Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
Relations France Brésil « Emmanuel Macron veut garder Lula dans le camp du raisonnable »
Par Matias Arraez
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Emmanuel Macron et Lula ont annoncé vouloir lever un milliard d’euros d’investissements verts pour l’Amazonie. Quelle est la portée de cet accord sur l’environnement entre les deux pays ?
Il y a plusieurs étapes dans cette visite. Tout d’abord, le pilier environnemental, car il est naturel entre deux pays voisins. La France a une frontière de 730 kilomètres avec le Brésil. Et l’Amazonie ne concerne pas que le Brésil, mais aussi la France et ses voisins, une communauté de huit pays. La France est en pointe sur les thématiques environnementales et c’est l’angle qui permet de bâtir ce partenariat stratégique qui est vanté depuis les années 2000. Il y a eu tout d’abord la présidence Chirac, puis la présidence Sarkozy avec une visite au Brésil très commentée à l’époque. Commencer par cette partie environnementale est intéressant, car c’est le sujet d’actualité internationale, mais car cela s’inscrit aussi dans un agenda plus global. La France d’Emmanuel Macron a fait le choix de développer des liens forts avec le Brésil, première puissance sud-américaine. Un pays qui se veut le leader – avec le Mexique -, de l’Amérique latine tentée par une émergence du Sud global. Donc parler de financement de l’environnement, rappeler l’objectif commun de réduction du réchauffement climatique, se servir de cette problématique environnementale pour affirmer une nouvelle gouvernance mondiale, notamment en matière financière est une évidence bilatérale, mais aussi et surtout une manière de garder Lula, à la tête de la neuvième puissance économique mondiale, dans le camp du raisonnable.
Ce déplacement du Président français marque aussi un partenariat stratégique entre la France et le Brésil sur les sous-marins. Quel est l’état des relations entre les deux pays en matière de coopération militaire ?
Cette visite est l’occasion de la mise en service du troisième sous-marin à propulsion conventionnel livré par la France au Brésil. C’est un programme Prosub lancé par Nicolas Sarkozy et déjà Lula, avec la présidence “Lula II” en 2008. Le projet porte sur 6,7 milliards d’euros et prévoit la livraison de quatre sous-marins : Ria cuela, Humaita, le Tonelero et Angostura, l’année prochaine. Ils sont tous fabriqués à Rio, il a donc fallu aménager une base au large de Rio et des chantiers. Ces sous-marins sont produits dans le cadre d’un partenariat entre l’entreprise française, Navalgroup, et l’entreprise brésilienne Novotos. C’est un programme qui rappelle l’importance du Brésil, qui est un pays qui a une industrie de défense, une industrie aéronautique. Le Brésil est une puissance industrielle. Il y a donc derrière une relation de défense, mais qui porte aussi cette image de défense de l’environnement. C’est ce qu’on appelle l’Amazonie bleue. Cet espace maritime, long de 8500 kilomètres de côtes, qui porte une zone économique exclusive, extrêmement importante pour le Brésil. Cet espace, c’est 95% du transit de son commerce extérieur et 95% de sa production pétrolière. Il faut donc la sécuriser. Cette conscience de protection de l’environnement rejoint la vision française de la blue diplomacy. Mais voilà, les Brésiliens veulent plus que ces quatre sous-marins. La visite va donc porter sur un cinquième sous-marin à propulsion nucléaire cette fois. Si la France accepte, il ne pourrait être livré qu’en 2036-37. Puis, on touche au domaine sensible du nucléaire, il y a une problématique qui se pose au regard du droit international. L’Amérique latine et le Brésil ont signé en 1968, le traité de Tlatelolco, un traité de non-prolifération des armes nucléaires. Donc si le Brésil avance sur ce dossier, ce serait une entorse au traité. Mais en réalité, ce sous-marin a déjà un nom… Il s’appelerait “Alvaro Alberto”. Ce partenariat enverrait plusieurs messages. Pour la France, puissance nucléaire et exportateur d’armes, on pourrait le voir comme un pied de nez à Aukus, l’accord trilatéral entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie. Dans le contexte international, ce serait un joli coup médiatique pour la France. Un message fort, et ça marquerait l’arrivée de la frange nucléaire avec la première économie latino-américaine. Ces dernières années, on a reproché à la France de faire de l’Amérique du Sud, le continent oublié de la diplomatie française. Rentrer dans les sujets régaliens, avec le nucléaire et le nucléaire de défense serait une première. Ce type de technologie ancre la relation dans la durée.
La France est le quatrième pays investisseur au Brésil avec plus de 40 milliards d’euros d’investissements directs. A l’inverse, le géant sud-américain n’investit pas assez en France selon l’Elysée.
