée pour donner son accord final, qui ouvrira la voie à la libération au début de la trêve dimanche 19 janvier, et la libération le même jour des premiers otages.
Trêve à Gaza : « L’accord reste fragile et n’empêchera pas la poursuite de frappes ponctuelles sur des cibles militaires du Hamas », estime Pierre Razoux
Par Henri Clavier
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Quinze mois après le 7 octobre, un accord de cessez-le-feu pourrait entrer en vigueur d’ici le 19 janvier. Le terrain d’entente trouvé par les négociateurs implique la libération de 33 des 94 otages israéliens, en échange de la libération de près de 1 000 prisonniers palestiniens. L’armée israélienne a déclaré que 34 des otages sont morts. Par ailleurs, l’armée israélienne doit se retirer des zones densément peuplées et se replier dans l’est de la bande de Gaza. Ces éléments concernent la première phase de l’accord qui doit durer 42 jours. La deuxième phase doit permettre « la fin définitive de la guerre », selon Joe Biden, avant une troisième phase destinée à la reconstruction de la bande de Gaza et la restitution des corps des otages tués.
Malgré l’annonce d’hier soir, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou a accusé le Hamas de rajouter des conditions pour mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu. Explications avec Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) et auteur de « Tsahal, histoire de l’armée israélienne » (Perrin). Entretien.
Pourquoi cet accord est devenu possible maintenant ? L’arrivée de Donald Trump au pouvoir ?
L’accord a probablement été rendu possible par les pressions que Donald Trump a exercées sur Netanyahou. Contrairement à l’administration Biden et aux démocrates qui se sentent tenus politiquement d’exprimer leur soutien à Israël, Donald Trump est particulièrement imprévisible et prône une approche purement transactionnelle des relations internationales. Par ailleurs, Donald Trump se dit prêt à discuter avec tout le monde, y compris l’Iran, donc le premier ministre israélien ne peut pas prendre le risque de se couper de son allié américain. Cela explique pourquoi Benyamin Netanyahou est désormais prêt à conclure un accord et lâcher du lest et prendre le risque de se couper de ses ministres les plus extrémistes comme Bezalel Smotrich ou Itamar Ben Gvir. Enfin, les pressions de la population israélienne pour aboutir à une libération des otages expliquent également ce revirement de situation.
Quels points pourraient faire échouer l’accord ?
L’accord reste fragile et n’empêchera pas la poursuite de frappes ponctuelles sur des cibles militaires du Hamas. L’accord de cessez-le-feu paraît assez bien cadré pour les trois prochaines semaines et les échanges d’otages, mais au-delà, il reste relativement flou. Il y a un besoin d’afficher un résultat positif pour l’instant, mais on peut imaginer qu’à la première difficulté Israël reprenne les frappes. Israël ne va pas laisser le Hamas se reconstituer et devrait continuer de frapper les objectifs militaires du Hamas à Gaza de la même manière que Tsahal continue de toucher des objectifs militaires du Hezbollah au sud Liban.
Quelles sont les difficultés liées aux échanges d’otages ?
L’accord de principe porte sur la libération de tous les otages et sur la restitution des dépouilles des otages, mais le Hamas ne sait pas forcément où sont les dépouilles et Israël. Une difficulté porte sur la libération des prisonniers palestiniens. Est-ce qu’Israël va accepter de libérer des leaders politiques comme Marwan Barghouti (leader de la deuxième Intifada et emprisonné depuis 2002) ? C’est une question qui fait débat. C’est sur ce point que de nouvelles difficultés auraient émergées pour la conclusion de la trêve car les deux parties n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’identité des prisonniers à libérer. L’intérêt pour Israël serait de pouvoir compter sur de futurs interlocuteurs pour la future administration de la bande de Gaza. Les Israéliens n’ont pas convaincu les Etats arabes de s’impliquer dans la gestion de la bande de Gaza donc ils pourraient avoir intérêt à libérer des prisonniers qui concurrenceront politiquement le Hamas.
D’autres points comme l’acheminement de l’aide humanitaire pourraient-ils menacer la pérennité de l’accord ?
Même si l’objectif est de faciliter l’aide humanitaire, les détails risquent de poser problème. La logique veut que l’aide humanitaire passe par Rafah, ce qui pose la question de connaître la position d’Israël sur les négociations avec l’Égypte pour savoir qui contrôlera la frontière sud de Gaza. Israël ne fait pas confiance aux Égyptiens sur cette question donc il faudra encore attendre des précisions.
Dès lors peut-on penser que cet accord posera les bases d’une paix durable ?
Je ne vois pas de paix durable entre Israël et le Hamas, une cessation des hostilités peut durer plus ou moins longtemps, peut-être même plusieurs années. Tsahal n’envisage pas de se retirer complètement, c’est la raison pour laquelle l’accord prévoit une zone tampon bien plus large que celle qui existait auparavant. Dans le mode de pensée israélien, ce n’est pas la fin des hostilités juste une pause.
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