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Propos de Macron sur l’arrêt des ventes d’armes à Israël : la droite déplore le timing, la gauche salue la responsabilité du Président

Au moment des commémorations en hommage aux victimes de l’attaque du Hamas le 7 octobre, Emmanuel Macron a braqué le Premier ministre Israélien, Benyamin Netanyahou, en appelant à stopper les livraisons d’armes utilisées par Israël à Gaza. Un appel dont la temporalité a crispé la majorité relative Ensemble/LR mais qui est plutôt accueilli favorablement par les parlementaires de gauche
Simon Barbarit

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Emmanuel Macron a-t-il commis une faute diplomatique en se prononçant deux jours avant les commémorations des victimes de l’attaque du Hamas, le 7 octobre pour un arrêt des livraisons d’armes utilisées par Israël à Gaza ? Sur le plateau de la matinale de Public Sénat, le président du groupe d’amitié France-Israël de la Haute assemblée, Roger Karoutchi (LR) indique avoir « très mal » pris cet appel. « Dire ça, la veille du 7 octobre […] ça semble dire : l’agressé doit être démuni militairement face à l’agresseur. C’est insensé », a-t-il interprété.

 

Samedi, lors d’une émission spéciale sur France Inter consacrée à la francophonie, Emmanuel Macron avait indiqué que « la priorité », était de revenir « à une solution politique, qu’on cesse de livrer les armes pour mener les combats sur Gaza », a-t-il déclaré.

La déclaration a immédiatement conduit à une explication au téléphone avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu après que ce dernier a qualifié de « honte » cette demande d’embargo française.

« Le en même temps, n’est pas très sérieux »

« On attend des amis d’Israël qu’ils le soutiennent et ne lui imposent pas de restrictions qui ne feront que renforcer l’axe du mal iranien » a déclaré le chef du gouvernement Israélien, présentant l’offensive de son pays contre le Hezbollah comme « une opportunité pour changer la réalité au Liban au profit de la stabilité, de la sécurité et de la paix dans toute la région », a rapporté son bureau ». Emmanuel Macron a, lui, réaffirmé « l’engagement indéfectible » de la France pour la sécurité d’Israël mais aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu à Gaza et au Liban, a annoncé l’Elysée. « Quand vous avez des soutiens indéfectibles comme ça, vous n’avez pas besoin d’ennemis. Le en même temps, n’est pas très sérieux », a tancé Roger Karoutchi.

« Je ne pense pas qu’il y a eu de la part du chef de l’Etat une volonté de lier son appel aux commémorations du 7 octobre. Elle fait suite à ses déclarations devant l’Assemblée générale des Nations Unies, il y a quelques jours, lorsqu’il a qualifié la situation à Gaza de « scandale pour l’humanité », observe la présidente du groupe communiste du Sénat, Cécile Cukierman. « C’est quand même paradoxal que ce soit moi, la présidente du groupe communiste, qui soutienne sa déclaration ».

Hélène Conway-Mouret, vice-présidente socialiste de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat abonde. « On ne peut pas appeler à un cessez le feu et fournir des armes en même temps des armes à Israël. On ne peut pas prôner une solution à deux Etats et laisser Gaza devenir inhabitable ».

Au sein de la majorité « très relative » Ensemble-LR, l’appel du chef e l’Etat a été pour le moins fraîchement accueilli. « Tout le monde fait le maximum d’efforts pour qu’il y ait enfin un cessez-le-feu. Mais force est de constater qu’aujourd’hui le refus du cessez-le-feu, il vient du Hamas […] Et donc malheureusement, il ne faut pas désarmer Israël dans ces circonstances-là », a martelé la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, sur BFM TV.

« Emmanuel Macron essaye d’exister à l’international »

« Nous sommes un peu habitués aux sorties exceptionnelles du chef de l’Etat. Nous avons eu droit à son appel en faveur d’une coalition internationale contre le Hamas, ses propos sur l’éventualité d’envoyer des troupes au sol en Ukraine et maintenant ça… La première grille d’analyse qu’on peut avoir, c’est que n’ayant plus de prise sur la politique intérieure, Emmanuel Macron essaye d’exister à l’international », observe Cédric Perrin, le président de la commission des affaires étrangères et de la défense des forces armées du Sénat. « On peut parler du timing de sa déclaration qui est surprenant, mais surtout, ça donne la fausse impression à l’opinion publique que la France vend des armes à Israël alors que ce n’est pas le cas. Nous vendons quelques pièces à la BITD (base industrielle et technologique de défense) israélienne mais ce ne sont en aucun cas des armes », ajoute-t-il.