Il y a eu une dimension politique difficile ces dernières années. N’oublions pas que le mandat de Jair Bolsonaro a marqué des années de fortes tensions avec le Brésil. Il y a même eu une personnalisation de ces tensions puisque Bolsonaro s’en est pris nommément à Emmanuel Macron. Il n’y avait donc pas un terreau adéquat au développement de partenariat économique. Ensuite, la problématique agricole, enfermée dans les thématiques de libre-échange complexifie les échanges. Donc ça dépasse le franco-brésilien. Par ailleurs, il faut nuancer ces investissements. Le gros des investissements français a été marqué par des années dynamiques pour le Brésil. Depuis les années 2000, et on l’a vu avec le Mondial de foot en 2014 et les Jeux Olympiques de 2016, beaucoup d’infrastructures ont été faites avec des entreprises françaises, notamment l’aspect des transports ferroviaires, avec Alstom, avec le tramway de Rio aussi, et un transfert des technologies de production sur place. Les Français au Brésil, c’est aussi la grande distribution, Carrefour a été très présent dans les villes, et notamment à Sao Paulo, une des plus importantes mégalopoles au monde. Au niveau brésilien en France, il y a dans l’aéronautique, avec Embraer, compagnie brésilienne, une volonté de développer une présence en France. Ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que ce n’est pas seulement le marché français pour les Brésiliens. La France peut ouvrir d’autres marchés, francophones, et asseoir une présence en Europe. Aujourd’hui, ça correspond à la stratégie brésilienne, qui veut apparaître comme une puissance globale. La France, en misant sur le Brésil, est avec le leader de ce Sud global. Il y a une envie de détacher le Brésil de ce Sud global, tout en faisant un agent d’influence à l’intérieur.
Le retour au pouvoir de Lula tient-il ses promesses en termes de réchauffement des échanges avec la France ?
La meilleure preuve est cette visite. Donc oui et à plusieurs titres. Tout d’abord sur le plan psychologique. Son investiture a signifié aux chefs d’État, l’ouverture d’un nouveau monde. Le retour de Lula est déjà psychologiquement la possibilité d’entamer une relation constructive. Pour le Brésil, la France est aussi un pays avec qui il y a une relation affective forte, de cœur. On voit le lien sur le plan culturel : Brasilia, la capitale, avec les architectes français, c’est la construction d’un nouveau concept urbanistique. La France a été leader dans l’accompagnement de la construction d’un nouveau Brésil dans les années 50. Dans le cinéma aussi. Les années 60, avec Belmondo, Bardot, Delon, il y a une relation de cœur entre les deux pays. Secondo, Emmanuel Macron peut introduire la France par le haut et dans la durée. Avec le nucléaire, ce serait parti pour des décennies. In fine, la relation est complexe, car la mosaïque brésilienne est multiple. Mais le partenariat stratégique dans le paysage de l’environnement international, serait gagnant-gagnant.
Sur le plan diplomatique d’importants désaccords existent toutefois, notamment sur l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur, ou encore sur la guerre en Ukraine. Peut-on espérer des avancées sur ces deux points ?
Il est certain que ce sont des sujets qui seront abordés entre les deux chefs d’État. Cela fera partie de l’étape à Brasilia, sur les sujets bilatéraux, les sujets qui fâchent. La position de Lula a été extrêmement critiquée. Il a été très dur avec Volodymyr Zelensky et sur l’Ukraine. Rappelons nous qu’en janvier 2023, la générale Laura Richardson, commandante en charge du South Command américain, les troupes américaines pour l’Amérique latine, avait appelé les pays ayant des équipements russes, la Colombie, le Pérou, le Brésil, à faciliter leur envoi en Ukraine. Ca a été une fin de non-recevoir des pays latino-américains à cette proposition. Oui, ces sujets vont être abordés. Macron va demander à Lula de faire des efforts sur la ligne de production agricole. Ça va être très difficile pour Lula, car changer toute une filière ne se fait pas du jour au lendemain. Et sur l’Ukraine, c’est le Lula alternatif. Il vient d’un mouvement politique qui dénonce le cadre international actuel, qui n’a pas rompu avec la Russie. Serguei Lavrov, chef de la diplomatie russe, a été deux fois au Brésil cette année, avant d’aller au Vénézuéla et à Cuba. Lula rêverait de voir le Brésil servir de médiateur au moment des négociations de paix entre les deux pays. Pour le moment on est pas dans un temps de négociation, mais Emmanuel Macron sait que Lula pourrait l’être. Voilà l’illustration de la position d’équilibriste du Brésil.