Israeli Troops Take Control Of Gaza’s Rafah Crossing

Rafah : «  Israël essaye de faire pression sur le Hamas et infléchir ses conditions en lançant l’offensive »

Alors que le Hamas annonçait hier soir avoir accepté un accord de trêve avec Israël, l’armée israélienne a finalement lancé l’offensive sur Rafah ce matin. La ville du sud de l’enclave accueille depuis le début de l’opération israélienne les réfugiés provenant du reste de la bande de Gaza. Explications des enjeux liés aux négociations de trêve et de la prise du point de passage entre la bande de Gaza et l’Egypte avec Pierre Razoux, directeur académique de l’institut FMES et auteur de « Tsahal, histoire de l’armée israélienne », Perrin, 2009.
Henri Clavier

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On a appris ce matin que l’armée israélienne était entrée dans Rafah, la ville la plus au sud de la bande de Gaza et vers laquelle une grande partie de la population de l’enclave s’est réfugiée. Est-ce étonnant alors que l’on sait que les négociations avaient repris pour conclure une trêve ?

Ce n’est pas étonnant, on est dans la logique de la stratégie de Netanyahou qui a besoin de poursuivre les combats pour assurer sa survie politique au sein du gouvernement israélien.

Ce que l’on observe régulièrement, depuis le début du conflit, c’est qu’à chaque proposition de trêve, à l’ultime moment, Netanyahou ordonne la poursuite de manœuvre ou de bombardements qui viennent saboter les négociations. En Israël aujourd’hui il y a un consensus pour poursuivre la guerre à Gaza, mais surtout pour éliminer les commandants du Hamas présents à Gaza. Après 7 mois très durs pour les citoyens israéliens, notamment pour les habitants de la frontière avec le Liban qui ont dû quitter leurs habitations, l’arrêt des combats alors que les objectifs ne sont pas atteints serait encore plus désastreux. En privilégiant les combats, Benjamin Netanyahou cherche à gagner du temps, il veut donner à l’armée israélienne un délai supplémentaire pour mener l’offensive. Or, les stratèges du Hamas sont sans doute dans les tunnels de Rafah et il n’y aura pas de succès pour Israël sans l’élimination de Yahia Sinouar et de Mohammed Deif.

Malgré cela, le lancement de l’offensive signifie l’abandon d’une trêve et donc le report de la libération des otages. La pression mise par les familles d’otages peut-elle payer et pousser le gouvernement israélien a accepté une trêve, voire provoquer une rupture au sein du cabinet de guerre ?

La question des otages est extrêmement importante pour les Israéliens, cependant il est très peu probable que le cabinet de guerre se dissolve pour ces raisons. En effet, Benny Gantz, principale figure d’opposition, participe au cabinet de guerre pour éviter des débordements, à savoir un envenimement de la situation avec le Hezbollah ou l’Iran. Même si les manifestations pour récupérer les otages s’intensifient, la population israélienne reste assez largement favorable à la poursuite de l’opération à Rafah.

Le Hamas disait avoir accepté les conditions d’un cessez-le-feu hier soir, finalement il n’en est rien. Que s’est-il passé ?

C’est assez complexe mais finalement, il semble que le Hamas a accepté un accord de cessez-le-feu qui ne correspond pas aux termes proposés par le gouvernement israélien. C’est en tout cas ce que nous disent les Etats-Unis et l’Egypte, c’est plutôt une forme de contre-proposition de la part du Hamas alors que d’autres négociations doivent avoir lieu dans les heures qui viennent. En tout cas, Israël essaye de faire pression sur le Hamas et infléchir ses conditions en lançant l’offensive sur Rafah. Malgré cela, un cessez-le-feu reste possible en cas de nouvelle proposition, même si les Israéliens n’abaisseront pas leurs objectifs, à savoir éliminer le Hamas.

Face à ce bras de fer, certains intermédiaires ne pourraient-ils pas jeter l’éponge ?

Actuellement, toutes les parties prenantes ont d’importants intérêts à défendre dans les négociations. Les Etats-Unis recherchent un équilibre entre la sécurité d’Israël, des populations civiles palestiniennes et surtout limiter au maximum l’extension du conflit, notamment avec l’Iran. Ensuite, côté arabe il faut aussi comprendre qu’il y a deux centres de négociations qui sont en compétition pour façonner le futur politique de la Palestine. D’un côté l’Egypte, plutôt favorable au parti laïc Fatah qui dirige actuellement l’autorité palestinienne et de l’autre le Qatar dont l’agenda est favorable aux Frères musulmans et au Hamas. Ces deux acteurs ont intérêt à prendre le plus de place dans les négociations pour influer sur l’avenir de la bande de Gaza et de la Cisjordanie alors que Mahmoud Abbas est de plus en plus contesté.

L’armée israélienne a annoncé avoir pris le contrôle du point de contrôle entre la frontière égyptienne et Rafah, quelles conséquences cela va-t-il avoir sur l’acheminement de l’aide humanitaire ?

L’armée israélienne s’est emparée du terminal de Rafah pour couper la frontière et empêcher tout passage. Par conséquent, la seule arrivée pour l’aide humanitaire est le port artificiel américain, par lequel passe aujourd’hui l’essentiel de l’aide. En intervenant au terminal de Rafah, les Israéliens appellent les Egyptiens à être réaliste et jouer un rôle d’intermédiaire fiable. L’Egypte redoute les conséquences que pourrait avoir l’ouverture de la frontière entre Rafah et son territoire. C’est aussi une manière pour Israël de faire pression sur l’Egypte.

 

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