Prise d’otages de civils en Israël : comment analyser la stratégie du Hamas ?
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Depuis le début de l’attaque terroriste du Hamas sur Israël, de nombreuses personnes ont été prises en otage par l’organisation, une centaine d’après le gouvernement israélien. Parmi eux, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des militaires, mais aussi des non Israéliens. Des vidéos de leur capture ont circulé sur les réseaux sociaux, suscitant émotion et indignation. A l’heure où nous écrivons ces lignes, on compte deux Français parmi les victimes des attaques.
« Ce n’est pas la première prise d’otage, mais à cette échelle, c’est totalement inédit »
Cette opération de prise d’otages choque par sa violence, sa rapidité et son ampleur. Si le Hamas avait déjà eu recours à des prises d’otages par le passé, celle-ci est sans précédent. Pour Laetitia Bucaille, professeure de sociologie et vice-présidente l’Inalco, chercheuse au CESSMA, « ce n’est pas la première prise d’otage, mais à cette échelle, c’est totalement inédit ». Le Hamas était en effet plutôt habitué à prendre des otages militaires, comme Gilad Shalit, soldat israélien, otage du Hamas de 2006 à 2011, échangé contre près de mille prisonniers palestiniens. « C’est inédit sous cette forme », précise la sociologue, « des civils, des familles, parfois des enfants ». Autre caractère inédit de cette attaque : son ampleur. « Aujourd’hui, l’opération de masse mise en œuvre par le Hamas est assez impressionnante », analyse David Corona, ancien négociateur au GIGN et expert en situation de crise internationale.
Prise d’otages : « C’est plutôt une monnaie d’échange »
Que cherche le Hamas avec cette prise d’otages massive ? Comment analyser une telle stratégie ? Certains y voient la constitution d’un « bouclier humain », pour forcer Israël à amoindrir sa riposte sur la bande de Gaza. « C’est possiblement utilisé par le Hamas comme une tactique pour différer momentanément la mise en œuvre attendue de la réponse israélienne. Dans son calcul, l’idée est peut-être de disposer d’un outil inhibiteur pour hypothéquer une riposte massive de l’armée Israélienne, mais c’est peu probable que cela soit réellement opératoire », analyse David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Iris et spécialiste du Moyen-Orient. A 14 heures, le Hamas avait déjà annoncé que les frappes israéliennes sur Gaza avaient tué quatre « prisonniers ». Même si cette information est difficilement vérifiable et à prendre avec précaution, cela traduit bien d’une utilisation de ces otages comme levier de pression sur Israël dans sa riposte militaire. David Corona ne se dit cependant pas complètement convaincu par cette interprétation. « C’est plutôt une monnaie d’échange », explique-t-il.
Otages à Gaza : « Cette situation constitue un dilemme terrible pour Israël »
Depuis le début des prises d’otages, l’armée israélienne travaille à leur libération. Mais l’issue semble très difficile à appréhender : faut-il négocier pour obtenir la libération des otages ? Pour David Corona, « ce coup d’éclat du Hamas va créer un précédent et l’issue de la situation devrait faire une jurisprudence pour le Hamas : s’il obtient un nombre conséquent de libérations en échange des otages, il continuera à le faire ». David Rigoulet-Roze résume : « Cette situation constitue un dilemme terrible pour Israël, parce que la vie humaine est ce qui compte le plus dans la culture juive ». Le pays se trouve pris en tenaille entre deux stratégies : riposter militairement contre le Hamas, au risque de tuer ses otages et les civils présents sur la zone, ou négocier avec lui, au risque d’enclencher des prises d’otages à la chaîne. « Si la négociation aboutit en troc, c’est la porte ouverte à la poursuite de tels actes », synthétise David Corona.
Pour ajouter à la complexité de la situation, des personnes non israéliennes et non binationales se trouveraient parmi les otages. « Cela internationalise de fait le conflit », analyse David Rigoulet-Roze, « c’est un risque manifestement assumé que prend le Hamas, mais il considère que c’est contingent au regard de la cause. Ce qu’il espère, c’est capitaliser sur les réactions potentielles des opinions arabes ce que l’on appelle, parfois un peu de manière, la ‘rue arabe’ ». Le rôle que peuvent jouer ces otages internationaux dépend de plusieurs facteurs, rappelle David Corona : « Cela dépend de deux critères : le volume de ressortissants étrangers dans le volume total des otages et les rapports des pays d’origine avec le pays otage ». Dans la situation actuelle, « il peut y avoir des conseils, des échanges, entre les pays étrangers impliqués et le pays d’origine, mais sans ingérence », synthétise-t-il, « je ne vois pas les pays occidentaux aller chercher des poux à Israël en ce moment ».
L’issue de cette prise d’otages massive du Hamas semble de plus en plus incertaine, à l’heure où Israël a annoncé la mise en place d’un « siège complet » de la bande de Gaza, « pas d’eau, pas d’électricité, pas de gaz », selon les mots de Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense.
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