« La France ne livre quasiment par d’armes à Israël. Donc, c’est de l’incantation. (Il) demande aux Américains de ne pas livrer d’armes à Israël », insiste Roger Karoutchi.

La France vend-elle des armes à Israël ?

Sur ce point, le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu s’était expliqué en mars dernier. Le media Disclose avait révélé que la France avait autorisé, « fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 pièces de cartouches pour des fusils-mitrailleurs susceptibles d’être utilisés contre des civils à Gaza ». Le ministre avait indiqué que le montant total des contrats qui lient l’industrie française à l’armée israélienne était de seulement « 15 millions d’euros, c’est-à-dire 0,2 % du volume global des exportations d’armes françaises » mais ne concernait pas « des armements constitués, toujours des composants », comme des roulements à billes, des écrous usinés de manière particulière – c’est notamment le cas du petit composant des dômes de fer (lire notre article). « On vend des cliquets qui servent à assembler les munitions des fusils-mitrailleurs donc on peut parler d’armes qui peuvent servir à Gaza », objecte Akli Mellouli, sénateur écologiste, vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat.

Si Akli Mellouli se félicite de l’appel d’Emmanuel Macron, lui aussi déplore sa temporalité. « Il aurait dû le faire au moment où la Cour internationale de justice avait ordonné à Israël d’empêcher tout acte de génocide. Les Etats qui vendent des armes à Israël peuvent potentiellement se rendre complices de crimes internationaux ».

« Emmanuel Macron acte la responsabilité collective de tous les Etats dans ce conflit »

Roger Karoutchi a lui pointé, une forme d’hémiplégie de l’Elysée. « La France livre beaucoup d’armes au Qatar, l’allié permanent du Hamas. Est-ce que la France va cesser de livrer des armes au Qatar et à des gens qui soutiennent le terrorisme » ?

« Il faut faire attention lorsqu’on évoque le rôle du Qatar qui est quand même plus complexe que ça dans la région. Il a notamment joué un rôle de médiation important dans la libération des premiers otages israéliens », tempère Cédric Perrin.

Avant la France, le Canada et le Royaume Uni ou encore l’Espagne ont eux aussi appelé à cesser la vente d’armes à Israël. « Emmanuel Macron acte la responsabilité collective de tous les Etats dans ce conflit. La multiplicité des voix diplomatiques en ce sens peut faire pression sur les Etats-Unis afin qu’ils cessent ce surcommerce d’armes. Il ne s’agit plus simplement de mettre fin au pilonnage de Gaza puisque d’autres puissances sont entrées dans le conflit. Il s’agit de ne pas créer les poudrières de demain », insiste Cécile Cukierman.

Pour Hélène Conway-Mouret, « Il faut avoir le courage de poser la question : quel est objectif de Benjamin Netanyahu ? Est-ce la vision idéologique de l’extrême droite israélienne ? Si c’est l’extinction du Hamas et du Hezbollah, on sait que c’est impossible quand un mouvement est ancré dans une société. J’ai passé une bonne partie de ma vie en Irlande. Et je sais que l’Ira est né du Bloody Sunday. Dès qu’une population est touchée, elle bascule par vengeance dans le soutien aux mouvements terroristes ».

« Le vrai sujet reste la stratégie d’Israël qui est vouée à l’échec. Un an après le 7 octobre, tous les otages n’ont pas été libérés et le Hamas est toujours là. Le Sénat a toujours été clair sur le fait qu’il ne pourra y avoir de paix durable en dehors de la solution à deux Etats », poursuit Cédric Perrin.

Ce lundi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a déclaré « la force seule » ne pouvait « suffire à garantir la sécurité d’Israël ». « Le temps de la diplomatie est venu », a-t-il précisé.

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