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Réunion sur l’Ukraine avec Macron : « Poutine veut mettre à genoux nos démocraties », affirme le sénateur LR Cédric Perrin

Face à la situation en Ukraine, où Donald Trump a engagé des discussions avec la Russie, tout en excluant l’Ukraine de Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron a reçu à huis clos les chefs de partis. Une certaine unité ressort sur la nécessité que l’Ukraine soit autour de la table des négociations. Mais des divergences persistent.
François Vignal

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Trois heures, sans téléphone portable, autour du chef de l’Etat. Emmanuel Macron a convié ce jeudi à l’Elysée les chefs de partis, ainsi que les présidents des assemblées, pour évoquer la situation en Ukraine, au moment où tout s’accélère. Donald Trump a engagé des discussions directement avec la Russie, en vue d’un cessez-le-feu. Le président américain le fait en répondant aux demandes de Vladimir Poutine, tout en écartant les Ukrainiens et les Européens. Il qualifie même Volodymyr Zelensky de « dictateur sans élection ». Dans ce paysage où tout a changé en quelques jours, l’heure était venue de refaire un point avec les responsables politiques.

Une rencontre au format Saint-Denis, avant un débat au Parlement début mars sur les conséquences du contexte géopolitique en Europe pour la France. Il est prévu le 4 mars au Sénat.

L’état de la menace

Emmanuel Macron était entouré pour l’occasion de son premier ministre François Bayrou, mais surtout du chef d’Etat major et du directeur général adjoint de la DGSE (les renseignements extérieurs). Les chefs de partis ont eu droit à « une longue présentation de la situation vis-à-vis de la Russie. Pareil avec la DGSE, sur l’état de la menace », explique à publicsenat.fr le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le sénateur LR Cédric Perrin, qui représentait le président de la Haute assemblée, Gérard Larcher.

Premier à prendre la parole, Cédric Perrin a tenu à « saluer l’augmentation des dépenses militaires depuis 2017, avec le respect de la loi de programmation militaire pour l’instant ». Mais il met en garde : « On a un vrai sujet sur la fin de gestion », car « il y a des reports de charges très importants ». Concrètement, « il n’y a pas les crédits nécessaires pour honorer toutes les commandes. Il y a des reports, des impayés, des pénalités. En cumulé, on est quasiment à 7-8 milliards d’euros en 2024 », alerte le président de la commission. Autrement dit, des économies qui ne disent pas leur nom. Le sénateur du Territoire de Belfort ajoute : « Il ne faudrait pas que la trajectoire cache la forêt de la dette ».

« Le monde est devenu plus dangereux, les sphères d’influence ont changé, on est un peu les chassés », selon Cédric Perrin

Globalement, Cédric Perrin a insisté « sur l’absolue nécessité de dire la vérité aux Français et de les sensibiliser à la situation », car « le monde a changé. Le monde est devenu plus dangereux. Les sphères d’influence ont changé. On est un peu les chassés. Il faut que chacun en ait conscience. On vit un moment historique. C’est l’avenir de l’Europe et de nos enfants qui est en jeu », lance Cédric Perrin. Mais le sénateur LR a « le sentiment, dans l’ensemble, que les partis ont pris conscience de la situation ».

Concernant la Russie, que le chef de l’État voit comme une « menace existentielle », Cédric Perrin ne « pense pas que France soit menacée directement par une attaque. C’est plus une prédation permanente, avec un objectif de Poutine qui est assez clair : il veut mettre à genoux nos démocraties et nos systèmes de fonctionnement. Il le fait soit avec son armée en Ukraine – il pensait qu’il arriverait à Kiev très rapidement et changerait le régime – soit par la lutte informationnelle, avec la lutte cyber, qui permet de faire la courte échelle à des politiques qui lui sont plutôt favorables ».

Côté majorité gouvernementale, Gabriel Attal (Renaissance), Édouard Philippe (Horizons) et Marc Fesneau (MoDem) étaient présents, de même que Michèle Tabarot pour le parti Les Républicains.

« Nous ne lâcherons pas l’Ukraine », affirme Marine Tondelier

A gauche, Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, souligne qu’« on voit bien qu’après l’Ukraine, ce sera les Pays Baltes, et c’est tout le continent qui peut s’embraser ». Pour elle, on ne peut pas, comme le fait Donald Trump, « se ranger intégralement à la position de Poutine, se coucher ».

« On demande à l’Ukraine de lâcher 22 % de son territoire après un million de morts et de blessés. Nous ne lâcherons pas l’Ukraine », prévient la responsable écologiste. Mais la position américaine a une conséquence : « L’Europe est seule désormais et au pied du mur ».

