Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Tentative d’assassinat de Donald Trump : « Une part croissante d’Américains reconnaît la violence comme un mode d’action légitime »
Par Henri Clavier
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« Je ne devrais pas être ici, je devrais être mort », a déclaré, au New York Post, un Donald Trump triomphant après la tentative d’assassinat ratée l’ayant visé, samedi 13 juillet à Butler en Pennsylvanie. Le tireur, âgé de 20 ans, était un électeur républicain. « Je veux vous parler ce soir de la nécessité de baisser la température de notre vie politique », a déclaré Joe Biden depuis le Bureau ovale. « La violence ne doit pas devenir quelque chose de normal », a-t-il ajouté.
Il s’agit de la première tentative d’assassinat d’un président, d’un candidat ou d’un ancien président des Etats-Unis depuis 1981 et les coups de feu ayant visé Ronald Reagan. Quatre présidents des Etats-Unis ont été assassinés dans l’histoire américaine et seize ont fait l’objet de tentatives.
Des événements, historiquement, structurants de la vie politique américaine qui tendaient à disparaître, même si le recours à la violence politique connaît un regain important depuis quelques dizaines d’années. Après un apaisement relatif de la vie politique américaine après la guerre du Vietnam et la lutte contre la ségrégation et pour les droits civiques, le XXIè siècle marque un retour de la violence politique dans le discours puis dans les actes. Un phénomène qui, ironiquement, doit beaucoup à la stratégie politique mise en place par Donald Trump depuis 2016. « La violence politique aux Etats-Unis n’est pas un phénomène nouveau, les tentatives d’assassinat de présidents ont marqué l’histoire politique américaine, c’est un phénomène de long cours qui ressort et est accentué depuis Donald Trump », explique Alexis Pichard, enseignant en civilisation américaine à l’Université Paris-Nanterre et spécialiste de la politique et des médias américains.
Le XXIè siècle, marqué par le retour de la violence politique aux Etats-Unis
« On observe une augmentation de la violence politique aux Etats-Unis, il y a eu l’attentat d’Oklahoma City en 1995, il y a eu des attaques contre des élus démocrates et républicains dans les dix, quinze dernières années, ou encore des menaces contre des juges de la cour suprême. Il y a toujours eu un fond de violence politique, mais assez groupusculaire », rappelle Lauric Henneton, maître de conférences en civilisation américaine à l’Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Si l’on pense, mécaniquement, à l’attaque du Capitole en janvier 2021 par les partisans de Donald Trump, les événements de Charlottesville, en 2017 où une militante antiraciste avait été tuée par un manifestant d’extrême-droite s’inscrivent dans la logique d’une violence croissante dans la vie politique américaine. En 2022, le mari de Nancy Pelosi, alors présidente démocrate de la Chambre des représentants, avait été agressé à son domicile. Deux ans plus tôt, des militants trumpistes avaient établi un plan visant à kidnapper la gouverneure démocrate du Michigan.
Des exemples qui illustrent que la violence est de plus en plus perçue comme un moyen d’action légitime dans la vie politique américaine. « On a une forme de violence contre le politique, qui est probablement liée, de manière générale, à la polarisation de la vie politique », estime Lauric Henneton. « Dans l’imaginaire américain on répond à la violence par la violence, depuis l’insurrection au Congrès il y a une violence qui s’installe dans la vie politique américaine », abonde Florian Leniaud, doctorant en études nord-américaines à l’Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines.
Le parti républicain de Trump, une rhétorique complotiste et violente
Le rôle de Donald Trump dans la montée de la violence dans la vie politique américaine est central et particulièrement lié à la place accordée par l’ancien président des Etats-Unis à l’alt-right, l’extrême droite américaine. « Avant Trump, le Tea party avait ringardisé le parti républicain avec des positions extrêmes. Avant ça, les idées ultra-conservatrices et violentes étaient à la marge du parti républicain et l’affaire de groupuscules, notamment dans des États du sud. L’institutionnalisation des idées du Tea party au sein du parti républicain, sous l’impulsion de Donald Trump s’est faite par un recours croissant à la violence verbale », pointe Lauric Henneton évoquant la violence des mots utilisés par Donald Trump pour parler des sujets migratoires ou sécuritaires. « Trump multiplie la violence verbale, il s’affranchit d’un certain nombre de limites et son succès auprès des gens qui votaient peu vient en partie de cette attitude, ils ont été séduits par ce discours », continue l’universitaire.
Une évolution profonde du Parti républicain qui induit également des conséquences sur l’ensemble de la société américaine menant à une recomposition de certains clivages politiques. L’une des principales conséquences de cette reconfiguration est une forte polarisation des opinions et un recul des positions « modérées ». « Le discours trumpiste joue pleinement sur les colères, le ressentiment, la haine, il ravive les craintes d’un état profond qui empêcherait Trump d’accéder au pouvoir. Cette rhétorique complotiste donne aux gens le sentiment d’être mis au ban de la société. Dès lors, beaucoup estiment qu’il est légitime de s’exprimer par la violence », pointe Alexis Pichard.
« Il y a une jeune génération qui n’a connu la politique qu’avec Trump, il a façonné leur socialisation politique, pour ou contre lui »
Par ailleurs, le rapport partial aux faits prôné par Donald Trump a permis un fort développement des discours complotistes dans un pays durablement marqué par l’assassinat du président Kennedy en 1963. « Les discours réactionnaires et complotistes sont largement propagés par les médias depuis la fin des années 1990. Cela s’est développé dans des talk-shows, puis sur Fox News. On a aujourd’hui un ensemble de chaînes réactionnaires, comme One America News Network, qui vont jouer sur ces thèmes car ils se rendent compte que ça fait des audiences », détaille Alexis Pichard. « Par ailleurs, il y a une jeune génération qui n’a connu la politique qu’avec Trump, il a façonné leur socialisation politique, pour ou contre lui », souligne Lauric Henneton qui insiste également sur un recours à la violence favorisé par l’accès aux armes à feux et la santé mentale des jeunes américains.
« Les études sur la brutalisation de la vie politique américaine montrent qu’une part croissante d’Américains reconnaît la violence comme un mode d’action légitime »
Cependant, la légitimation croissante de la violence en politique n’est pas l’apanage des électeurs du Parti républicain et imprègne durablement les comportements politiques. Les réactions des soutiens démocrates à la tentative d’assassinat de Donald Trump sont particulièrement éloquentes, beaucoup évoquant une potentielle mise en scène. Le mot-clé #staged (mis en scène) a été largement utilisé sur les réseaux sociaux par des comptes proches des idées démocrates.
Une série d’études menée par Robert A. Pape, professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago, met en lumière la part croissante de l’électorat prêt à faire usage ou à soutenir l’usage de la violence pour des motivations politiques. En avril 2023, 12,5 % des électeurs américains se disaient prêts à soutenir des actes violents contre des membres du Congrès ou des représentants du gouvernement américain. Un pourcentage en progression où la part d’électeurs républicains est à peine supérieure à celle des électeurs démocrates. « Les études sur la brutalisation de la vie politique américaine montrent qu’une part croissante d’Américains reconnaît la violence comme un mode d’action légitime, notamment des partisans les plus radicaux », confirme Lauric Henneton, précisant tout de même que les motivations sont très différentes en fonction du camp politique. 10 % des électeurs américains, selon un sondage réalisé entre le 20 et le 24 juin 2024 par le Chicago Project on Security & Threats, seraient favorables à un recours à la force pour empêcher Donald Trump de revenir à la Maison Blanche.
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