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Sommet sur la paix : « En proposant à la Russie de participer, l’Ukraine ne signale pas qu’elle est prête à céder sur les frontières »

Le président ukrainien a ouvert, pour la première fois, la porte à la participation d’une délégation russe à un sommet pour la paix. Une façon pour Volodymyr Zelensky d’avancer sur plusieurs points cruciaux, de tirer les leçons d’un front enlisé et d’enjamber des élections américaines à haut risque pour l’Ukraine.
Henri Clavier

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Pour la première fois depuis le lancement de l’offensive russe en Ukraine, en février 2022, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a ouvert la porte à la participation de représentants de la Russie à un sommet pour la paix, dans la continuité de celui qui s’est tenu en Suisse, les 15 et 16 juin. « Je pense que des représentants russes devraient participer à ce deuxième sommet » a déclaré Volodymyr Zelensky. « J’ai fixé comme objectif qu’en novembre, nous ayons un plan entièrement prêt », a-t-il ajouté, évoquant un « plan » pour « une paix juste ». 

Dans les premières semaines du conflit, des discussions avaient eu lieu entre les délégations russe et ukrainienne pour envisager un accord de paix. Depuis, l’Ukraine demande le retrait des troupes russes de l’ensemble du territoire national, y compris la Crimée annexée en 2014, avant d’entamer des pourparlers. Par ailleurs, la position de l’Ukraine concernant Vladimir Poutine n’a pas évolué et Volodymyr Zelensky refuse toutes discussions avec son homologue russe estimant que celui-ci doit répondre de ses crimes devant la justice internationale. 

Le Kremlin n’a pas tardé à réagir faisant part de son scepticisme vis-à-vis de la proposition ukrainienne. « Le premier sommet pour la paix n’était pas du tout un sommet pour la paix. Donc, visiblement, il faut d’abord comprendre ce qu’il (Volodymyr Zelensky) entend par là », déclare Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe. Si Vladimir Poutine a récemment affirmé être ouvert à des négociations de paix, ce dernier a posé la reddition de l’Ukraine comme préalable à toutes discussions

Donner suite au sommet pour la paix de juin 

En proposant un « plan pour une paix juste », le président de l’Ukraine reprend les trois points retenus dans le communiqué final de la conférence pour la paix organisée en Suisse, en juin. « Cela correspond à ce que recherche l’Ukraine en organisant des sommets pour la paix, d’abord rassembler autour de sa position puis ouvrir des discussions avec la Russie. Les trois points sur lesquels l’Ukraine propose d’établir un « plan » sont les points qui figurent dans le communiqué final du sommet pour la paix organisé en Suisse », souligne Marie Dumoulin, directrice du programme « Europe élargie » au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR). Les trois points concernent la sécurité énergétique, la libre navigation en mer Noire et la libération des prisonniers. Des points cruciaux pour l’Ukraine dont les infrastructures énergétiques ont été balayées par les frappes russes, par ailleurs la libre navigation en mer Noire est indispensable pour les exportations ukrainiennes. Ces éléments s’inscrivent dans le plan en dix points présenté par Volodymyr Zelensky en 2022 au G20 de Bali. La diplomatie ukrainienne doit d’ailleurs multiplier les initiatives internationales avec une conférence au Qatar sur la sécurité énergétique fin juillet, et sur la liberté de naviguer en mer Noire, en août, en Turquie. 

Si le retrait des troupes russes n’est plus évoqué comme un préalable aux négociations, cela ne signifie pas que Volodymyr Zelensky serait prêt à lâcher les provinces de Donetsk, Louhansk ou Zaporijia. « Même s’il n’évoque pas le retrait des troupes russes, ce n’est pas un point sur lequel il sera amené à reculer. En proposant à la Russie de participer, l’Ukraine ne signale pas qu’elle est prête à céder sur les frontières », assure Marie Dumoulin. Ce serait plutôt une manière de « développer une vision commune de la voie à suivre pour obtenir une paix équitable et durable en Ukraine », comme l’affirmait le gouvernement suisse en marge du premier sommet sur la paix. 

« L’essentiel, désormais, pour l’Ukraine est de ne pas laisser le monopole du discours et de l’initiative sur les négociations » 

Sans certitudes sur les débouchés de ces propositions, le président ukrainien se positionne pour une sortie de crise tout en se plaçant en conformité avec le droit international. « En 2022, Zelensky a exclu toutes discussions avec Poutine, demandant qu’il soit jugé pour ses crimes de guerre. L’essentiel, désormais, pour l’Ukraine est de ne pas laisser le monopole du discours et de l’initiative sur les négociations. Il veut dire que les Ukrainiens ne cherchent pas la guerre, qu’ils veulent la paix, mais pas à n’importe quelles conditions », explique Marie Dumoulin. 

Sans se compromettre, le président ukrainien souhaite donner la priorité à certains des points du plan de Bali. « Il ne faut pas négliger la dimension intérieure dans ces déclarations. Les sondages récents montrent que l’opinion ukrainienne est largement favorable à une solution négociée, tout en étant opposée à la cession d’une partie du territoire. Zelensky colle à l’état de son opinion, dans une future négociation il aura aussi une marge de manœuvre contrainte par son opinion publique ». En effet, un sondage réalisé pour le journal ukrainien Dzerkalo Tyzhnya par le Centre Razumkov, révèle que 44 % des Ukrainiens sont prêts à des négociations avec la Russie, 35 % refusent les pourparlers. Néanmoins, 83 % refusent de céder à la Russie les régions dans lesquelles se déroulent actuellement les opérations. 

L’élection américaine, clé de futures négociations ? 

En ouvrant la voie, l’Ukraine se prépare aussi à un hypothétique retour à la Maison Blanche de Donald Trump. Plus imprévisible que Joe Biden dans sa gestion des relations internationales, le républicain pourrait forcer les Ukrainiens à négocier, avec Vladimir Poutine, une paix défavorable. Par ailleurs, le vote de l’aide militaire américaine pourrait coincer auprès des parlementaires républicains. De longs mois de batailles parlementaires avaient été nécessaires pour que le congrès américain valide le soutien à l’Ukraine. « L’élection de Trump serait un changement de circonstances important, mais on ne sait pas du tout dans quelle mesure. Il reste imprévisible, il pourrait mettre la pression sur Zelensky, mais aussi s’agacer si la Russie ne joue pas le jeu », note Marie Dumoulin. « Je pense que si Donald Trump devient président, nous travaillerons ensemble. Je n’ai pas peur », a déclaré le président ukrainien à l’occasion d’une conférence de presse à Kiev. Le calendrier proposé par Zelensky vise néanmoins à ne pas subir les résultats des élections américaines qui se tiendront en novembre. 

Sur le front, la situation stagne 

Enfin, la proposition de Volodymyr Zelensky s’inscrit également dans une situation de blocage total sur le front. « Le front n’a pratiquement pas bougé depuis un an, la loi sur la mobilisation intervient tardivement donc l’Ukraine a toujours une difficulté liée au nombre d’hommes mobilisables », pointe Marie Dumoulin. Promulguée le 2 avril, une loi a abaissé l’âge de conscription de 27 à 25 ans, mais n’a pas permis de renouveler les forces présentes sur le front.  « Sur le front, les Russes grappillent un village par-ci par-là, mais ce ne sont pas des avancées significatives, ils se rendent compte qu’ils n’arrivent pas à progresser. Pour les Ukrainiens, la problématique est différente, mais le manque de troupes les empêche de mener une contre-offensive », tranche le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU.

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