« Il faut faire bloc », selon Olivier Faure

Olivier Faure, premier secrétaire du PS, avoue ne pas être « confiant pour la sortie de crise. C’est pour ça qu’il faut faire bloc ». « Et nous prenons notre responsabilité, pour ne pas chercher à jouer sur le théâtre de la politique intérieure et affaiblir le chef de l’Etat, qui n’a pas besoin de ça. Il faut, au contraire, dans un moment comme celui-là, que sa parole puisse porter. Dans un moment aussi historique, il faut que chacun prenne conscience qu’on ne joue pas les petits intérêts. On est en train de jouer l’avenir du continent et y compris l’avenir de la paix, et peut-être l’avenir du monde », alerte le député PS.

Car « si les conflits se règlent uniquement sur la base du rapport de force, que le droit n’a plus rien à voir, je ne vois pas comment on empêche le réveil des empires, que ce soit en Turquie, […] en Chine, avec les Américains […] ou les Russes », souligne Olivier Faure.

Que la France « participe à la désescalade militaire », demande Fabien Roussel

Fidèle à la ligne traditionnelle communiste, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a demandé à Emmanuel Macron que la France « participe à la désescalade militaire ». « Dans les conclusions, le chef de l’Etat a répondu sur le fait qu’il ne pouvait y avoir d’accord de paix sans l’Ukraine, point sur lequel tout le monde est d’accord », soutient le numéro 1 communiste. « Mais il a dit qu’il fallait éventuellement se préparer à continuer à soutenir l’Ukraine et être aux côtés de l’Ukraine militairement, si l’Ukraine voulait poursuivre la guerre, ce qui suscite chez moi des inquiétudes », affirme Fabien Roussel, qui ajoute que « nous avons été plusieurs à dire qu’il fallait que la France face entendre sa voix ».

Là encore, « nous avons été plusieurs à pointer les contradictions qu’il y a à discuter avec le Président américain, et peut-être à le pousser dans ses retranchements, et de l’autre à rester dans l’OTAN, construire une politique de défense européenne dans l’OTAN. Comment rester non-aligné, tout en étant aligné ? » demande Fabien Roussel, qui appelle à « construire une autonomie européenne de la défense ».

« J’ai entendu le Président utiliser pour la première fois le terme de non-alignement », affirme Manuel Bompard

Pour les insoumis, Manuel Bompard a lui aussi « rappelé la nécessité que l’Ukraine soit à la table des négociations et que la France et les partenaires européens le soient aussi ». « J’ai eu le sentiment qu’on commence petit à petit à prendre conscience d’une forme d’aveuglement atlantiste dans lequel le pays s’est enfermé, ces dernières années. J’ai entendu le Président utiliser pour la première fois, devant moi, le terme de non-alignement, qu’il a repris à son compte. Je m’en satisfais. Mais je ne suis pas sûr que toutes les conséquences stratégiques soient tirées, car j’ai entendu parler de l’Otan. […] Il y a une forme de contradiction », pointe lui aussi le coordinateur national de La France Insoumise. Manuel Bompard ajoute que « la question de l’envoi de troupes a été évoquée, mais qu’à l’issue d’un accord de paix ».

Le responsable LFI note au passage que certains, autour de la table, ont interrogé la présence de Louis Aliot (qui a remplacé le président du RN, Jordan Bardella, en déplacement à Washington pour participer à la convention des conservateurs américains), « car Louis Aliot était présent à l’investiture de Trump ». Mais le maire de Perpignan n’a fait aucune déclaration à la presse, ni à son arrivée, ni à la sortie.

« On s’est engagé sans grande réflexion dans une vision belliqueuse », selon Eric Ciotti

Si le responsable RN n’a pas parlé, Eric Ciotti, allié du parti d’extrême droite avec l’UDR (Union des droites pour la République), a pointé « la concrétisation d’une longue stratégie erronée, de rupture de la stratégie gaullienne de la France, d’un Etat Nation, d’équilibre, non-aligné avec la Russie, les Etats-Unis ».

« On s’est engagé sans grande réflexion dans une vision belliqueuse. Aujourd’hui, nous sommes pris à revers. La France est obligée de prendre dans l’urgence acte de cette rupture », ajoute le député des Alpes-Maritimes, qui a « demandé au Président que nous portions un message de paix, que le cessez-le-feu, qui va arriver, s’accompagne de garanties de sécurité pour l’Ukraine, ses voisins, l’Europe et la France », mais aussi qu’il y ait des engagements pour qu’il n’y ait « pas d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, ni à l’Union européenne ». S’il y a une forme de consensus sur certains points, on voit qu’il connaît ses limites.

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