Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Toujours sans nouvelles du CETA, le Sénat voit rouge avec le nouveau traité UE-Nouvelle Zélande
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À en juger par l’applaudimètre, l’intervention du sénateur (LR) Laurent Duplomb a largement fait son effet, lors des questions au gouvernement ce mercredi 20 juillet. Des applaudissements prolongés, des bancs de la droite aux communistes, en passant par les centristes et les socialistes, ont montré que son coup de gueule a recueilli un franc soutien parmi ses collègues. « Il a été bon », s’est même permis de glisser Gérard Larcher aux oreilles du secrétaire général du Sénat, le micro encore ouvert.
Sa question, adressée à la Première ministre concernait un accord de libre-échange conclu entre la Commission européenne et la Nouvelle-Zélande le 30 juin, après quatre années de négociations. Le contenu exact des résultats des négociations est encore mal connu mais il suscite une vive inquiétude des producteurs et éleveurs français, notamment dans la filière ovine. Comme un air de déjà-vu, ce type d’accord n’étant pas le premier du genre, les producteurs français dénoncent une concurrence déloyale. Dans l’hémicycle mercredi, Laurent Duplomb s’est fait le relais des préoccupations de toute l’agriculture française. « En nous vantant les bienfaits des clauses miroirs, en rebaptisant le ministère de l’Agriculture en ministère de la Souveraineté alimentaire… Comment pouvez-vous, en même temps, ne pas vous opposer aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande ? » Le parlementaire a notamment dénoncé le fait que l’agriculture néo-zélandaise utilise encore de l’atrazine, un pesticide interdit dans l’Union européenne.
Face à des apostrophes bruyantes, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a tenté tant bien que mal de rassurer les parlementaires. « Nous sommes en train de l’évaluer en détail mais en première analyse, je souhaite vous dire qu’il s’agit un bon accord. » Le texte est, d’après elle, « le plus ambitieux » du genre en matière de développement durable et « protège » les « filières agricoles sensibles » françaises.
Le gouvernement s’engage à présenter l’accord en détail, une fois qu’il sera approuvé au niveau européen
Les sénateurs aimeraient bien en juger par eux-mêmes. L’ennui, c’est que le texte n’a pas à être ratifié en principe par le Parlement français. Il sera soumis à l’approbation du Conseil de l’Union européenne, et du Parlement européen. Ce sera le seul filtre parlementaire, rien n’est prévu à l’échelon national. « Avec Olivier Becht [ministre délégué chargé du Commerce extérieur, ndlr] je m’engage évidemment à venir vous le présenter plus en détail, une fois que cette approbation aura été acquise. »
D’où les réactions vives en hémicycle. Impossible d’être mis devant le fait accompli pour les sénateurs qui réclament depuis plusieurs semaines d’avoir voix au chapitre. Le 1er juillet, la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas (LR), a demandé au gouvernement de soumettre au vote du Parlement français l’accord de libre-échange, « pour ouvrir un débat sur les opportunités induites et les risques sur les marchés agricoles ». Le sénateur communiste Fabien Gay a également envoyé une question écrite au ministre de l’Agriculture pour savoir si le gouvernement comptait passer par le Parlement pour ratifier « cet accord dangereux pour les intérêts des agriculteurs français et pour la souveraineté alimentaire de la France ». Le palais du Luxembourg n’a reçu aucune réponse à ce jour.
La pression parlementaire s’est intensifiée cette semaine. Près de 130 députés ont demandé à la présidente de l’Assemblée nationale un débat suivi d’un vote sur l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande. De nombreux députés de l’alliance de gauche ainsi que des LR (Philippe Juvin et Annie Genevard), ont également été rejoints par des membres de la majorité présidentielle, comme le député MoDem Richard Ramos ou encore Nicole Le Peih (Renaissance).
Le Sénat attend toujours d’être saisi depuis 2018 sur le projet de loi de ratification du CETA
Pourfendeur de ces accords de libre-échange, Fabien Gay compte ne pas en rester à des envois de courriers. « Je suis en train de réfléchir avec mon groupe à une proposition de résolution. Il faut un débat parlementaire », insiste le sénateur de Seine-Saint-Denis.
D’ailleurs, le Sénat attend toujours d’être saisi depuis 2018 sur le projet de loi de ratification du CETA, l’accord économique et commercial qui s’applique déjà pour partie entre l’Union européenne et le Canada. L’Assemblée l’a adopté à l’été 2019. Et depuis, plus rien. Dans le cas du CETA, le passage par les parlements nationaux n’a rien d’optionnel, rappelons-le.
En avril 2021, l’hémicycle du Sénat a donc décidé de rappeler le gouvernement « à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA » (relire notre article). La formule peut paraître polie voire timide, c’est toutefois une conséquence de la Constitution, qui interdit aux assemblées parlementaires de faire des injonctions à l’égard du gouvernement. La résolution a été déposée par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste.
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Lors des débats en séance, Franck Riester, le ministre du Commerce extérieur, avait rétorqué qu’il n’y avait « pas du tout de déni de démocratie » et que le Sénat serait bien « amené à se prononcer ». Les années passent, et le Sénat n’en a toujours pas vu la couleur. « Franck Riester est devenu, entre-temps, ministre des Relations avec le Parlement. Il a en charge l’agenda du Parlement, donc j’espère que le ministre qui expliquait qu’il y avait un problème d’agenda trouve maintenant un moment pour le Sénat », s’impatiente Fabien Gay.
D’ici un hypothétique débat, la commission des affaires économiques du Sénat affûte ses armes. Elle mène actuellement des auditions pour étudier la compétitivité de l’agriculture française à partir de cinq produits (pommes, tomates, blé, lait et poulet). « Les résultats seront parlants […] On établit les causes de nos manques de compétitivité et la naïveté de l’Europe en fait partie », nous annonce l’un des sénateurs. La sortie du rapport est annoncée pour septembre.